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Le son du silence

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Et si les violences faites aux femmes avaient le même retentissement que celles faites aux personnes âgées en Ehpad ? Et si le #NotAllMen permettait à une société tout entière de vivre dans le déni complice des maltraitances perpétrées contre une catégorie de personnes ? Imaginons une allégorie autour d’un scandale d’Etat (Les fossoyeurs. Révélations sur le système qui maltraite nos aînés, Victor Castanet. Ed. Fayard, janvier 2022)

C’est un crime sordide. Pendant des années, une femme a été privée de liberté, de nourriture, de soins… De vie.

Pendant des années, ses enfants et ses amis ont alerté, écrit et crié, espérant désespérément de l’aide, une réponse… Silence.

De temps en temps, un inspecteur moins débordé que les autres, diligentait une enquête. Il appelait le mari, prévenait de sa visite prochaine. Le jour J, il débarquait, vérifiait que le frigo et la penderie étaient bien remplis, et posait quelques questions auxquelles le conjoint fournissait les réponses attendues. Il ne prenait pas la peine de rencontrer l’épouse. De toute façon, elle n’avait jamais rien d’intéressant à dire. Quant aux enfants, comment leur faire confiance ? Ces petits êtres sensibles étaient bien trop émotifs et il n’avait pas de temps à perdre en lamentations.

« Tout est en ordre », disait-il en repartant d’un pas pressé. « Il faudra quand même prévoir une meilleure répartition des tâches ménagères, votre épouse semble un peu fatiguée », ajoutait-il.

« Oui oui, j’y veillerai », promettait le mari. La porte se refermait et les sévices reprenaient de plus belle.Finalement, ce qui devait arriver arriva : la femme est morte.

L’inspecteur a relu le dossier, vérifié les cases, et refermé le dossier. Rien à signaler.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais… Une deuxième femme est morte. Puis une troisième, une quatrième, des dizaines, des centaines… Partout, en ville et à la campagne, dans de grands appartements bourgeois et de petites maisons isolées, des femmes mouraient, et des orphelins hurlaient leur désespoir. En vain.

Et puis… il y a eu Victoire. Victoire qui pose des questions et obtient des réponses, qui compile, analyse, explique. Ces femmes ne sont pas mortes toutes seules, elles ont été les victimes de graves maltraitances et nous avons fermé les yeux.

Stupeur ! Sur les plateaux télé, à la radio, dans la presse, on en parle, on s’émeut. Comment a-t-on pu laisser faire ?

Les femmes parlent et la Nation écoute enfin. Violence et silence, privations et aliénation, faim et fin. Leurs enfants témoignent : enquêtes bâclées, menaces, oubli…

Les hommes ripostent : « Oui, mais pas tous les hommes. Oui, mais pas moi. Oui, mais comment feraient-elles sans nous ? » Ils écrivent des tribunes et courent les plateaux. Et leurs voix graves et puissantes couvrent le fragile chœur des survivantes.

Alors les femmes, moins nombreuses, moins fortes, épuisées par cette lutte qui dure depuis tant d’années, se taisent et se retirent. Dans leurs grands appartements et leurs petites maisons, en ville et à la campagne, dans la chambre et au cimetière.

La minute de Flo

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