Le droit de grève est reconnu et protégé au niveau national, par l’alinéa 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, comme au niveau international, avec notamment l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Au cours des deux dernières années, compte tenu de la situation économique et sanitaire, des conflits collectifs ont été observés dans de nombreux secteurs d’activité, y compris dans le social et le médico-social. A titre d’illustration, le secteur du domicile a été touché par des grèves dues aux modalités d’application de l’avenant 43. De même, dans le secteur sanitaire, des mouvements de contestation ont émergé pour défendre des revendications portant sur les conditions de travail, l’obligation vaccinale ou encore très récemment les revalorisations salariales.
Les modalités d’exercice du droit de grève ne sont pas prévues par le code du travail, elles ont été progressivement encadrées par la jurisprudence. La réglementation est ainsi commune aux différents secteurs d’activité, avec toutefois des particularités dans certains secteurs.
Le dossier s’intéressera au secteur sanitaire et social et reviendra sur la définition de la grève et la distinguera du mouvement illicite. Seront également explicités les effets de la grève sur les contrats de travail des salariés : quelle protection pour les grévistes ? Et quelle faute est susceptible d’engager leur responsabilité ? Enfin quelles sont les limites au droit de grève et comment mettre fin à un conflit ?
La dernière partie du dossier proposera une application pratique : comment réagir face à une situation de grève ?
De jurisprudence constante, la Cour de cassation définit la grève comme « une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles » (voir notamment Cass. soc., 18 janvier 1995, n° 91-10476). La qualification d’une situation de grève repose donc sur la réunion de trois conditions cumulatives : une cessation totale de travail, une cessation collective et concertée du travail et enfin des revendications professionnelles.
L’exercice du droit de grève est subordonné à la cessation totale de la prestation de travail par les salariés. Les juges précisent que la durée de l’arrêt de travail est sans importance. Sont ainsi admis les arrêts répétés de courtes durées.
Néanmoins, la Cour de cassation est venue préciser les modalités d’exercice du droit de grève et toutes les situations ne sont pas reconnues. Sont ainsi exclues de la qualification de grève celles dites « perlées » ou « du zèle ».
La grève perlée s’analyse comme une inexécution d’une partie des obligations du salarié par le ralentissement anormal d’une cadence de production. Elle engage la responsabilité contractuelle du salarié et ne peut en aucun cas bénéficier de la qualification d’arrêt de travail et donc de grève.
On peut prendre l’exemple de plusieurs assistantes administratives qui décideraient d’accomplir leurs fonctions mais de ne pas répondre au téléphone et aux mails.
La grève du zèle est caractérisée par une application stricte des consignes données pour l’exécution du travail et a pour objectif de ralentir, voire de paralyser un secteur ou un service. Elle ne bénéficiera pas également de la qualification de grève.
En conséquence, pour voir reconnaître la qualification de grève, les salariés devront cesser complètement d’accomplir leur prestation de travail pendant une période déterminée. A défaut, s’ils ne cessent pas leur travail de manière complète ou qu’ils l’accomplissent de manière défectueuse, cette première condition ne sera pas remplie et les salariés pourront être sanctionnés.
La Cour de cassation retient que l’arrêt de travail doit être collectif. Cette règle sera toutefois écartée lorsque le salarié est le seul salarié de la structure ou lorsqu’il répond à un mot d’ordre national à objectif professionnel. Ainsi, on peut évoquer la situation du salarié qui répond à un appel national à la grève des syndicats en vue de protester contre un blocage des salaires ou toutes autres revendications professionnelles (Cass. soc. 29 mai 1979, n° 78-40553, jurisprudence constante).
En toute hypothèse, il n’est pas nécessaire que l’ensemble ou que la majorité des salariés participe au mouvement. Dès lors que quelques salariés participent au mouvement, la qualification d’arrêt de travail collectif pourra être retenue.
Le mouvement de grève implique également une concertation des salariés. Cela signifie qu’en principe les salariés doivent avoir une volonté commune d’agir qui devra être maintenue tout au long du mouvement social.
La qualification d’un mouvement de grève repose sur l’existence de revendications à caractère professionnel. A ce titre, la Cour de cassation considère comme revendication professionnelle toute réclamation qui aurait un caractère salarial ou visant à améliorer les conditions de travail ou d’emploi.
