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« La jeune aidance développe une conscience politique »

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Accompagner un proche durant son enfance ou son adolescence infléchit sa trajectoire à l’âge adulte. Les jeunes aidants, essentiellement des filles, font ainsi souvent preuve d’engagement militant, politique ou professionnel, selon l’étude réalisée par la sociologue Céline Jung Loriente.
Dans votre enquête, quasiment tous les répondants sont des filles. Cela vous étonne-t-il ?

Sans l’avoir cherché, nous avons effectivement rencontré presque exclusivement des jeunes filles. Ce n’est pas surprenant quand on s’intéresse à des activités liées à la sphère du « care », dont on sait qu’elles reviennent majoritairement à la gent féminine. Ce mouvement n’a rien d’inné et les études internationales montrent la même tendance. C’est aussi le cas pour les proches aidants adultes. Quand il y a un frère ou un père dans la famille, ce sont quasiment toujours les filles qui se trouvent d’abord mises à contribution. La répartition genrée des tâches a encore la vie dure. Et ce, quels que soient les situations et le milieu social.

Quelles répercussions constatez-vous sur leur propre construction ?

Toutes les filles se sentent concernées par la question du handicap ou de la maladie. A partir de leur situation intime, elles finissent par s’intéresser à la manière dont la société prend en charge la question de la vulnérabilité de l’autre. Ce choc crée chez la plupart des jeunes aidantes une posture critique, une conscience politique qui va colorer leurs aspirations professionnelles. Ainsi, plusieurs d’entre elles se positionnent par un rapport à un problème public sur lequel elles souhaitent agir. Discrimination, stigmatisation, manque de reconnaissance, d’informations et d’accès aux aides adaptées sont des éléments qui ressortent comme des champs d’action dans lesquels elles s’investissent. Elles vont, par exemple, s’engager via des postes de pilotage politique pour infléchir l’action publique, ou encore entreprendre une formation qui met en avant l’aide ou le soin à la personne. Elles ont une vision assez précise des solutions à mettre en place.

D’où leur vient cette expertise ?

Ces filles ont vu leurs parents se battre sur tous les fronts pour assurer le bien-être du proche aidé et de toute la famille. Elles sont les témoins de démarches incessantes auprès des institutions de prise en charge. Sans être toujours très au fait des prestations, voire des ressources et revenus de leur famille, elles ont conscience des rapports plus ou moins fluides avec les services publics pour accéder à des droits, avoir des propositions de soins, de vacances… Et cela réveille chez elles l’envie que les choses avancent. Ce qui frappe, c’est le souci de nos interlocutrices pour le proche aidé tout autant que pour les autres aidants familiaux. En outre, les jeunes aidantes regardent les réponses publiques d’un œil affûté par le problème récurrent de l’autonomie. La question des droits est un élément majeur de leur parcours.

Que se passe-t-il au moment de la transition à l’âge adulte ?

Quitter le domicile familial représente toujours une étape clé. Dans le contexte de l’aidance, le départ revêt toutefois des enjeux particuliers. Soit il s’agit de se détacher d’une dynamique lourde à porter, soit, au contraire, il s’avère difficile d’envisager ce départ sans la culpabilité de déséquilibrer le système familial et la configuration d’aide. Cette phase s’accompagne parfois d’un passage de relais aux frères et sœurs plus jeunes, ou au père de famille s’il était peu impliqué. Généralement, le changement s’opère autour de l’âge de 20 ans. Avant, certaines jeunes se donnent le temps de voir quelles opportunités vont se présenter à elles. Au-delà, les projets tendent à se préciser, avec deux parcours différenciés entre études courtes et longues.

Leurs choix d’orientation sont-ils conditionnés par leur expérience ?

Il existe trois catégories de jeunes aidantes : celles qui font un lien entre le rôle qu’elles ont tenu pendant leur enfance ou leur adolescence et le métier visé. Elles s’orientent consciemment vers une filière aboutissant à un métier tourné vers autrui (aide, soin, éducation). On distingue toutefois celles qui passent par des formations courtes, souvent guidées par des contraintes économiques, et celles qui font des études plus longues (kinésithérapie, éducation spécialisée, enseignement adapté). Il y a celles qui se lancent dans des filières apparemment sans lien avec leur socialisation de jeune aidante (tourisme, arts et techniques) et qui continuent à témoigner ou à s’investir dans des associations dédiées aux jeunes aidants. Enfin, d’autres investissent des sphères laissant ouvert le choix de la continuité ou de la rupture à l’égard de leur parcours. Une manière de mettre à distance des aspirations qui pourraient par trop mobiliser des émotions vécues dans leur rôle de jeune aidante.

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