Le suivi médical individuel de la santé des salariés est une thématique centrale dans le secteur social et médico-social compte tenu des risques professionnels très lourds qui existent en pratique. Selon l’assurance maladie, en 2019, un accident du travail sur six concernait un salarié du secteur de l’aide et du soin à la personne contre 10,7 % des salariés tous secteurs d’activité confondus.
Qu’il soit embauché en contrat à durée indéterminée, en contrat à durée déterminée, en contrat de travail temporaire, en contrat d’apprentissage ou par un particulier employeur, tout salarié doit bénéficier d’un suivi de son état de santé (code du travail [C. trav.], art. L. 4624-1). En revanche, le code du travail n’inclut pas les stagiaires.
Les entreprises privées et les associations – ainsi que les établissements publics industriels et commerciaux (Epic) ou les établissements publics à caractère administratif employant du personnel de droit privé (Epa) – qui embauchent du personnel ont l’obligation d’adhérer à un service de prévention et de santé au travail (C. trav., art. L. 4622-1) (voir encadré page 17).
A noter : Les particuliers employeurs sont également tenus de s’affilier à ce service (C. trav., art. L. 7221-2).
Notre dossier reviendra sur les différentes visites médicales. Ces dernières font actuellement l’objet d’une grande réforme impulsée par la loi du 2 août 2021 et complétée par un décret publié le 26 avril 2022 au Journal officiel. Cette loi transpose l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail conclu par les partenaires sociaux le 10 décembre 2020. Par ailleurs, nous nous intéresserons aux modalités pratiques de déroulement des visites médicales et notamment aux sanctions encourues par les employeurs comme par les salariés en cas de non-respect de la réglementation.
Au cours de leur relation de travail, les salariés peuvent être amenés à réaliser des visites d’information et de prévention, des visites de préreprise et de reprise, des visites à la demande, une visite de mi-carrière mais également des examens complémentaires.
Tout salarié bénéficie d’une visite d’information et de prévention lors de la prise effective de son poste de travail. Cette visite est réalisée dans un délai maximal de 3 mois à compter de la prise effective du poste de travail (C. trav., art. L. 4624-1 et R. 4624-10). Elle est en revanche effectuée préalablement à l’affectation au poste de travail pour certains travailleurs comme les travailleurs de nuit ou encore les travailleurs mineurs (C. trav., art. R. 4624-18).
L’organisation d’une visite d’information et de prévention n’est pas toujours nécessaire. Ainsi l’employeur n’est-il pas tenu d’organiser une visite lorsque le salarié a bénéficié d’une visite d’information et de prévention dans les 5 années précédentes dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies (C. trav., art. R. 4624-15) :
• le travailleur est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents ;
• le professionnel de santé est en possession de la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude ;
• aucune mesure spécifique concernant le poste ou le temps de travail, ou aucun avis d’inaptitude n’a été émis au cours des 5 années précédentes.
La durée de 5 ans est ramenée à 3 ans lorsque l’état de santé, l’âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels le travailleur est exposé le nécessitent. Tel est le cas notamment des travailleurs handicapés, des travailleurs titulaires d’une pension d’invalidité et des travailleurs de nuit (C. trav., art. R. 4624-17).
La visite médicale d’information et de prévention est réalisée à l’initiative de l’employeur. Il en fait la demande au moyen de la déclaration préalable à l’embauche (C. trav., art. R. 1221-2). Elle a plusieurs objectifs (C. trav., art. R. 4624-11) :
• interroger le salarié sur son état de santé ;
• l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son poste de travail ;
• le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ;
• identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail ;
• l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité de bénéficier, à tout moment, d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.
La visite médicale n’est pas systématiquement réalisée par le médecin du travail. Elle peut l’être par un collaborateur médecin, un interne en médecine ou un infirmier de santé au travail (C. trav., art. L. 624-1), mais pas par un médecin traitant ou un infirmier libéral.