Il n’est toutefois à aucun moment question pour les salariés de chercher à satisfaire directement leurs revendications professionnelles. A ce titre, les mouvements collectifs dits d’« auto-satisfaction » par lesquels les salariés décident de travailler dans les conditions qu’ils revendiquent sont parfaitement exclus et ne peuvent à aucun moment être considérés comme des mouvements de grève.
Ainsi, les salariés déciderant de cesser collectivement le travail les samedis pour obtenir de ne plus travailler ce jour-là ne peuvent prétendre défendre des revendications professionnelles.
Les mouvements qualifiés de grèves de solidarité qui viseraient à soutenir un salarié de l’entreprise tombant sous le coup d’une procédure disciplinaire ou licencié pour un motif personnel ne peuvent pas davantage être qualifiés de revendications professionnelles et demeurent illicites. En pratique, des salariés souhaitant soutenir un autre salarié pour de tels motifs accompagnent régulièrement ce soutien de revendications professionnelles classiques afin d’éviter de tomber sous la qualification de mouvements illicites en l’absence de revendications.
L’exercice licite du droit de grève suspend l’exécution du contrat de travail et libère de fait l’employeur et le salarié des obligations contractuelles classiques. D’une part, le salarié n’est pas tenu d’exécuter sa prestation de travail et, d’autre part, l’employeur est fondé à ne plus verser le salaire ainsi que ses compléments et accessoires pendant l’arrêt de travail du salarié.
Toutefois, il convient d’être particulièrement vigilant sur la suspension du versement des salaires. En effet, la Cour de cassation définit précisément les conditions dans lesquelles la retenue sur salaire peut être opérée. La jurisprudence – constante – prévoit à ce titre que la retenue sur salaire ne pourra être que strictement proportionnelle à la durée du travail. Cela implique en pratique que les effets ou impacts de la grève, notamment la perte de production ou les retards engendrés par la grève, ne pourront à aucun moment être intégrés dans la retenue sur salaire. La Cour de cassation a précisé également que le temps qui serait consacré à la remise en marche des machines ne pourra pas être comptabilisé dans la durée de l’arrêt du travail du salarié. Par conséquent, la retenue sur salaire supérieure à la durée de l’arrêt de travail sera immanquablement qualifiée de sanction pécuniaire prohibée (Cass. soc., 16 mai 1989, n° 85-45244, jurisprudence constante).
En pratique, la question de la retenue sur salaire proportionnée à la durée de l’arrêt de travail suscite plusieurs interrogations.
• Qu’en est-il des primes ou des avantages liés à une condition de présence de l’entreprise ?
La Cour de cassation a tranché la problématique et précise que la retenue sur salaire ne peut être envisagée que lorsque tous les types d’absences, hormis les absences légalement assimilées à un temps de travail effectif (ex. : l’arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle sous conditions), entraînent la suppression de la prime ou des avantages (voir notamment Cass. soc., 23 novembre 2011, n° 10-15644). Il appartient donc à l’employeur d’être très vigilant quant aux motifs qui permettent la réduction ou la suppression de l’avantage financier au salarié. En aucun cas l’employeur ne peut, sans risquer d’encourir une qualification de discrimination, limiter la suppression du complément de salaire à l’exercice du droit de grève.
• Qu’en est-il des jours fériés et chômés ?
De jurisprudence constante, la Cour de cassation retient que l’employeur n’est pas tenu de rémunérer les jours fériés et chômés inclus dans une période de grève.
• Qu’en est-il si le salarié est en arrêt maladie ?
Il convient de distinguer si le salarié est en arrêt maladie avant ou pendant le déclenchement de la grève. Lorsque l’arrêt maladie précède la grève, le salarié continue de bénéficier des indemnités complémentaires de maladie à la charge de l’employeur. En revanche, si un salarié gréviste tombe malade pendant la grève, les indemnités complémentaires ne sont versées qu’à la fin de la grève. Il perçoit toutefois les indemnités journalières de la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam).
Si le code du travail ne donne pas de définition légale de la grève et de ses conditions constitutives, la protection des salariés est quant à elle bien circonscrite. Ces derniers bénéficient d’une protection très forte contre la discrimination et la rupture du contrat de travail.
En tout état de cause, un salarié ne peut jamais être licencié pour avoir participé à un mouvement de grève. Habituellement, le licenciement d’un salarié peut intervenir dans l’hypothèse de trois types de fautes : sérieuse, grave ou lourde. Dans le cadre du mouvement de grève, le licenciement est limité à l’existence et à la reconnaissance d’une faute lourde.
