Depuis le 1er mai, avec l’entrée en vigueur d’un nouveau code pénitentiaire, le contrat d’emploi pénitentiaire (CEP) a été instauré. Cet accord bilatéral entre l’entreprise et le détenu remplace l’acte d’engagement entre l’administration pénitentiaire et l’entreprise qui, seul, permettait de cadrer le travail en détention. Offrant apparemment plus de droits aux détenus, ce contrat donne un sens nouveau au travail dans le cadre carcéral qui, longtemps perçu comme un moyen de punir, apparaît avant tout comme un vecteur de réinsertion sociale.
Il faut d’abord souligner que l’invention de la prison contemporaine dans le sillage de la Révolution française correspond à l’officialisation de l’obligation de travailler en 1791, maintenue en France jusqu’en 1987 pour tous les condamnés. Sur le temps long, le travail des détenus a ainsi répondu à une double logique : disciplinaire d’une part – le travail comme punition et outil de « rédemption » du prisonnier –, économique, d’autre part – le travail comme source de profit pour financer l’entretien des prisons. Tout au long du XIXe siècle, on s’inspire des pratiques de l’enfermement en vigueur sous l’Ancien Régime (bagnes, galères, dépôts de mendicité…) pour gérer les prisons : des entreprises privées obtiennent des concessions pour faire travailler les prisonniers et assurer leur subsistance (nourriture, vêtements, soins). Pour ces sociétés, cette solution constitue une aubaine puisque la main-d’œuvre est stable et peu payée. Les maisons centrales deviennent ainsi des sortes de manufactures, qui font parfois concurrence aux usines. C’est ce qui conduit la IIe République à suspendre temporairement l’obligation de travail lors de la révolution de 1848, pour éviter la concurrence avec les travailleurs libres qui subissent alors le chômage. Toutefois, la dénonciation des pratiques d’entrepreneurs parfois peu scrupuleux à l’égard des détenus conduit, à la fin du XIXe siècle, à un abandon de la gestion privée des prisons.
Mais au-delà de sa dimension économique, le travail en prison possède aussi et surtout une fonction morale, qui doit permettre de lutter contre l’oisiveté et la débauche. En outre, il permet la gestion des populations incarcérées autant que des espaces au sein de l’établissement. Après la Seconde Guerre mondiale, les réformes du système pénitentiaire font du travail un outil de réinsertion sociale visant à préparer la sortie des détenus. L’abandon de la peine de travaux forcés, exécutée autrefois au bagne et définitivement supprimée en 1960, manifeste également la recherche d’une utilité sociale pour le travail. Cependant, depuis que le travail est devenu facultatif en 1987, accéder à l’emploi demeure difficile. Si le nouveau contrat d’emploi pénitentiaire renforce la protection et garantit les droits des travailleurs détenus, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour se rapprocher des conditions d’emploi et des normes salariales en vigueur à l’extérieur.