Je voudrais d’abord inciter à cesser de regarder la vieillesse de manière négative. Bien sûr, il arrive que l’avancée en âge s’accompagne de problèmes, mais vieillir n’est en soi ni un problème, ni une maladie, et encore moins un délit dont se rendraient coupables toutes celles et ceux qui n’auraient pas l’élégance de quitter la scène avant d’avoir besoin d’aide, d’accompagnement ou de soins… Non seulement la vieillesse n’est pas un problème, elle est ou elle peut être une chance ; une chance à cultiver pour celles et ceux qui vieillissent et pour celles et ceux qui partagent avec eux une relation familiale, affective, amicale, professionnelle… Personne ne peut vieillir et rester jeune, vivre c’est vieillir, et vieillir c’est vivre ! Cette réalité invite à construire des rapports de complémentarité entre les générations là où souvent nous serions tentés de ne bâtir que des oppositions.
Sur cette base, l’argent que la puissance publique consacre à l’aide, à l’accompagnement, aux soins des plus âgés, qu’il s’agisse des services à domicile ou de l’accueil en établissement, ne doit plus être considéré comme une charge mais comme un investissement nécessaire et porteur. D’emplois, d’échanges économiques, culturels, affectifs, sociaux, d’avenir ! La dépense pour l’action sociale et médico-sociale deviendrait alors une formidable occasion de développement social et culturel : l’argent pour les vieux, c’est l’emploi des jeunes. Encore faudrait-il que cette dépense ne soit jamais détournée de ses objectifs et ne devienne jamais la source d’un scandaleux profit qui enrichit les uns aux dépens des autres précarisés ou appauvris. Les établissements et services qui accueillent, accompagnent ou soignent les personnes âgées doivent donc retrouver des bases de statut, de fonctionnement et de financement qui garantissent leur mission de service public.
Pour que cet investissement devienne porteur, moi, Président, je veillerais à ce qu’il se réalise dans des établissements et services de petite taille. Ce qui m’importe le plus, c’est qu’un personnel nombreux, formé, compétent, bienveillant et reconnu dans son travail et dans son statut puisse développer une action professionnelle dans laquelle on ne prenne plus la « démarche qualité » pour la qualité de la démarche… Encore faut-il que nos concitoyens puissent vieillir et que l’on ne joue pas sur l’allongement de l’espérance de vie pour retarder l’âge de la retraite. Nous sommes inégaux devant ces réalités, l’âge de départ à la retraite et le niveau de revenu pendant celle-ci doivent faire l’objet d’une attention particulière qui ne confonde pas retraite et retraitement, égalité et uniformisation des situations. Une femme retraitée sur deux, vivant seule, est au seuil de pauvreté, c’est inacceptable ! Alors, moi, Président, je voudrais faire en sorte que le changement de regard porté sur la vieillesse permette de considérer les plus âgés comme des citoyens, acteurs de leur vie jusqu’à son terme. Rien pour les vieux, sans les vieux ! La fraternité républicaine ne peut se vivre sans la solidarité qui en permet la mise en œuvre.