A noter : De jurisprudence constante, la Cour de cassation a étendu cette exigence de faute lourde à l’ensemble des sanctions prononcées par l’employeur. De cette façon, l’employeur est tenu de caractériser l’existence d’une faute lourde pour prononcer un avertissement ou une mise à pied par exemple (voir notamment Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-18903). Classiquement, la faute lourde se caractérise par l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à la structure (Cass. soc. 8 février 2017, n° 15-21064). Dans le cadre de la grève, la faute lourde suppose la participation personnelle et active du salarié à des faits considérés comme illicites (jurisprudence constante depuis Cass. soc., 9 juin 1983, n° 80-42221).
En cas de litige devant le conseil de prud’hommes, l’employeur devra rapporter la preuve de la participation personnelle du salarié licencié pour faute lourde aux faits qui lui sont reprochés : témoignages ou constat d’huissier dès lors que ce dernier n’excède pas ses pouvoirs (voir ci-dessous).
A titre d’exemple, la Cour de cassation a pu retenir la qualification de faute lourde dans les situations suivantes :
• blocage de l’intégralité des accès d’une entreprise ;
• salariés grévistes ayant interdit l’accès au lieu de travail aux non-grévistes en s’interposant de manière agressive ;
• séquestration du dirigeant ou de représentants de l’entreprise ;
• barrage formé en vue d’empêcher tout véhicule de pénétrer sur le parking de la société ;
• dégradation du matériel de l’entreprise ;
• bousculades ou violences physiques.
Il appartient à l’employeur de motiver correctement la lettre de licenciement portant grief d’une faute lourde. Si l’employeur peut décider d’individualiser la sanction prise à l’encontre de plusieurs grévistes fautifs, il doit impérativement motiver le licenciement pour faute lourde.
A noter : Si le licenciement du salarié n’est pas motivé par la faute lourde, l’employeur encourt la nullité de la rupture du contrat de travail et le salarié peut solliciter devant le conseil de prud’hommes des dommages et intérêts équivalant à un montant minimal de 6 mois de salaire.
Les salariés qui participent à une grève bénéficient d’un régime juridique protecteur. Néanmoins, l’exercice du droit de grève reste encadré et les salariés ne doivent pas l’utiliser abusivement. La jurisprudence considère que la grève est abusive lorsqu’elle désorganise l’entreprise ou l’association (voir notamment Cass. soc., 18 janvier 1995, n° 91-10476). Mais une simple désorganisation de la production ou d’un service du fait de la grève ne permet pas de caractériser un abus du droit de grève. Intéressons-nous aux situations de piquets de grève et d’occupation des lieux de travail.
Le piquet de grève s’analyse comme un regroupement des salariés grévistes à l’entrée de l’entreprise ou de l’association afin d’inciter les salariés non grévistes à participer au mouvement. Par principe, ce mouvement est licite. Toutefois, s’il conduit à la désorganisation de la structure et qu’il entrave la liberté de travail des salariés non grévistes, cette forme de protestation devient illicite.
A titre d’illustration, le fait de bloquer les accès de l’entreprise ou de l’association, ou encore l’entrée et la sortie des véhicules désorganise la structure et s’analyse comme un mouvement illicite (voir notamment Cass. soc., 30 juin 1993, n° 91-44824).
La Cour de cassation retient que l’occupation des lieux de travail n’est pas illicite lorsqu’elle est momentanée et symbolique. En revanche, elle devient un trouble manifestement illicite, par exemple, lorsqu’elle entrave la liberté du travail des salariés non grévistes.
Plus récemment, la Haute Juridiction a estimé que « l’occupation des lieux, intervenue en réaction à la fermeture […] de l’unité de production, ne caractérisait pas un trouble manifestement illicite » « si les salariés ont occupé les locaux, [et qu’] aucun fait de dégradation du matériel, de violence, séquestration ou autre comportement dangereux à l’égard des personnels se trouvant sur le site » n’a été constaté (Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11588).
Afin de mettre fin à une situation de grève, l’employeur et les grévistes peuvent décider d’établir un protocole de fin de grève. Ni le code du travail ni la jurisprudence ne prévoient de contenu particulier. En effet, le protocole regroupe des mesures circonstancielles. Néanmoins, en pratique, on observe que les documents contiennent généralement des clauses sur la rémunération des salariés grévistes, l’absence de sanction ou encore l’abandon des sanctions judiciaires.
