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Mettre fin au tabou de l’inceste

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Dans un arrêt rendu le 30 mai dernier, le Conseil d’Etat a cassé l’interdiction d’exercer d’une pédopsychiatre accusée par son ordre professionnel d’avoir enfreint les règles du secret médical, alors qu’elle cherchait à protéger une mineure victime de maltraitances. Nouvelle étape franchie sur la voie d’une plus grande protection des enfants, cette décision intervient dans un contexte de mise en lumière de l’inceste, à la suite du mouvement #MeTooInceste et de la mise en place, en mars 2021, de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Le 25 novembre dernier, le gouvernement a publié un décret imposant la suspension des droits parentaux du parent mis en cause le temps de l’enquête, en cas d’accusation d’inceste après séparation. Ces évolutions s’inscrivent dans un mouvement de fond qui, depuis une trentaine d’années, signe l’entrée de l’inceste dans le débat public et vise à démonter le tabou qu’il représente.

En 1986, la prise de parole à la télévision de victimes marque un véritable tournant : parmi elles, Eva Thomas, qui vient de publier Le viol du silence, où elle relate le viol que lui a fait subir son père. Après cet événement médiatique, le ministère des Affaires sociale et de l’Intégration lance une campagne nationale de prévention en 1988 intitulée « Abus sexuels à l’égard des enfants, comment en parler ? » La libération de la parole des victimes opère un retournement, puisque leur silence était la norme, comme l’avaient montré les travaux de l’anthropologie de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Pour Michel Foucault, l’inceste relève à la fois de l’interdiction, de la négation et de la censure.

Le droit lui-même a mis du temps à s’emparer de la question : c’est seulement en 2015 que l’inceste a été inscrit dans le code pénal, au terme d’une intense mobilisation d’associations et de victimes. Les rédacteurs de la première version du code pénal en 1810 avaient renoncé à y introduire la notion, incluse dans la catégorie du viol ou de l’attentat à la pudeur. Une première loi, en 1832, présente cependant l’inceste (sans le nommer) comme une circonstance aggravante du crime de viol tandis qu’une deuxième loi en 1863 fait de l’inceste paternel un élément constitutif du crime.

C’est plus d’un siècle plus tard, donc, que l’inceste est dénoncé comme un tabou, dans une société profondément transformée par l’abaissement des seuils de tolérance à la violence et l’accroissement de la valeur accordée à l’enfant. Il reste pourtant beaucoup à faire pour accueillir sa parole et donner aux victimes les moyens de se reconstruire. D’autant que le phénomène est loin d’être rare : d’après un sondage de 2020, un Français sur dix déclare avoir été victime d’inceste dans sa vie.

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