Alors ça, un travailleur social Président, vous avez fait fort ! Nous qui rouspétons tous les jours en notre for intérieur parce que nous ne sommes pas entendus, voilà que votre mobilisation a porté ses fruits au point qu’un des vôtres est assis sur le siège suprême. « Moi, je ». Justement, parlons-en. Depuis un moment, la singularité de nombreux publics a été mise à mal. On cherche désespérément des places en IME (institut médico-éducatif), des financements en CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), des professionnels en protection de l’enfance… En tant que Grand Educateur du Peuple de France, je prends l’engagement, en toute simplicité, de vous écouter. On m’objectera que président n’est pas éducateur. Peut-être, mais ne construisons-nous pas en politique ce qu’on accompagne dans le travail social : l’émancipation de chacun et le bonheur de tous ? « Polis » et « socius »,grec ou latin, finalement, ça désigne un peu la même chose, non ?
On nous dit que la mutualisation permet de faire aussi bien, voire mieux, avec moins de moyens. Alors on brouille les compétences distinctes des travailleurs, on se moque de leurs qualifications en changeant leurs diplômes et on rend responsables les personnes accompagnées en leur demandant non seulement de s’y retrouver dans ce fatras mais en plus de se choisir des « parcours ». Parcours du combattant, oui ! La politique de « plateformisation » nuit aux usagers comme aux professionnels.
Pour ranimer les vocations et regarnir les formations, garder les professionnels aguerris et les soutenir, reconstruire les institutions, il faut des mesures d’urgence. La revalorisation du Smic entraînera une hausse mécanique de tous les salaires dans notre secteur. Ensuite, il faudra organiser un grand débat… Ah non ! Pas un grand débat, plutôt une grande négociation où les travailleurs de terrain pourront élaborer une convention collective qui ne garde que les avantages des autres. Cela suffit que seuls certains employeurs du secteur décident ce qui est bon pour nous. Rémunération, qualification, congés, horaires de travail sont des fondamentaux pour faire du bon boulot.
On me demande comment financer tout ça ? Saviez-vous qu’il suffirait de multiplier les tranches d’imposition sur le revenu ? Ainsi, les prélèvements sont à la fois plus doux pour les salaires normaux et plus roboratifs pour les caisses collectives. Les très hauts salaires auront encore de la marge, et moi, Président, je rappellerais que dans une société normale, l’économie est au service du social et non l’inverse. Avec l’argent économisé sur l’organisation fastidieuse des appels à projets, j’instaurerais l’obligation des heures mensuelles d’analyse de la pratique dans tous les établissements. Pour des artisans de la parole et de l’être, loin de représenter une petite cerise sur le gâteau, celle-ci est constituante du bel ouvrage de terrain. Le devoir d’accompagnement est une utilité épanouissante quand il est compris et financé. Quand le collectif est au service de chacun, on peut tous dire : « Moi, Président ».