Selon la Cour de cassation, le protocole s’analyse comme un accord d’entreprise s’il est conclu et signé avec un ou plusieurs délégués syndicaux. A défaut, il constitue un engagement unilatéral de l’employeur (Cass. soc., 15 janvier 1997, n° 94-44914). En toute hypothèse, la signature d’un protocole de fin de grève lie l’employeur et ce dernier peut ainsi être condamné à verser des dommages et intérêts s’il ne respecte pas ses engagements (voir notamment Cass. soc., 2 décembre 1992, n° 90-45186).
Lorsque, à l’issue d’un mouvement de grève, un employeur accorde de nouveaux avantages comme par exemple des primes, ils doivent bénéficier aux salariés grévistes comme aux non-grévistes (Cass. soc., 5 juillet 2005, n° 03-45615).
De surcroît, les protocoles de fin de grève sont soumis au principe d’égalité de traitement. Toutefois, la Cour de cassation a établi que si le protocole remplit les conditions de validité d’un accord collectif, la présomption de justification en matière d’égalité de traitement s’applique aux avantages prévus par le protocole (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12782).
Au cours d’un conflit, l’employeur et les salariés grévistes peuvent décider de recourir à la conciliation. Cette dernière peut être menée devant la Commission nationale ou une commission régionale de conciliation (code du travail [C. trav.], art. L. 2522-2).
La Commission nationale ou les commissions régionales de conciliation se composent de représentants des organisations représentatives des employeurs et des salariés mais également de représentants des pouvoirs publics. Le nombre de représentants des pouvoirs publics ne peut excéder le tiers des membres de la commission (C. trav., art. L. 2522-7).
Les parties au conflit doivent comparaître devant la commission en personne. L’employeur peut être représenté par un tiers mandaté et qui dispose du pouvoir de négocier et de conclure un accord de conciliation.
En l’absence de comparution ou de représentation, le président de la commission est en droit de convoquer les parties à une nouvelle réunion qui doit avoir lieu au plus tard dans un délai de 8 jours à compter de la première (C. trav., art. L. 2522-3). Par ailleurs, si l’absence n’est motivée par aucun motif légitime, le président de la commission peut établir un rapport qu’il remet à l’autorité administrative. Cette dernière est ensuite en droit de le transmettre au procureur de la République (C. trav., art. L. 2522-5).
L’objectif de la conciliation est de parvenir à un accord entre les parties. Si le but est atteint, le président établit un procès-verbal d’accord. A défaut d’entente entre les parties, il est établi un procès-verbal de désaccord total ou partiel (C. trav., art. L. 2522-5).
En cas d’échec de la procédure de conciliation, le code du travail prévoit le recours à la procédure d’arbitrage ou de médiation (C. trav., art. L. 2522-6).
La procédure de médiation peut être engagée après l’échec d’une procédure de conciliation par le ministre du Travail ou le président de la commission régionale de conciliation à la demande de l’une des parties ou de sa propre initiative. Elle peut également être engagée sans procéder préalablement à une conciliation par le ministre du Travail à la demande des parties ou de sa propre initiative ou par le préfet s’il s’agit d’un conflit à incidence régionale, départementale ou locale. Enfin, la médiation peut être initiée directement par les parties (C. trav., art. L. 2523-1 et R. 2523-4).
Le médiateur est tenu d’essayer de concilier les parties. En cas d’échec, il leur soumet, dans le délai de 1 mois à compter de sa désignation, des recommandations motivées en vue de régler leurs différends (C. trav., art. L. 2523-5).
Le médiateur n’est cependant pas compétent pour régler les conflits qui portent sur l’interprétation ou la méconnaissance des dispositions légales ou conventionnelles Il peut alors renvoyer les parties devant la juridiction compétente ou leur conseiller de recourir à la procédure d’arbitrage (C. trav., art. L. 2523-5).
Après présentation des propositions de règlement du conflit, les parties disposent d’un délai de 8 jours pour éventuellement notifier au médiateur le rejet motivé des propositions. Le médiateur est alors tenu d’informer immédiatement l’autre partie. Il constate ensuite au terme du délai de 8 jours l’accord ou le désaccord des parties (C. trav., art. L. 2523-6).