Lorsque la visite médicale n’a pas été effectuée par le médecin du travail, le professionnel de santé peut, s’il l’estime nécessaire, orienter le salarié vers le médecin du travail qui pourra proposer des adaptations du poste ou une affectation à d’autres postes (C. trav., art. R. 4624-13).
A noter : Les salariés handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité sont orientés sans délai vers le médecin du travail. Ce dernier peut ainsi préconiser des adaptations de poste et détermine la périodicité et les modalités de suivi de l’état de santé du salarié (C. trav., art. R. 4624-20).
A l’issue de la visite d’information et de prévention, le médecin délivre une attestation de suivi au salarié.
La visite d’information et de prévention doit être renouvelée selon une périodicité qui ne peut excéder 5 ans (C. trav., art. R. 4624-16). La périodicité est fixée par le médecin du travail en fonction des conditions de travail, de l’âge, de l’état de santé ou encore des risques auxquels le salarié est exposé (C. trav., art. R. 4624-16).
De surcroît, la périodicité ne peut pas excéder 3 ans pour les travailleurs handicapés, les salariés titulaires d’une pension d’invalidité, les travailleurs de nuit, les mineurs ou encore les femmes enceintes (C. trav., art. R. 4624-17 et s.).
Le secteur sanitaire et social est marqué par une forte pénibilité et de nombreux arrêts de travail en découlent. Les visites de préreprise et de reprise des salariés doivent être parfaitement maîtrisées pour permettre la réintégration du salarié après une absence, son reclassement en cas d’inaptitude ou, à défaut, aux fins d’organiser son licenciement.
Les salariés en arrêt de travail depuis plus de 30 jours peuvent bénéficier d’une visite de préreprise (C. trav., art., R. 4624-29). L’objectif est de favoriser le maintien dans l’emploi. A ce titre, le médecin du travail peut recommander des aménagements et des adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement ou encore des formations professionnelles.
Ces recommandations sont transmises à l’employeur et au médecin conseil afin que toutes les mesures puissent être mises en place. Le salarié est en droit de s’y opposer (C. trav., art. R. 4624-30).
A noter : Les modalités d’organisation de la visite de préreprise ont évolué depuis le 1er avril 2022. Auparavant, cette visite était ouverte aux salariés en arrêt de travail depuis plus de 3 mois.
Le nouveau texte prévoit que l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de la possibilité de bénéficier de la visite de reprise et de son intérêt.
La visite de reprise est un examen médical pratiqué par le médecin du travail dans certaines situations (C. trav., art. R. 4624-31) :
• après un congé maternité ;
• après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
• après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ;
• après une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel.
A noter : Avant le 31 mars 2022, le code du travail prévoyait l’organisation d’une visite médicale de reprise pour toutes les absences d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Depuis le 1er avril 2022, la visite de reprise s’applique à toutes les absences d’au moins 60 jours. Par conséquent, tous les arrêts ayant débuté avant le 1er avril 2022 appliquent les anciennes dispositions alors que les nouvelles dispositions concernent uniquement les arrêts ayant débuté après le 1er avril 2022.
Cette visite doit être organisée dans un délai de 8 jours suivant la reprise effective du travail (C. trav., art. R. 4624-31). Si l’arrêt est suivi d’une période de congés payés, la visite de reprise peut intervenir à l’issue des congés.
L’organisation de la visite incombant à l’employeur, ce dernier doit se rapprocher du service de santé dès qu’il a connaissance de la fin de l’arrêt de travail.
Si l’employeur n’organise pas de visite de reprise, il manque à son obligation de santé et de sécurité (C. trav., art. L. 4121-1) et s’expose à des sanctions (voir page 21). Le salarié peut par exemple demander l’octroi de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi (voir notamment Cass. soc., 13 avril 2016, n° 14-28293) ou prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur (voir notamment Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-21587).
La visite de reprise a plusieurs objectifs :
• vérifier si le poste de travail que doit reprendre le salarié ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;
• examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises, le cas échéant, par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;
• préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;
• émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude.
