Cette semaine de février fut chargée, à Calais. D’émotions, d’abord, puis d’actions qui ont vu un quartier de la ville devenir l’épicentre de la contestation et des combats portés par les associations locales. Dimanche 6 février à travers la France et l’Europe, s’est déroulée la journée de commémor’action. Pour se réunir et débattre sur les frontières et ce qu’elles produisent, mais également pour rendre hommage aux hommes et femmes décédés en tentant de les franchir. A Calais, des militants venus des quatre coins du pays et de pays voisins ont dénoncé cette frontière-là, la Manche, ses morts et, au bout, le Royaume-Uni.
Discrètement, ils ont investi le « bâtiment J » de la cité du Fort Nieulay, quartier populaire de la ville dont une grande partie des barres d’immeubles sont vouées à la destruction ces prochaines années. Celle-ci devrait être détruite en 2024, mais les militants y ont vu une opportunité de pouvoir loger beaucoup de monde à l’intérieur, avec ou sans papiers Dans un communiqué, le collectif « Calais logement pour tous-tes » expliquait aux riverains les raisons de son action : « A Calais, environ 1 500 personnes (sur)vivent dans la rue dans des conditions de vie inacceptables. Les personnes exilées occupent des terrains vagues et n’ont pas accès aux services de première nécessité : logement, assainissement, eau, nourriture et soins médicaux. L’Etat impose des conditions d’extrême précarité et d’invisibilisation par des expulsions illégales toutes les 48 heures, des vols d’effets personnels par la police, des démantèlements illégaux sans possibilité de se défendre devant un juge, des violences policières récurrentes. »
Le soutien d’une bonne partie des habitants ne s’est pas fait attendre. « Tout le monde a le droit à un toit, surtout en hiver. C’est pas normal de laisser des gens à la rue par ce froid », tonnait à sa fenêtre une maman du quartier. Les soirs qui ont suivi l’occupation, ce sont les jeunes de Fort Nieulay qui ont mené la danse aux côtés des militants. Le bâtiment occupé était assiégé par la police jour et nuit, empêchant tout ravitaillement et toute entrée de nouveaux occupants.
Si le Raid a fini par intervenir vendredi 11 février pour expulser les occupants à l’aide d’un hélicoptère larguant ses hommes sur le toit, d’autres militants ont investi une maison vide du centre-ville, pour le moment hors du collimateur des autorités. A l’intérieur, une vingtaine de personnes solidaires se préparent à y accueillir au chaud des personnes exilées. En attendant, un grand ménage s’est organisé pour y installer des lits, des sacs de couchage et y rétablir l’eau courante. A Calais, il n’y avait pas eu d’ouverture de squat aussi importante depuis 2014. Si le doute subsiste quant à leur possibilité de tenir ce lieu sur le long terme, les occupants s’organisent d’ores et déjà pour en faire un lieu de vie pérenne et chaleureux.