En cas d’accord de la procédure de médiation, ce dernier lie les parties. En cas d’échec, le médiateur communique, à l’issue d’un délai de 48 heures à compter de la constatation de désaccord, le texte de la recommandation motivée et signée, le rapport sur le différend et les rejets motivés des parties au ministre chargé du travail (C. trav., art. L. 2523-7).
A noter : Lorsque les parties régulièrement convoquées ne comparaissent pas, le médiateur établit dans les mêmes conditions que le conciliateur un rapport qu’il transmet à l’autorité administrative (C. trav., art. L. 2523-8). Une procédure similaire est prévue lorsque les parties refusent de communiquer au médiateur les documents utiles à l’accomplissement de sa mission (C. trav., art. L. 2523-9).
En vue de régler un conflit collectif, les parties peuvent décider de recourir à l’arbitrage. Ce dispositif est facultatif et nécessite l’accord des parties (C. trav., art. L. 2524-2).
L’arbitre est choisi par les parties conjointement. Il statue en droit sur les différends portant sur l’interprétation et l’exécution des lois, des règlements ou des conventions collectives. En revanche, il statue en équité sur les autres conflits, par exemple au sujet du versement des salaires des grévistes (C. trav., art. L. 2524-4).
A l’issue de la procédure, l’arbitre rend un accord ou une sentence arbitrale qui produit les mêmes effets que les conventions et les accords collectifs de travail. Il doit être déposé auprès de l’inspection du travail et est applicable entre les parties à compter du jour suivant son dépôt (C. trav., art. L. 2524-5).
A noter : Les sentences arbitrales sont motivées et ne peuvent faire l’objet d’aucun recours à l’exception du recours pour excès de pouvoir devant la Cour supérieure de l’arbitrage (C. trav., art. L. 2524-6).
Etape 1 – Qualifier le mouvement
Face à des salariés qui se revendiquent en grève, il convient d’être particulièrement vigilant. En tout premier lieu, on conseillera aux employeurs de s’assurer que le mouvement initié par les salariés est licite. A ce titre, il convient de vérifier si les conditions cumulatives précitées sont réunies :
• une cessation totale du travail ;
• ne cessation collective et concertée du travail ;
• des revendications professionnelles connues de l’employeur.
Tout mouvement qui ne respecte pas les conditions cumulatives posées par la jurisprudence constitue un mouvement illicite. Or les salariés qui participent à un mouvement illicite ne bénéficient pas de la protection accordée aux salariés grévistes et peuvent par exemple être sanctionnés disciplinairement pour leurs actions.
Etape 2 – Poursuivre l’activité
Lorsqu’un employeur est confronté à un conflit collectif, il doit poursuivre l’activité de la structure. En effet, il reste tenu vis-à-vis des non-grévistes de fournir du travail et de verser les salaires dans la mesure où leur contrat n’est pas suspendu. De surcroît, d’un point de vue économique, il doit éviter une baisse de la production.
Le code du travail encadre très strictement l’organisation de la poursuite de l’activité en période de grève. Les employeurs peuvent faire appel aux non-grévistes pour remplacer les salariés grévistes. Ils doivent alors maintenir la rémunération même si le remplacement est réalisé sur un poste moins qualifié et moins rémunéré.
En revanche, il est strictement interdit de recourir à des salariés intérimaires ou à des salariés en contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés grévistes (C. trav., art. L. 1242-6 et L. 1251-10). Cette interdiction s’applique également au glissement de poste. En d’autres termes, une entreprise de services à la personne confrontée à un mouvement de grève des assistantes de vie ne peut pas demander aux non-grévistes de remplacer les salariés grévistes et recourir par ailleurs à des salariés intérimaires ou en contrat à durée déterminée (CDD) pour remplacer les non-grévistes. Il est toutefois possible de recourir à des CDD ou à des salariés intérimaires pour l’accomplissement d’autres tâches que celles confiées aux grévistes. Il convient alors d’être vigilant et de ne pas entraver le droit de grève des salariés grévistes. A titre d’illustration, si le personnel d’une association d’aide à la personne intervenant sur le terrain fait grève, l’employeur peut embaucher un salarié en CDD pour remplacer une assistante administrative en congé maladie ou en congé maternité. De même, les employeurs peuvent embaucher des salariés en CDD ou en intérim à la fin de la grève pour faire face à la surcharge de travail découlant du mouvement de contestation.
En outre, les employeurs peuvent conclure des contrats de sous-traitance en vue d’accomplir une partie des tâches ou faire appel à des bénévoles pendant le déroulement de la grève (voir notamment Cass. soc., 11 janvier 2000, n° 97-22025).