A noter : Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail pour cause d’accident du travail pendant une durée inférieure à 30 jours, il n’est en principe pas concerné par la visite de reprise. Toutefois, le code du travail impose à l’employeur d’informer le médecin du travail. Il appartient ensuite à ce dernier d’apprécier l’opportunité d’un nouvel examen médical ou de préconiser des mesures de prévention des risques professionnels (C. trav., art. R. 4624-33).
A l’issue d’une visite de reprise, le médecin du travail peut délivrer une attestation de suivi ou un avis d’inaptitude. Lorsque le salarié bénéficie d’un suivi médical renforcé (voir encadré, page 18), il peut bénéficier d’un avis d’aptitude.
Indépendamment des visites d’information et de prévention, le salarié ou l’employeur peuvent demander l’organisation d’une visite médicale.
Depuis le 28 avril 2022, cette visite à la demande peut être réalisée, au choix du salarié, par le médecin ou par un autre professionnel, par exemple un collaborateur médecin, un interne en médecine ou un infirmier (C. trav., art. R. 4624-34 et L. 4624-1).
A titre d’illustration, une visite à la demande peut être sollicitée par un salarié qui anticiperait un risque d’inaptitude en vue d’engager des démarches visant à le maintenir en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé (C. trav., art. R. 4624-34). De même, un employeur peut entamer des démarches et demander l’organisation d’une visite médicale lorsque, par exemple, un salarié est amené à changer de poste de travail.
A noter : La demande formulée par un salarié ne peut motiver aucune sanction (C. trav., art. R. 4624-34).
Très récemment, le législateur a mis en place un nouvel examen médical, la visite médicale de mi-carrière (C. trav., art. L. 4624-2-2).
Cet examen médical est organisé à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile du 45e anniversaire du salarié.
A noter : L’examen peut être anticipé et organisé conjointement avec une autre visite médicale lorsque le salarié est amené à rencontrer le médecin du travail 2 ans avant l’échéance prévue.
Ce nouvel examen médical a plusieurs objectifs :
• établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
• évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
• sensibiliser le salarié aux enjeux du vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.
A l’issue de cette visite, le médecin du travail a la possibilité de proposer par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail (C. trav., art. L. 4624-2-2 et L. 4624-3).
Cette visite peut être réalisée par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée qui peut proposer les mêmes mesures que le médecin du travail. En outre, s’il l’estime nécessaire, l’infirmier peut orienter sans délai le salarié vers le médecin du travail.
Le médecin du travail peut réaliser ou prescrire des examens complémentaires (C. trav., art. R. 4624-35) afin de :
• déterminer la compatibilité entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, notamment dépister des affections pouvant entraîner une contre-indication à ce poste de travail ;
• dépister une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle du salarié ;
• dépister des maladies dangereuses pour l’entourage professionnel du salarié.
Ces examens sont à la charge de l’employeur lorsqu’il dispose d’un service autonome de prévention et de santé au travail et à la charge du service de prévention et de santé au travail interentreprises dans les autres cas (C. trav., art. R. 4624-36).
A noter : Un service est dit « autonome » lorsqu’il est propre à l’entreprise. Il est en revanche dit « interentreprises » lorsqu’il est organisé en commun avec d’autres entreprises et établissements.
A titre d’illustration, des examens complémentaires spécifiques peuvent être organisés dans le cadre du suivi des travailleurs de nuit. Ces examens sont, dans cette hypothèse, à la charge de l’employeur (C. trav., art. R. 4624-37).
En pratique, si des divergences et des désaccords apparaissent entre l’employeur et le médecin du travail sur la nature et la fréquence de ces examens complémentaires, le différend est porté devant le médecin inspecteur du travail (C. trav., art. R. 4624-38).
Conformément au code du travail, le temps nécessaire aux visites et aux examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est pris en charge par l’employeur (C. trav., art. R. 4624-39). Il est :
• soit pris sur les heures de travail sans qu’aucune retenue de salaire puisse être opérée ;
• soit rémunéré comme temps de travail effectif lorsque ces examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail.
En outre, l’employeur prend en charge les frais de transport nécessités par ces visites et ces examens.
Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes territorialement compétent selon la procédure accélérée au fond en vue de contester les avis, les propositions, les conclusions écrites ou les indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (C. trav., art. L. 4624-7, I).
A titre d’illustration, un employeur pourrait contester un avis d’inaptitude dans l’hypothèse où aucune étude de poste n’aurait été effectuée par le service de santé au travail.
La contestation doit être effectuée dans un délai de 15 jours suivant la notification des actes contestés (C. trav., art. R. 4624-45).
Afin de l’éclairer dans sa prise de décision, le tribunal peut solliciter le médecin inspecteur du travail territorialement compétent (C. trav., art. L. 4624-7, II).
La décision rendue par le conseil de prud’hommes à l’issue de la procédure contentieuse se substitue aux actes contestés (C. trav., art. L. 4624-7, III).
A noter : En pratique, cette procédure de recours est critiquée et très peu utilisée par les employeurs et les salariés.
Au cours de la crise sanitaire, la réglementation relative aux visites médicales a fait l’objet de différentes adaptations permettant ainsi le report de certains examens médicaux.
La loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique et le décret n° 2022-418 du 24 mars 2022 adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l’urgence sanitaire ont de nouveau organisé le report de certaines visites médicales.
Les visites médicales qui peuvent être reportées sont celles dont l’échéance aurait dû intervenir entre le 15 décembre 2021 et le 30 avril 2022 et celles déjà reportées et dont la nouvelle échéance intervenait entre le 15 décembre 2021 et le 30 avril 2022.
Sont exclus de ce dispositif de report :
• la visite d’information et de prévention initiale ou l’examen médical préalable à la prise de fonction concernant :
– les travailleurs handicapés,
– les travailleurs âgés de moins de 18 ans,
– les travailleurs qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité,
– les femmes enceintes, venant d’accoucher ou allaitant,
– les travailleurs de nuit,
– les travailleurs exposés à des champs électromagnétiques affectés à des postes pour lesquels les valeurs limites d’exposition fixées à l’article R. 4453-3 du code du travail sont dépassées,
– les travailleurs exposés à des agents biologiques de groupe 2 ;
• l’examen médical d’aptitude initial, prévu pour les salariés faisant l’objet d’un suivi médical renforcé ;
• le renouvellement de l’examen d’aptitude pour les travailleurs exposés à des rayons ionisants classés en catégorie A en application de l’article R. 4451-57 du code du travail ;
• l’examen de préreprise ;
• l’examen de reprise.
Le décret du 24 mars 2022 prévoit toutefois des dérogations au report des examens et visites. Ainsi, le médecin du travail peut estimer, compte tenu de l’état de santé du salarié ainsi que des risques liés à son poste de travail ou à ses conditions de travail, qu’il est indispensable de respecter l’échéance initialement prévue par le code du travail. A ce titre, en vue de fonder son appréciation, le médecin du travail recueille, en tant que de besoin, les informations utiles sur la base d’échanges réalisés par tout moyen entre le salarié et un membre de l’équipe pluridisciplinaire.
Les visites reportées dans le cadre de ce dispositif doivent être reprogrammées dans la limite :
• d’un délai de 1 an pour les visites et les examens dont l’échéance est intervenue entre le 15 décembre 2021 et le 30 avril 2022 ;
• d’un délai de 6 mois pour les visites et les examens d’ores et déjà reportés et dont la nouvelle échéance aurait dû intervenir entre le 15 décembre 2021 et le 30 avril 2022.
Ces différents reports n’empêchent pas l’embauche ou la reprise du travail. La reprogrammation incombe à la médecine du travail qui est tenue de communiquer au salarié et à l’employeur la nouvelle date prévue.
A noter : Les autorités ont la possibilité, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire, de reporter la date limite de report des visites du 30 avril par décret et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2022.
Les salariés convoqués à des visites médicales dans le cadre de leur activité professionnelle sont tenus de s’y rendre. Le refus réitéré de se présenter à une visite médicale est constitutif d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave (Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 04-47302).
