Le maintien d’un demandeur d’asile dénué des conditions matérielles d’accueil dans un centre d’hébergement constitue un manquement au règlement de ce lieu d’hébergement, juge le Conseil d’Etat dans une décision rendue le 22 mars 2022.
Installé dans un centre d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda), un « dubliné » ne s’était pas rendu à la convocation des autorités françaises en vue de son transfert vers un autre Etat membre, responsable du traitement de sa demande d’asile. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) lui avait alors suspendu le bénéfice des conditions matérielles d’accueil en octobre 2020.
A la suite de cette décision, le préfet informa le demandeur d’asile de son obligation de quitter le lieu d’hébergement. L’intéressé ne s’exécuta pas, poussant le préfet à saisir le juge des référés du tribunal administratif pour l’expulser. Le préfet usait ainsi de la procédure prévue par l’article L. 744-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui lui permet de demander une expulsion en cas de manquement grave au règlement intérieur d’un lieu d’hébergement.
Dans son ordonnance, le juge rejeta la demande du préfet, estimant qu’il lui était impossible de le saisir d’une demande d’expulsion : le refus, pour un demandeur d’asile, de se soustraire à une procédure de transfert et le maintien dans le lieu d’hébergement, même en cas de suspension des conditions matérielles d’accueil, « ne pouvait pas être regardé comme constitutif d’un manquement au règlement ».
Saisi, le Conseil d’Etat juge l’exact contraire dans sa décision du 22 mars 2022. Certes, l’article L. 744-5 du Ceseda n’évoque pas ce cas précis. Mais la Haute Juridiction administrative estime tout de même que « le fait pour un demandeur d’asile de se maintenir dans un lieu d’hébergement pour demandeurs d’asile alors qu’il ne bénéficie plus des conditions matérielles d’accueil et qu’en conséquence, il a été mis fin à son hébergement doit être regardé comme caractérisant un tel manquement grave au règlement du lieu d’hébergement ». Un raisonnement rendu possible par une interprétation assez large : le Conseil d’Etat s’est ainsi basé sur « l’économie générale » et les « termes » des dispositions du Ceseda.
Conseil d’Etat, 22 mars 2022, n° 450047.