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Jeunesse qui passe

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C’est une belle journée de printemps. Les cerisiers sont en fleurs et j’ai profité de ma pause repas pour aller manger un sandwich au petit jardin public du coin de la rue. Aujourd’hui, j’ai envie de calme, pas envie de discuter avec ma collègue antivax et le stagiaire parisiano-bobo. Je suis fatigué de leurs discours polémiques, lassé de leurs mots creux, saoulé de leurs envolées lyriques et pathétiques. Aujourd’hui, j’ai juste envie de silence et du spectacle doux des délicats pétales qui s’envolent au gré du vent.

« On est chaud, on est chaud, on est chaud pour le climat ! »

Je l’entends arriver de loin, la fougue de la jeunesse encadrée par les gyrophares, « foule sentimentale qui a soif d’idéal ».

Je la regarde sourire en coin, la folle jeunesse qui crie qu’elle en a marre, manif banale pour le bien et contre le mal.

Pancartes peinturlurées et cheveux colorés, ils crient des formules éculées, les mêmes que celles de mes 20 ans, les mêmes que celles de mes parents.

« Machin, t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! »

« Un pas en avant, deux pas en arrière… »

« Machin, si tu savais, ta réforme, ta réforme… »

Slogans martelés d’un ton décidé, le vacarme des écolos en pagaille trouble honteusement la quiétude de mon petit coin de paradis. Je prête une oreille distraite aux revendications assénées sur le ton de la vindicte : moins de guerre et plus de paix, plus de travail et plus d’argent, moins de conso et plus d’écolos… les droits des uns et les devoirs des autres, la justice sociale, toujours plus pour l’humanité.

J’ai scandé les mêmes phrases. J’ai arpenté les mêmes rues, jeans troués et pulls élimés, un peu rebelle mais pas trop, juste ce qu’il fallait pour être révolté. J’y ai cru très fort, le pouvoir du peuple, grève générale, un pour tous et tous avec nous. J’ai séché les cours du vendredi pour aller manifester, porté avec fierté les couleurs des pays agressés et harangué vertement le petit vieux qui nous regardait passer. J’ai fait tout ça. Comme eux. Comme mes parents avant moi.

Ils me ressemblent avec vingt ans de moins, ils sont la jeunesse qui passe et je suis l’adulte qui se lasse pendant que les vieux trépassent.

Et pendant que je me perds dans mes pensées, la foule conteste, revendique et proteste. Je remonte ma veste à défaut de la retourner, il fait un peu frisquet et je suis un peu frileux, petit vieux plus très fougueux au passé imparfait perdu à jamais.

J’ai fini mon sandwich et les miettes sont éparpillées, il me reste une petite demi-heure avant de retourner travailler… Et si je les rejoignais ? En souvenir de ma jeunesse et de mes belles idées, me sentir exister et vibrer avec ceux qui espèrent encore… La jeunesse passe et je me fonds dans sa masse, vivant, vibrant, la vie en face.

La minute de Flo

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