Solidarité, autonomie et handicap, trois grands domaines de l’action sociale sont rassemblés en un seul portefeuille du gouvernement Borne. Lorsqu’il s’agit de miniastère, le terme de « plein exercice » qui lui est conféré rassure. Tandis qu’un simple secrétariat d’Etat, comme celui dévolu à la protection de l’enfance, semble promettre la cause à une pauvre destinée. Alors, la chargée de l’enfance Charlotte Caubel est directement attachée aux services de la Première ministre.
Au-delà de « l’affaire Abad », considérons la stratégie. Nommer en charge de la solidarité un homme, issu, à l’instant T, de la droite traditionnelle relève davantage d’une prise politique de la part d’Emmanuel Macron que d’une volonté sociale affichée. De même que la nomination d’une femme Première ministre reste anecdotique, celle d’un homme porteur d’une maladie invalidante à ce ministère demeure proche du concept de l’affiche. Ou plutôt du flyer.
Du parcours de Damien Abad ne ressort aucun lien avec l’action sociale, la solidarité ou le grand âge. Tout au mieux se dessine le profil d’un politicien qui a navigué du centre à la droite avant d’épouser le centre-droit, pour l’instant. Du département du Gard à celui de l’Ain en passant par les Yvelines, aucun ancrage ne semble non plus guider sa trajectoire géographique, hormis l’ambition de décrocher quelque mandat. Un tel cheminement laisse peu de place à la crédibilité auprès des acteurs sociaux. Quant au poids politique que le ministre pourra faire valoir pour décrocher les budgets nécessaires à un chantier d’envergure tel que la loi « grand âge » déjà plusieurs fois ajournée, il laisse également dubitatif.
Tout autant, la nomination de Charlotte Caubel laisse planer le doute sur l’action à venir du gouvernement en matière de protection de l’enfance. Mais surtout, la perception que cette désormais ex-directrice de la protection judiciaire de la jeunesse peut avoir de la cause majeure du quinquennat pose un sérieux problème.
Auditionnée à l’Assemblée nationale en septembre 2021 par la commission d’enquête parlementaire sur les migrations, elle appelait à « ne pas être naïf dans notre générosité et donc, ne pas dire que toute personne se prétendant mineure doit être protégée ». « Quand mes éducateurs passent deux ans à prendre en charge des personnes qui vont finir par [se révéler majeures], c’est de l’énergie qu’ils ne mettent pas pour les vrais mineurs. »
Entre vrais mineurs, vrais pauvres, vrais vieux, d’une part ; entre solidarité, vieillissement, handicap et enfance, d’autre part, reste à espérer que ministre et secrétaire d’Etat mettront toute leur énergie à, plutôt que faire le tri, réfléchir ensemble à une politique sociale cohérente.