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Près des yeux, loin du cœur

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« C’est quoi, cette coiffure ? »

Ni bonjour ni bonsoir. Les premiers mots de ma mère sont pour mes cheveux. Ma tignasse indomptable que la coiffeuse a savamment arrangée, un peu plus court sur les côtés s’il vous plaît, parce que c’était trop long, parce que je voulais changer de tête, parce que je voulais être beau… Ma coiffure ne plaît pas à ma mère. « C’est quoi, ces chaussures ? »

Ni câlin ni bisou. Les premiers mots de mon père sont pour mes pieds. Des baskets neuves et pleines de couleurs, parce que je grandis et mes pieds aussi, parce qu’il m’en fallait de nouvelles pour le sport, parce que celles-là étaient jolies et pas trop chères… Mes chaussures ne plaisent pas à mon père.

« C’est quoi, ce sac ? »

Ni salut ni bienvenue. Les premiers mots de ma grand-mère sont pour ce bagage que je trimballe pour le week-end. Mes vêtements, mon cahier du jour et mon doudou pour la nuit, et quelques dessins pour offrir à ma mère que je chéris, à mon père que j’admire, à ma mamie qui me manque. Mon sac ne plaît pas à ma grand-mère.

Ni bonjour, ni bisou, ni bienvenue. De la tête aux pieds, ils me toisent, me scrutent et me jugent. Mes cheveux sont trop courts, mes chaussures trop voyantes et mon sac trop encombrant. Et moi, je suis trop tout. Et surtout de trop.

Je ravale mes larmes et ma fierté. Je souris poliment, les embrasse gentiment et entre timidement. C’est ma famille et ma maison. Je suis chez moi avec les miens.

Maman a cuisiné un colombo, Papa a préparé les vélos et Mamie a ressorti l’album photo. Ce devrait être un beau week-end et je devrais être heureux. C’est ce que m’a dit ma famille d’accueil avant de partir. « Vous avez plein de choses à vous raconter et de câlins à rattraper. » Ils devraient être heureux. Heureux de me revoir, de me poser plein de questions sur l’école et les copains, de m’emmener voir la tante et le cousin. Mais le colombo est trop épicé, le vélo est trop petit et les photos sont trop vieilles. Ils ne connaissent pas mes amis et Tatie ne me reconnaît pas. Je suis là. Mais je ne suis plus là. C’est ma famille et ma maison. C’est ma mère que je chéris, mon père que j’admire et ma mamie qui me manque. C’est ma chambre avec mes jouets bien rangés et mon placard avec mes pantalons bien pliés. Je ne joue plus aux petites voitures depuis longtemps et j’ai pris deux tailles de vêtements.

C’est chez moi mais je ne suis plus là, c’est ma vie mais j’en suis sorti. Ils n’aiment pas ma coiffure, mes chaussures et mon sac. Je n’aime plus leur cuisine, mes jouets et nos souvenirs. Alors nous laissons passer le temps d’un week-end pluvieux et des repas silencieux. Dimanche soir je rentrerai dans ma famille d’accueil, je leur dirai que c’était génial et que j’ai hâte d’y retourner. Lundi matin je pleurerai leur absence et ils chériront ma présence. Parce que je les aime et qu’ils m’aiment, parce que sans eux c’est difficile, mais avec eux c’est impossible.

La minute de Flo

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