Au collège Leclerc de Schiltigheim, au nord de Strasbourg, les moyens alloués à la scolarité des adolescents autistes profitent à tout le monde. L’établissement secondaire est l’un des rares en France à bénéficier d’un dispositif d’autorégulation (Dar), dans le cadre du plan « autisme », à l’instar d’une trentaine d’écoles primaires. L’outil schilikois, inspiré d’une approche canadienne et habilité pour sept élèves, rassemble des professionnelles du service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) de l’association Adapei Papillons blancs (une éducatrice spécialisée, une accompagnante éducative et sociale [AES] et une psychologue) et des professionnelles de l’Education nationale (une enseignante spécialisée et une AESH). Il inverse la logique traditionnelle des classes Ulis. L’élève autiste fait partie d’une classe ordinaire, et peut en sortir ponctuellement. Il suit au minimum 75 % de l’emploi du temps de ses camarades. Le Dar cible des enfants sans retard scolaire à leur entrée en 6e et pour lesquels l’équipe peut se concentrer sur le déblocage des troubles du comportement. Le suivi médico-social classique se fait dans la prolongation de l’école, du domicile aux autres environnements qu’ils côtoient. « Cette continuité permet un lien de confiance avec l’élève et ses parents. Nous sommes un point de repère », explique Laura Lallier, AES.
Les professionnelles se rendent en classe à la demande du professeur ou de l’élève ou si l’équipe pluridisciplinaire repère un besoin, se concentrant sur les élèves individuellement, ou gérant des troubles d’ensemble. « Je fais des diagnostics sur la dynamique de groupe de la classe entière », explique Elisa Freysz, éducatrice spécialisée. Elle suggère alors des astuces pour débloquer les situations.
Des élèves valorisés
Dans des ateliers, sur des heures banalisées, les élèves travaillent au besoin leurs habiletés sociales (gestion des émotions, communication, prise de risque…). Dans la salle d’autorégulation se mêlent alors autistes et neurotypiques dont certains en grande difficulté. Les élèves en voie de décrochage sont regroupés dans les mêmes classes que les autistes, les moyens pensés pour les uns profitant aussi aux autres. « La disponibilité de l’équipe du Dar est perçue comme une chance par l’ensemble de la classe. Les élèves se sentent valorisés », se félicite Julien Hélary, professeur principal de la classe Dar de 3e.
« Nous co-éduquons ensemble, en croisant nos compétences », résume ce professeur d’histoire-géographie. Son élève autiste est aujourd’hui l’un des meilleurs de la classe. La professeure spécialisée Justine Genet a élaboré avec lui une méthode explicite de réponse rédigée, exercice attendu au brevet. « Aucun élève ne bloque plus et ça marche pour toutes les matières », apprécie-t-il. « En début d’année, nous observons l’élève et proposons aux professeurs des aménagements personnalisés », rapporte Justine Genet. L’idée est aussi que les enseignants deviennent eux-mêmes experts. « Notre accompagnement a vocation à disparaître », insiste Elisa Freysz. Il incombe aux référentes du Sessad de préparer très tôt l’orientation en s’appuyant, dès la 4e, sur des visites d’établissements ou de courts stages. Les enseignants, de leur côté, ne disposent pas d’heures instituées pour leurs temps de concertation et de préparation avec l’équipe. Un frein à l’implication du plus grand nombre.