Au temps du virus

La crise du coronavirus n’a pas fini de faire parler d’elle. Si l’espoir d’un retour à une vie normale semble se confirmer, nombreux sont les professionnels qui ont besoin de communiquer sur leur expérience durant cette période inédite. C’est ce qu’on fait les membres de l’association Psychologie &Vieillissement dont les textes sont rassemblés dans cet ouvrage. Billets d’humeur, conflits psychiques et éthiques, retour de pratiques, analyses… témoignent de leurs réflexions sur ce qui s’est passé en Ehpad pendant les confinements et après. Psychologue, Emmanuelle Lemaire se souvient de sa culpabilité : « Travailler, c’est prendre le risque de transmettre. Dois-je me confiner pour protéger les autres ? Arrêter de circuler entre les trois établissements où je travaille Privilégier la santé physique ? ». Aujourd’hui, dans les établissements, les portes de chambres sont réouvertes, les résidents peuvent circuler, manger ensemble et revoir leurs proches. Si le risque de propagation du virus diminue, la clinicienne se sent épuisée, comme après une longue épreuve. L’urgence sanitaire est passée. Mais pointe-t-elle, « l’Ehpad est devenu un lieu de soins et peine aujourd’hui à redevenir un lieu de vie ». Kevin Vallienne, psychologue spécialisé en gérontologie, revient sur l’intimité interdite, l’affection confisquée, et interroge « les notions de droit, de valeurs, de liberté, de prise de risques, d’isolement, de dignité… Un virus quel qu’il soit, peut-il tout stopper, tout mettre entre parenthèses ? » Parmi les écrits, celui, virulent, d’un aidant dont le père vit en établissement : « Il souffre en silence, totalement perdu dans sa tête et incapable de demander. Je le vois dans son regard apeuré, paniqué, dans cette question muette qu’il ne me pose pas et pourtant me dit : “Ne m’abandonne pas.” » Un livre qui interroge le sens et qui relie les uns aux autres par des histoires individuelles ou collectives, des émotions, surtout. Ecrire, selon la romancière Annie Ernaux, « comme pour mettre au jour quelque chose de l’ordre d’une vérité sensible ».