Dans le nord de la France, des centaines de personnes attendent de traverser la Manche dans la peur des contrôles policiers et de la destruction quasi quotidienne de leurs tentes. William, salarié de l’association L’Auberge des migrants, se réjouit des mesures mises en place à Calais. « Il n’y a plus d’excuse maintenant ! », martèle-t-il. Voilà des années que l’association réclame aux autorités et à la mairie des conditions dignes d’accueil des exilés. Les pouvoirs publics viennent de faire la démonstration qu’il est possible d’accueillir dans le respect des droits de l’Homme. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, l’association n’aurait tout simplement pas de raison d’être, selon le militant. C’est là que le bât blesse, les multiples rapports des observateurs sur le terrain apportent des éclairages sans appel. Particulièrement celui publié par l’ONG Human Rights Watch, épinglant le gouvernement français pour sa « stratégie de détresse infligée aux enfants et aux adultes » à Calais.
L’iconographie nous est désormais familière : des groupes d’hommes et de femmes de tous les âges. Leurs yeux balancent entre la peur et le désespoir de l’exil. Des photographies et des vidéos de déplacés nous accompagnent régulièrement au fil des crises humanitaires. Selon un rapport publié en juin 2021 par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, la violence des conflits et des répressions contre des populations a poussé plus de 82 millions de personnes à partir de chez elles (soit près de 1 % de l’humanité).
Actuellement, sur les plateaux télé et derrière les micros, éditorialistes et politiques enchaînent les déclarations : « On aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit », vante un député à la radio, tandis qu’un éditorialiste rassure : « On voit bien ce qu’ils fuient et il n’est pas question de dire : “Est-ce que vous êtes vraiment des réfugiés ?” » Et une semaine après le début de la guerre en Ukraine, le 4 mars 2022, le Conseil européen a décidé d’un « mécanisme de protection temporaire » (voir nos pages « événement », page 6).
Les violons politiques se sont donc accordés pour aider les Ukrainiens, mais à Calais la partition sonne faux pour les réfugiés d’autres nationalités. Un « deux poids, deux mesures » décrié notamment par la CGT cheminots, dont les contrôleurs refusent de « sélectionner les bons et les mauvais réfugiés » pour délivrer des billets gratuits. Pour l’heure, les rochers placés par la mairie pour entraver les distributions alimentaires dans les lieux de vie des migrants restent tranquilles. Les autorités calaisiennes ne troquent pas encore les tentes contre des lits à l’abri des éléments. Les exilés fuyant des guerres trouvent toujours la mort sous nos fenêtres et dans les flots qui baignent nos rivages.