« Mamie Brigitte », comme l’appellent les exilés qui attendent devant la porte encore close de son garage, est une figure emblématique de la solidarité calaisienne. Depuis quinze ans, cette retraitée ouvre la porte de sa maison tous les jours de la semaine pendant quelques heures, afin de permettre aux personnes qui vivent sur les campements près de chez elle de charger leurs téléphones, de boire un thé chaud et parfois même de faire une lessive. Durant deux heures, c’est une pause dans le difficile quotidien des campements et la possibilité de pouvoir utiliser son téléphone, primordial lorsque l’on vit loin des siens.
D’une énergie constante, Brigitte Lips apporte une aide authentique, celle donnée sans rien attendre en retour. En quinze ans, elle a vu les campements se bâtir et être démantelés, reformés, leurs occupants expulsés tous les deux jours. C’est non loin de chez elle, près de la zone des dunes, qu’en 2016 le plus grand bidonville d’Europe, surnommé la « jungle », était vidé de ses occupants. Ce qui l’anime, c’est son indignation et ce qui lui permet de tenir, c’est sa foi. Brigitte est catholique, pratiquante. Et en cette période de ramadan, elle ne met plus en libre-service les nombreux gâteaux que la boulangerie lui donne. Attentionnée, elle emballe de petites parts qu’elle met dans des barquettes. Car elle sait que le soir, lors de la rupture du jeûne, les moments de partage sont importants.
Depuis toujours, elle travaille en parallèle des associations qui parfois lui fournissent des batteries rechargeables. Car son garage est un véritable nid de fils et de câbles en tout genre où sont branchés une dizaine de téléphones. Alors, quand la porte automatique s’ouvre, c’est parfois un peu la cohue. L’un veut brancher sa batterie portable, l’autre veut récupérer son téléphone et Mamie Brigitte s’emmêle les pinceaux. Elle râle quelques secondes, peste contre le bazar qui lui fait face et retrouve très vite son sourire.
Les gars rigolent. Brigitte et son fort caractère, ils la côtoient pour certains depuis plus de six mois. Elle est à l’image d’une partie des Calaisiens et des Calaisiennes qui agissent chaque jour, discrètement. A côté de sa maison en revanche, chez sa voisine, ces dernières années, un mur de béton a poussé. Certains accueillent la misère, d’autres veulent simplement ne pas la voir.