A noter : Dans le secteur public, il est possible de réquisitionner des salariés grévistes en raison d’une atteinte grave à la continuité du service. Ce dispositif ne peut être utilisé dans les structures du secteur privé s’il n’existe pas de texte spécifique.
Etape 3 – Faire constater les mouvements illicites et les excès des grévistes par un huissier de justice
Au cours d’un mouvement de grève, les salariés peuvent commettre des abus, par exemple en entravant la liberté de travailler des non-grévistes ou la libre circulation des biens, ou encore en recourant à la violence envers les biens ou les personnes.
Face à ces situations difficiles, il est conseillé aux employeurs de prendre contact immédiatement avec un huissier de justice. En effet, les huissiers de justice peuvent intervenir au sein des structures dans lesquelles sont organisées des grèves pour constater notamment les excès des grévistes ou les dégradations anormales occasionnées par la grève.
Le pouvoir des huissiers demeure limité dans la mesure où ils ne peuvent que procéder à des constatations purement matérielles de la situation. Ils ne sont donc par exemple pas autorisés à procéder à des auditions ou encore à donner leur avis.
Le constat d’huissier constitue une preuve et peut notamment permettre d’obtenir réparation des préjudices subis par la structure, d’engager des procédures disciplinaires et éventuellement de négocier en vue de mettre fin à une situation de grève.
A noter : Certains salariés grévistes font également appel à un huissier de justice afin, par exemple, de constater une situation de grève et d’obtenir une protection en cas de conflit avec l’employeur.
Par conséquent, le constat d’huissier est un outil de protection à la fois des salariés et de l’employeur.
Etape 4 – Sanctionner les abus
Face à des abus ou à des mouvements illicites, il est conseillé à l’employeur de faire constater les faits par un huissier. Après constatation de la situation, l’employeur est en droit de lancer une procédure disciplinaire à condition que le salarié ait commis une faute lourde.
Par ailleurs, si les salariés grévistes occupent les locaux de la structure de façon illicite, l’employeur peut solliciter auprès du juge des référés une ordonnance d’expulsion (voir encadré page 17).
Etape 5 : Entamer le dialogue et mettre fin au conflit
En vue de mettre fin à la grève, l’employeur peut décider d’accepter certaines revendications des salariés grévistes. A ce titre, comme cela a été précisé antérieurement, il peut établir avec les salariés grévistes un protocole de fin de grève (voir page 18). Si l’établissement de ce document échoue, les parties au litige peuvent décider de recourir à la conciliation, à la médiation ou encore à l’arbitrage (voir pages 18 et 19).
Par principe, dans le secteur privé, aucun préavis ne peut être exigé par l’employeur ou la convention collective préalablement à l’exercice du droit de grève. En revanche, les revendications professionnelles doivent être connues de l’employeur au moment de la cessation de l’activité.
Toutefois, le code du travail admet une exception pour le personnel « des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d’un service public » (C. trav., art. L. 2512-1).
Lorsque les salariés de ces établissements envisagent de lancer un mouvement de grève, ils doivent ainsi présenter un préavis. Ce préavis émane alors d’une organisation syndicale représentative au niveau national dans la catégorie professionnelle ou dans la structure. Il précise les motifs du recours à la grève et doit parvenir au moins 5 jours francs avant le déclenchement de la grève à la direction de la structure. Par ailleurs, pendant la durée de ce préavis, les parties sont tenues de négocier.
Dans le cadre de leur mandat, les représentants du personnel bénéficient d’une protection particulière contre les procédures disciplinaires. Ainsi, toute procédure de licenciement doit être précédée d’une demande d’autorisation formée auprès de l’inspection du travail.
Néanmoins, un salarié qui exerce les fonctions de représentant du personnel et qui participe à une grève peut également être sanctionné s’il commet une faute lourde et que les faits commis ne se rattachent pas à l’exécution normale de son mandat représentatif.
Très récemment, le Conseil d’Etat a considéré qu’un représentant du personnel qui avait bloqué l’accès à plusieurs parties du site de l’entreprise et empêché les salariés non grévistes de travailler avait commis une faute lourde susceptible de déclencher une procédure de licenciement (CE, 27 mai 2021, n° 433078).
L’employeur est-il en droit de solliciter l’expulsion des grévistes ?
