Au lendemain du second tour de l’élection présidentielle, l’association Human Rights Observers présente à Calais et sur le littoral de la Manche diffusait des vidéos devenues banales : les expulsions des campements de fortune des personnes exilées, toutes les 48 heures. Comme d’habitude, on les voit quitter des terrains vagues, tentes et affaires sous le bras, des policiers procéder aux évacuations, et des équipes de nettoyage s’emparer des tentes « abandonnées » par leurs propriétaires. Ce jour-là, l’écho de ces images est un peu plus important que d’ordinaire. Pour cause, ce qui se déroule à Calais risque de se perpétuer durant cinq années de plus.
A Human Rights Observers, ce second mandat est redouté. « Pendant cinq ans déjà, cette zone a été une zone de non-droit, où les personnes ont été totalement invisibilisées et systématiquement harcelées par l’Etat », dénonce Marine, jeune coordinatrice du projet qui documente les expulsions. Comme d’autres travailleurs du monde associatif à Calais, elle ne cache pas ses inquiétudes : « Depuis l’arrivée de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur en 2018, on a tous constaté une accélération du rythme des expulsions et de la violence de celles-ci, et durant cette campagne, le sujet n’a pas forcément été abordé par les candidats de gauche. » Pour les personnes mobilisées sur le terrain, « il est difficile d’imaginer pire, car le pire est déjà là. Il y a déjà des gens qui meurent et les autres sont complètement épuisés par ces violences. Mais oui, on espère tous que les choses ne vont pas empirer », lâche-t-elle.
Au Secours catholique, on se prépare également à affronter cinq années de plus sur la Côte d’Opale. « On a au moins vu la différence entre les annonces de début de mandat, comme la promesse de ne plus voir personne à la rue et les réalités qui en ont découlé », déplore Juliette, coordinatrice de l’ONG à Calais. Le tout s’est accompagné de nouvelles pratiques : la lutte contre les points de fixation, les vols de matériels appartenant aux exilés, les arrêtés préfectoraux pour verbaliser les associations…
Durant le premier mandat d’Emmanuel Macron, nombreuses sont les instances qui ont alerté sur les réalités du littoral : le défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, une commission d’enquête parlementaire aux conclusions sans appel… Toutes ont constaté des manquements graves de la part de l’Etat et des atteintes flagrantes aux droits. « Toutes condamnent unanimement ces traitements, qui aboutissent forcément à des décès. Depuis janvier dernier, il y en a déjà eu six », pointe Juliette.
Dans cette ville de 75 000 habitants, la candidate du Rassemblement national est arrivée devant le Président sortant au second tour, avec 62 % des suffrages. « On a évité l’horreur », ajoute Yann, fondateur d’Utopia 56. « Si elle était passée, la criminalisation des aidants aurait quadruplé. Mais bon, on va continuer à se battre, cinq ans de plus. »