En pratique, si un salarié refuse de se rendre aux visites médicales, il est conseillé, afin d’éviter toute difficulté par la suite, d’obtenir un refus écrit de la part du salarié.
Par ailleurs, il est également conseillé d’inclure une mention dans le règlement intérieur et dans le contrat de travail précisant que le salarié qui refuse de se soumettre aux visites médicales s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la rupture de son contrat de travail.
Le fait de méconnaître les dispositions relatives aux missions et à l’organisation des services de prévention et de santé au travail est puni d’une amende prévue pour les contraventions de 5e classe soit 1 500 € (C. trav., art. R. 4745-1).
En outre, la responsabilité pénale de l’employeur pourrait également être engagée si sa maladresse, son imprudence, son inattention, sa négligence ou son manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement entraîne un homicide involontaire ou une incapacité totale de travail pendant plus de 3 mois. La peine encourue en cas d’homicide involontaire est de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, les peines encourues sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende (code pénal, art. 221-6). En outre, en cas d’incapacité totale de travail pendant plus de 3 mois, la peine encourue est de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Elle est portée à 3 ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité (code pénal, art. 222-19).
De surcroît, le salarié a également la possibilité d’engager la responsabilité civile de l’employeur et d’obtenir des dommages et intérêts à condition d’établir que le manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé au travail lui a causé un préjudice (voir notamment Cass. soc., 27 juin 2018, n° 17-15438). A titre d’illustration, très récemment, la Cour de cassation a estimé que le manquement de l’employeur à son obligation de faire passer une visite médicale de reprise peut s’analyser comme une violation de son obligation de sécurité (Cass. soc., 9 février 2022, n° 20-21897).
Depuis le 1er avril 2022, les services de santé au travail deviennent les services de prévention et de santé au travail. Leurs missions ont ainsi été étendues pour répondre aux nouveaux enjeux sociétaux.
Conformément aux dispositions légales, les services de prévention et de santé au travail ont à présent pour mission « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Ils concourent ainsi à préserver, au cours de la vie professionnelle du salarié, un état de santé compatible avec le maintien dans l’emploi (C. trav., art. L. 4622-2).
En ce sens, ils sont notamment amenés à :
• conduire des actions de santé au travail ;
• apporter leur aide aux structures, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ;
• conseiller les employeurs, les salariés et leurs représentants relativement aux mesures à prendre en vue notamment de diminuer les risques professionnels, d’améliorer la qualité de vie et les conditions de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral ou encore la désinsertion professionnelle ;
• accompagner l’employeur, les salariés et leurs représentants dans l’analyse de l’impact des changements organisationnels importants dans la structure sur les conditions de travail et de sécurité ;
• assurer la surveillance de l’état de santé des travailleurs ;
• participer au suivi et contribuer à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire ;
• participer à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, comme des campagnes de vaccination et de dépistage.
Le législateur a mis en place un suivi individuel renforcé pour les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour leur santé, leur sécurité ou celles de leurs collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail (C. trav., art. R. 4624-22).
Les postes présentant des risques particuliers sont ceux exposant notamment les travailleurs : à l’amiante ; au plomb ; aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ; aux agents biologiques des groupes 3 et 4 ; aux rayonnements ionisants ; au risque hyperbare ; au risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages.
A noter : L’employeur a la possibilité de compléter la liste des postes à risque après avis du médecin du travail et du comité social et économique (CSE) (C. trav., art. R. 4624-23).
Ce suivi renforcé comprend un examen médical d’aptitude préalablement à l’affectation sur le poste qui se substitue à la visite d’information et de prévention. Le médecin du travail délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude à l’issue de cet examen médical.
L’organisation de l’examen médical d’aptitude d’embauche n’est pas requise lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies (C. trav., art. R. 4624-27) :
• le travailleur a bénéficié d’une visite médicale d’aptitude dans les 2 ans précédant son embauche ;
• le travailleur est appelé à occuper un emploi identique présentant des risques d’exposition équivalents ;
• le médecin du travail est en possession de son dernier avis d’aptitude ;
• aucune mesure particulière concernant le poste de travail ou aucun avis d’inaptitude n’a été émis au cours des 2 dernières années.
