Recevoir la newsletter

« Pas un seul Ukrainien ne doit dormir dans la rue »

Article réservé aux abonnés

A Paris, un centre de premier accueil des réfugiés ukrainiens a été ouvert début mars. Le dispositif oriente vers des places d’hébergement en hôtel, spécialement débloquées par l’Etat pour se tenir à la hauteur du nombre d’arrivées.

Chignon blond roux en­roulé sur la tête, une dame d’un certain âge vêtue d’un long manteau violet épluche une clémentine en regardant dans le vide. Face à elle, les enfants déchaussés jouent d’un air insouciant sur des tapis, au milieu des jouets. La guerre en Ukraine se crayonne déjà sur les feuilles de papier. Des dessins sont accrochés au mur : des arcs-en-ciel, mais aussi quelques drapeaux ukrainiens, et même un champ de bataille… Dans ce centre de premier accueil piloté par France terre d’asile et ouvert le 3 mars avec le soutien de l’Etat et de la Ville de Paris, plus de 3 000 personnes ont été reçues à la date du samedi 12 mars.

Des places supplémentaires dans les hôtels

Les hommes ne pouvant plus, en principe, quitter l’Ukraine, ce sont les femmes, les enfants et les personnes âgées qui affluent, traînant leurs affaires dans des valises, des sacs, voire des chariots de courses. Ils patientent ici quelques heures, accueillis avec du café et de la nourriture fournis par l’Armée du salut. A l’étage, une assistance médicale par téléconsultation est même proposée par l’association Sauv’Life, prenant le relais du Samusocial de Paris le 12 mars. Présentes sur place, les équipes de France terre d’asile se chargent de leur trouver un hébergement pour le soir même. L’Etat a débloqué des places supplémentaires dans les hôtels, indépendantes des dispositifs classiques d’hébergement d’urgence. « Clairement, les autorités ne veulent pas qu’un seul Ukrainien dorme dans la rue », explique Hélène Soupios-David, directrice du plaidoyer à France terre d’asile. En principe, entre 18 h et 23 h, c’est la Croix-Rouge qui prend le relais de l’accueil à la gare de l’Est, puis le 115 entre 23 h et 9 h, indique une petite affiche écrite à la main…

« A Roissy, c’est bon pour les animaux ? », entend-on samedi, en fin d’après-midi, parmi la petite équipe de permanents et d’intérimaires, qui se plie en quatre pour remplir la totalité des lits disponibles dans les chambres d’hôtels, sans séparer ni contrarier des familles parfois nombreuses, venues avec chiens ou chats. Pas facile. « Si je mets trois personnes pour une chambre de quatre, je pourrai remplir un bus », lâche une coordinatrice qui peine à trouver la bonne combinaison. « On fait en sorte que les compositions familiales correspondent avec les chambres dans les hôtels », souligne Thomas Menezes, cadre de l’association, venu en urgence appuyer le dispositif. Ce jour-là, il remarque à quel point tout « se passe bien » pour le moment, malgré ces quelques heures d’attente qui auraient pu soulever des tensions du côté des arrivants. La présence des traducteurs, qui facilitent les échanges, y est pour beaucoup. Mais aussi la mobilisation de multiples partenaires sur un même lieu, de l’Armée du salut au Samusocial, en passant par les personnels envoyés par la circonscription des affaires scolaires et de la petite enfance de la Ville de Paris, venus occuper les enfants en bas âge.

Directeur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) de Sarcelles (Val-d’Oise), Thomas Menezes mesure la vague d’engagement de la société civile sur cette crise, à la différence des précédentes vagues de réfugiés. Pour aider les ressortissants du pays à communiquer, les bénévoles ukrainophones ou russophones ont afflué, là où, dans les Cada, prédomine le système D, option « Google traduction ». « J’aimerais bien avoir ce même enthousiasme dans mon Cada ! On peine à fédérer un réseau de bénévoles dans la durée », constate-t-il, saluant ce « support inestimable ».

Nazariy fait partie de ces bénévoles qui ont immédiatement réagi pour accueillir les Ukrainiens, grâce à leurs compétences linguistiques. « Je ne pouvais pas rester sur mon canapé », souligne-t-il, lui-même originaire d’Ukraine mais ayant grandi en France. Au contact des Ukrainiens, ces volontaires s’appliquent à répondre à leurs premières questions. « Ils demandent à quoi ils ont droit, et le statut qu’ils vont recevoir », souligne Claire, professeure de philosophie russophone. « La première demande, c’est l’hébergement. Après, ce sont des questions d’ordre social et sur la santé. Certains songent déjà à commencer un travail », ajoute Alexis Colin, salarié du Samu­social, qui s’est porté volontaire pour apporter un coup de main.

Une vague de mobilisation

Sans attendre, France terre d’asile veut d’ores et déjà ouvrir d’autres centres d’accueil pour assurer un accompagnement social, travailler l’accès à l’emploi ou encore organiser des cours de langue à destination de ceux qui bénéficieront de la « protection temporaire ». Ce dispositif exceptionnel mis en œuvre par le Conseil de l’Union européenne concerne les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022, les personnes ainsi que les membres de leur famille y bénéficiant d’une protection et d’un titre de séjour permanent. Au centre de premier accueil de France terre d’asile, pendant la semaine, des agents de la préfecture de police et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) étaient présents pour délivrer ces autorisations provisoires de séjour d’une durée de six mois renouvelable jusqu’à trois ans, qui leur permettra de travailler et leur ouvre droit à la couverture maladie universelle ainsi qu’à l’allocation pour demandeur d’asile.

Malgré cette procédure administrative simplifiée, plusieurs questions se posent. Si 70 % des arrivants au centre ont la nationalité ukrainienne, le reste – en particulier des étudiants – se compose d’autres nationalités. « On ne sait pas comment les orienter. Nous demandons qu’ils puissent être intégrés dans les universités françaises », détaille Hélène Soupios-David, qui anticipe des obligations de quitter le territoire français. Ainsi, Igor(1), qui vient juste d’arriver du sud de l’Ukraine et craint d’être expulsé. Après quelques années passées sous le statut d’étudiant, il y travaillait, mais sa situation n’était pas régulière. « Si la France ou la Belgique ne me prennent pas, Dieu me prendra », espère-t-il.

Alors que le gouvernement s’estime prêt à accueillir 100 000 personnes, France terre d’asile s’interroge sur les capacités d’orientation vers des logements durables, qui devront augmenter en masse pour ne pas emboliser le dispositif d’hébergement temporaire. « Le gouvernement a demandé aux villes de mettre des logements à disposition », rapporte Hélène Soupios-David, ce qui est « très vague et très flou ». Comparés aux Syriens de 2015, ceux qui viennent aujourd’hui d’Ukraine passent facilement les frontières et sont accueillis à bras ouverts. Déjà plus de 1,7 million en Pologne, 14 000 en Allemagne… La vague de nouveaux arrivants risque de déferler rapidement.

Notes

(1) Le prénom a été changé.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur