Il y a à Calais cette urgence quotidienne qui laisse peu de répit. Venir en aide aux personnes exilées, leur proposer des repas, remplir les réserves d’eau, répondre aux appels des naufragés en mer, autant d’actions mobilisant jour et nuit des dizaines de personnes solidaires. Ce temps de l’urgence, celui du terrain, ne laisse que peu de place à la réflexion et au dialogue.
A Briançon, à la frontière franco-italienne, il y a un an, à l’un des points géographiques qui mobilisent bon nombre d’associations, de bénévoles et d’organisations non gouvernementales, des rencontres, intitulées « Territoires &savoirs partagés », avaient été organisées pour échanger, réfléchir et s’organiser. A Calais, « Fabriques d’Agirs » s’est voulue la seconde édition de cet événement. Lancée le jeudi 26 mai, elle a rassemblé les acteurs et associatifs locaux et, plus éloignés, des sociologues, ethnologues, géographes, anthropologues, venus échanger sur leurs recherches.
A l’ouverture de ces quatre jours d’échanges, près d’une centaine de personnes étaient présentes dans la grande salle de la Maison d’entraide et de ressource, située dans le centre-ville. Juliette Delaplace, du Secours catholique de Calais, a débuté par une présentation brève de la situation : « Pour beaucoup, c’est la première fois des rencontres se déroulent en présence des uns et des autres, en vrai. On va pouvoir discuter des modes d’action à la frontière franco-britannique. Mais on peut la résumer en deux points : c’est une frontière fermée et qui se ferme chaque jour un peu plus, et un espace où l’Etat lutte contre les points de fixation. »
Emmenés par les acteurs associatifs locaux, les non-Calaisiens étaient ensuite invités à observer « les lieux de solidarité comme d’entraves ». Le port, ses barbelés, les rochers disposés pour empêcher les associations de remplir les cuves d’eau, mais aussi le hangar de l’Auberge des migrants où agissent au quotidien plusieurs associations.
Une fois ces bases posées, les débats et discussions pouvaient commencer. Comment lutte-t-on aux frontières ? Quelle mémoire construire de Calais et de ses solidarités, alors que depuis les années 1990, des personnes en transit tentent de rejoindre le Royaume-Uni par ses côtes ? Comment impliquer davantage les personnes exilées dans ces luttes ? Ces journées ont alterné conférences, ateliers, expositions et concerts, les participants tentant d’apporter ensemble des réponses à ces questions. « Ce qui est difficile, c’est qu’à chaque événement où les frontières sont discutées, le constat est toujours le même : la situation empire partout », constate amèrement l’une des bénévoles venue de Briançon.