Des tchats élaborés en interne, des forums de discussion, des messageries instantanées comme WhatsApp ou Messenger et, plus rarement, des applications… Les associations qui gèrent les numéros verts ont de plus en plus recours aux nouvelles technologies pour proposer leurs services. Ces nouveaux canaux répondent à plusieurs besoins : tout d’abord, celui de toucher un public plus large, notamment celui des jeunes, particulièrement friands de ces outils. Ensuite, ils sont accessibles depuis l’étranger. Enfin, ils permettent à ceux qui ne sont pas en mesure ou ne se sentent pas libres de parler, de contacter des professionnels pour leur demander de l’aide par écrit, c’est-à-dire discrètement et à l’insu de leur entourage.
Dès 2017, l’association En avant toute(s), qui lutte pour l’égalité des genres et contre les violences faites aux femmes et aux personnes LGBT+, a lancé sa plateforme de tchat, accessible via son site web « Comment on s’aime ». A partir d’un constat : « Nous nous sommes aperçus que les jeunes allaient chercher des réponses sur Internet, sur les forums. Mais que ces réponses n’étaient pas toujours adaptées et qu’il fallait donc apporter une réponse professionnelle, explique Julie Niort, chargée du projet tchat violences pour l’association. Et pour les jeunes, il est beaucoup plus facile de communiquer par écrit. C’est déjà une habitude. Ils ont moins peur du jugement et verbalisent beaucoup ce qu’ils ressentent et vivent ». En 2021, le tchat a recueilli 4 900 conversations.
Le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger, le Snated-119, a lui aussi ouvert son propre tchat en mai 2021, à destination des moins de 21 ans. Accessible via le site web, il adopte les mêmes critères de sécurité que le numéro vert : un bouton d’arrêt d’urgence permet d’effacer l’intégralité de la conversation ainsi que son historique, tout comme les appels à ce numéro ne figurent pas sur les relevés téléphoniques. Selon Pascal Vigneron, directeur de la plateforme, « ce nouvel outil permet aux jeunes d’opter pour le mode de communication qui leur correspond. Celui qui nous contacte par le tchat n’aura pas envie de basculer vers un appel téléphonique et inversement. » Catherine Cornibert, directrice de la communication de l’association SPS (Soins aux professionnels de la santé), qui a lancé une application permettant aux professionnels du secteur, puis aux étudiants, de contacter des psychologues, explique : « Sur l’application, vous pouvez voir quel psychologue est disponible pour discuter, et le choisir. Certains parlent anglais ou espagnol, par exemple. C’est tout simple et très efficace. » Quelque 20 % des appels aux psychologues de l’association passent ainsi par l’application.
Éducatrice spécialisée, Julie Niort a été surprise par l’efficacité de l’échange par écrit : « Cela permet de créer un lien assez extraordinaire, de nombreuses personnes reviennent plusieurs fois sur le tchat. Pour la plupart, c’est la première fois qu’elles parlent de ce qu’elles vivent. C’est donc le premier pas pour sortir des violences. » S’il est plus difficile de percevoir les émotions de l’interlocuteur par écrit, cela peut se transformer en avantage, souligne Pascal Vigneron : « Au téléphone, le non verbal est très parlant : les pleurs, les cris, l’environnement de la personne… Ce sont des paramètres qu’on est obligé de questionner à l’écrit pour comprendre le contexte. Mais la plus grande distance émotionnelle de la personne qui discute l’amènera peut-être à se confier plus facilement. » Si les professionnels s’emparent aisément de ces outils qui enrichissent leur pratique, c’est avant tout parce qu’ils sont préalablement formés à l’écoute téléphonique, un pré-requis indispensable à toute démarche d’accompagnement.