Les salariés affectés à un poste présentant des risques particuliers bénéficient d’un suivi médical régulier dont la périodicité est déterminée par le médecin du travail et ne peut pas être supérieure à 4 ans. Une visite intermédiaire est toutefois réalisée par un professionnel de l’équipe pluridisciplinaire dans un délai maximal de 2 ans après la visite avec le médecin du travail (C. trav., art. R. 4624-28).
Ni visite médicale ni entretien, la notion de « rendez-vous » est introduite à l’article L. 1226-1-3 du code du travail et s’applique depuis le 31 mars 2022.
Ce rendez-vous est proposé après un arrêt de plus de 30 jours à l’initiative de l’employeur ou du salarié, mais le salarié n’a pas l’obligation d’accepter. Il s’agit de l’organisation d’un entretien entre ces derniers pour informer le salarié qu’il va pouvoir bénéficier de mesures d’aménagement du poste de travail, du temps de travail, d’un examen de préreprise et d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle. L’employeur a l’obligation d’informer son salarié qu’il peut solliciter la tenue d’un tel rendez-vous.
Le rendez-vous est organisé en lien avec le service de santé au travail, mais la procédure n’est pas spécifiquement décrite.
Au cours de la relation contractuelle, le salarié peut être déclaré inapte à son poste de travail. La constatation de l’inaptitude d’un salarié intervient après la réalisation d’au moins une visite médicale organisée par le médecin du travail. L’inaptitude est généralement prononcée lors des visites de préreprise ou de reprise.
Avant de prononcer un avis d’inaptitude, le médecin du travail doit procéder à différentes formalités légales (C. trav., art. R. 4624-42) :
• la réalisation d’une étude du poste de travail du salarié ;
• la réalisation d’une étude des conditions de travail et l’indication de la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
• l’organisation d’un échange par tout moyen avec l’employeur.
Par principe, l’employeur est obligé de chercher à reclasser un salarié déclaré inapte sur un poste adapté à ses capacités. Cette obligation s’observe que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle. Toutefois, le code du travail prévoit deux exceptions qui doivent être expressément mentionnées par le médecin du travail dans l’avis d’inaptitude (C. trav., art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12) :
• lorsque « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
• lorsque « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Dans ces deux hypothèses, l’employeur est en droit de rompre le contrat de travail du salarié inapte sans obligation de rechercher un poste de reclassement.
En l’absence de mention expresse, l’employeur est obligé de rechercher un poste de reclassement pour le salarié inapte.
Les cotisations auprès des services de santé interentreprises sont calculées, depuis la loi du 2 août 2021, en fonction des effectifs physiques des structures adhérentes. Auparavant, s’était posée la question du mode de calcul à opérer en fonction des effectifs physiques ou des effectifs en équivalent temps plein. La question n’était certainement pas sans intérêt, principalement dans les structures du domicile ou encore dans le secteur spécifique de la garde d’enfants pour lequel le nombre de salariés en effectif physique est très loin du nombre de salariés en équivalent temps plein, mode de calcul retenu notamment pour tous les décomptes utiles en matière de respect d’obligations sociales ou de franchissement de seuils.
La Cour de cassation, par arrêt du 19 septembre 2018, a expressément rappelé que les cotisations doivent être établies en fonction du nombre de salariés en équivalent temps plein dans l’entreprise ou l’association et non de l’effectif physique (Cass. soc., 19 septembre 2018, n° 17-16219).
Par décision du 23 septembre 2021, le Conseil constitutionnel a expressément confirmé l’interprétation de la Cour de cassation retenue dans son arrêt du 19 septembre 2018 : obligation, pour les services de santé au travail, de prévoir une répartition des frais afférents à ses services qui soit proportionnelle au nombre de salariés de chacune des structures, sur la base des équivalents temps plein.
A ce jour, de nombreux litiges sont en cours devant les tribunaux judiciaires, compte tenu des enjeux financiers pour les structures.