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Un « chantier prioritaire » à Carton plein

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Au fil des ans, l’un des sites de l’association d’insertion sociale et professionnelle Carton plein s’est outillé pour accompagner davantage de femmes et lutter contre les violences de genre. Grâce à la création d’espaces de réflexion, l’équipe est parvenue à construire une base de ressources commune sur laquelle s’appuyer.

L’écart est significatif. Parmi les personnes accompagnées au sein du site du XVIIIe arrondissement de Paris de l’association Carton plein, la part des femmes, d’environ 10 % en 2018, est passée à près de 40 % en 2021. Cette importante évolution est due à un travail volontariste de l’équipe pour une meilleure représentation dans leur structure d’insertion sociale et professionnelle, qui collecte des cartons usagés et propose des déménagements à vélo. « Le tout n’est pas de se dire qu’une organisation n’est pas adaptée, mais de se questionner sur pourquoi elle ne l’est pas, qui on veut capter et quelle énergie on se donne pour aller en ce sens », expose Laure Turchet, coordinatrice sortante du pôle « grande précarité » chez Carton plein.

Pour parvenir à recruter davantage de femmes, l’équipe a consacré du temps à contacter les structures franciliennes s’occupant des femmes sans domicile et sans abri afin que celles-ci puissent leur orienter ce public. « Spontanément, les prescripteurs considèrent que porter des cartons et réaliser des déménagements est réservé aux hommes », rapporte Louise Lacoste, doctorante en sociologie et chargée d’études chez Carton plein, où elle effectue sa thèse. En plus de capter un public jusque-là sous les radars, ce travail de rééquilibrage a permis d’agir sur les violences de genre. « Moins les femmes sont nombreuses, plus elles sont susceptibles d’être victimes de violences qui vont être complètement invisibilisées, note la sociologue. Comme elles sont minoritaires, elles ne vont rien oser dire et, en même temps, le fait d’être si peu nombreuses les surexpose. »

Charte et référentiel

Cette réflexion autour du genre a démarré lorsque Louise Lacoste est venue effectuer son stage au sein de l’association. Elle réalisait alors un mémoire sur la question du sexisme ordinaire dans le champ de l’insertion par l’activité économique (IAE). Son travail a permis de faire remonter un certain nombre de situations problématiques, y compris dans la culture d’accompagnement proposée par l’équipe encadrante. « A l’époque, certaines personnes pouvaient être sexistes malgré elles », se souvient Laure Turchet. « Il régnait une culture de la blague sexiste et une ambiance collective qui faisait que personne ne réagissait », complète Louise Lacoste, rappelant que les violences de genre sont « un continuum de manifestations ». « Cela part du sexisme le plus banal, comme l’allusion physique, et va jusqu’à l’agression caractérisée. Tout se nourrit mutuellement. En acceptant le début du spectre, on autorise aussi la violence à un moment donné. »

A la suite de ces observations, la structure a décidé de faire de ces enjeux « un chantier prioritaire ». Une stagiaire a alors été embauchée pour produire un rapport sur l’accompagnement des femmes à Carton plein. Il en est ressorti une série de recommandations, parmi lesquelles la priorisation des femmes dans les recrutements, mais également une demi-journée en non-mixité. « Lorsqu’elles sont en mixité, les femmes sont plus fixes, occupent moins l’espace de travail, prennent moins de place aux points d’équipe, se positionnent moins rapidement, développe Laure Turchet. Ce temps en non-mixité sert à leur prouver qu’elles sont capables et non pas dépendantes. » En parallèle, l’équipe a mis en place une charte d’engagement et un référentiel servant de base commune pour repérer les situations problématiques et identifier les postures à adopter. L’emploi de surnoms comme « Ma jolie » ou « Mon petit » est par exemple clairement identifié comme une pratique sexiste. « Il n’y a plus de zone de flou, nous savons désormais ce qui est acceptable ou pas », souligne la coordinatrice.

La structure essaie désormais de lever des fonds pour former les femmes accompagnées à la conduite en vélo-cargo. Une mission vers laquelle elles se tournent difficilement en raison de leur manque de confiance dans les rues parisiennes. « Ce travail autour du genre n’est jamais terminé, conclut Laure Turchet. Dès lors qu’il s’agit d’un élément fondamental de notre projet, il est important de le remettre sans cesse sur la table. »

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