Passer ou ne pas passer de l’autre côté de la frontière, pour arriver au Royaume-Uni ? Ces dernières années, les personnes exilées en transit à Calais se posent la question, encore plus lorsqu’elles sont mineures. Mais, d’une part, le Brexit a signé en décembre 2020 la fin des possibilités de regroupement familial dans le pays, faisant courir d’énormes risques aux enfants qui souhaitent rejoindre leurs proches en Angleterre. Toujours en camion ou par la mer, et souvent entre les mains des passeurs. D’autre part, depuis le 14 avril, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a signé un accord avec le Rwanda visant à expulser vers ce pays tous les demandeurs d’asile arrivés illégalement sur les côtes britanniques.
Sur les campements, l’inquiétude s’installe et le doute s’immisce. Alors quand Issam, Ammar et d’autres travailleurs sociaux de France terre d’asile maraudent chaque jour sur les lieux de vie à la recherche de « bambinos » – le surnom donné par les associatifs aux enfants de moins de 18 ans souvent seuls et isolés de leurs familles –, ces derniers viennent parfois leur poser des questions. Le but de ces maraudes ? Evaluer le nombre d’enfants présents sur les lieux de vie. Car, souvent, les mineurs alternent entre la vie d’errance, dehors à Calais, et quelques passages d’une ou deux nuits au chaud dans l’hébergement de France terre d’asile de Saint-Omer. « Tout d’abord, nos équipes tentent d’établir un contact avec les enfants sur les différents camps. Puis elles essaient d’installer un climat de confiance lors de leurs nuitées à Saint-Omer. Et, enfin seulement, on peut essayer de les stabiliser en leur expliquant leurs droits et les possibilités qu’ils ont en France », explique Hélène Bodart, directrice départementale de l’association.
Présente depuis 2012 à Calais, France terre d’asile a fait de la protection de l’enfance l’une de ses priorités. « Nous ne sommes pas là pour émettre un jugement sur leur volonté de s’installer au Royaume-Uni, loin de là, défend la responsable. Nous essayons juste de leur dire que ce qu’ils espèrent là-bas, on peut leur proposer en France. » Les maraudeurs, eux, font tout pour rassurer les mineurs qu’ils croisent. Certains d’entre eux ont été recrutés par l’association après qu’elle les a accueillis lorsqu’ils étaient mineurs. Le fait qu’ils parlent arabe, grec, panjabi, pachto, dari, tigrinya ou amharique est un atout qui leur permet de créer du lien avec les jeunes.
Depuis peu, les maraudeurs sont dotés d’un camping-car, aménagé pour créer une atmosphère confortable et un peu d’intimité. « Cela permet de laisser parler librement les jeunes, sans être sous le regard de certains adultes que l’on sait à l’affût », détaille Issam. Hélène Bodart le sait : « Chaque enfant que l’on arrive à prendre en charge, c’est un billet de moins pour les passeurs. »