Face à une situation d’occupation illicite des locaux, l’employeur est en droit de formuler une demande d’expulsion. En effet, cette forme de contestation peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté de travail des salariés non grévistes mais également à la sécurité des personnes et des biens.
La demande doit être portée devant le juge des référés du tribunal judiciaire territorialement compétent. Afin d’appuyer sa demande, l’employeur peut faire constater la situation d’occupation par un huissier de justice.
En pratique : il est conseillé à l’employeur de prévoir qu’un membre de l’entreprise – par exemple le responsable des ressources humaines s’il n’est pas gréviste – soit présent aux côtés de l’huissier lors du constat afin de garantir notamment que les informations recueillies sur l’identité des grévistes sont exactes ou encore de vérifier que l’ensemble des accès bloqués par les grévistes sont bien identifiés par l’huissier.
A l’issue de la procédure judiciaire, le juge des référés peut rendre une ordonnance d’expulsion. L’employeur est alors en droit de demander aux grévistes de quitter les lieux.
Que faire si les salariés refusent de quitter les locaux ?
Dans l’hypothèse où les salariés grévistes refusent de quitter les locaux de la structure alors que l’employeur dispose d’une ordonnance d’expulsion, ils commettent une faute lourde qui peut être sanctionnée. Il est alors conseillé à l’employeur de faire constater cette situation par un huissier de justice pour se prémunir de toute difficulté probatoire ultérieure.
De surcroît, il est possible de demander l’appui du préfet pour faire exécuter l’ordonnance. Toutefois, le préfet n’est pas contraint d’intervenir s’il estime qu’il existe un danger pour l’ordre public et la sécurité.
Qu’est-ce que le lock-out ?
Le lock-out est la fermeture de tout ou partie d’une entreprise ou d’une association par l’employeur en réponse à un mouvement de grève. Ce mécanisme n’est pas réglementé par le code du travail mais la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur les modalités d’organisation. La Cour de cassation considère de jurisprudence constante que ce mécanisme est illicite pour les grévistes comme pour les non-grévistes. En effet, il prive les salariés non grévistes du droit de travailler. L’employeur manque ainsi à son obligation contractuelle de fournir du travail. De surcroît, il entrave le droit constitutionnel de faire grève dans la mesure où il prive les salariés qui le souhaitent de rejoindre le mouvement de grève.
A noter : Conformément à l’article L. 2312-8 du code du travail, préalablement à toute fermeture d’une structure, l’employeur est tenu de consulter le comité social et économique (CSE).
Situations où la fermeture pourrait être justifiée
La Haute Juridiction reconnaît que la fermeture de la structure peut être justifiée en cas de force majeure ou de situation contraignante. Tel peut être le cas par exemple lorsque la grève met l’employeur dans l’impossibilité absolue de fournir du travail aux salariés non grévistes. Il lui incombe alors d’en apporter la preuve (voir notamment Cass. Soc., 18 janvier 2017, n° 15-23986).
Cela peut également être le cas face à des impératifs d’ordre public et de sécurité. A titre d’illustration, la Cour de cassation a d’ores et déjà considéré que la fermeture d’une entreprise est justifiée lorsque les salariés grévistes ont commis des actes de violence et de dégradation à l’égard des salariés non grévistes, des dirigeants et des biens.
Ces situations restent toutefois très marginales. En l’absence de situation contraignante, la fermeture d’entreprise est illicite.
Les conséquences du lock-out
Lorsque le lock-out est justifié, il entraîne la suspension des contrats de travail des salariés non grévistes, leur salaire n’est donc pas maintenu. Néanmoins, si la fermeture se prolonge plus de 3 jours, les salariés non grévistes peuvent bénéficier de l’allocation et de l’indemnité d’activité partielle sur autorisation du ministre chargé de l’emploi (C. trav., art. R. 5122-8).
En revanche, lorsque le lock-out n’est pas justifié, l’employeur est tenu de verser aux salariés les salaires qu’ils auraient dû percevoir durant la fermeture. Précisons que la Cour de cassation a estimé que ces sommes avaient le caractère de dommages et intérêts et qu’elles étaient donc exonérées de cotisations sociales (Cass. soc., 23 octobre 1997, n° 95-19444). De surcroît, les juges considèrent que les salariés peuvent solliciter des dommages et intérêts dans la mesure où l’employeur n’a pas respecté ses obligations contractuelles (Cass. soc., 17 décembre 2013, n° 12-23006).