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Maisons d’accueil spécialisées : prévenir la souffrance psychique

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Particulièrement complexes, les conditions de travail en maison d’accueil spécialisée engendrent, selon l’auteur, diverses causes et manifestations de souffrance psychique. Des spécificités à prendre en compte par les managers.

« Le nombre de travailleurs précaires en maisons d’accueil spécialisées augmente. Ces salariés sont exposés à d’importants risques de santé : ceux dus aux travaux auxquels ils sont affectés, mais aussi parce que les prérogatives qui leur sont reconnues par le droit du travail ne sont pas respectées. Ainsi leurs contrats de travail sont-ils moins protecteurs. De plus, ils ne sont pas assez formés et informés, ce qui se reflète dans leur pratique professionnelle. Ils se voient également exclus des dispositions dynamiques de prévention de la santé au travail. Parallèlement, dans ces maisons d’accueil spécialisées (MAS), émergent fortement des problématiques d’usure au travail et de confrontation à la violence(1). La fréquence des situations d’insatisfaction, de souffrance psychique, voire morale, et de burn-out y est en hausse constante. Alors comment prévenir la souffrance psychique dans les structures, dans un contexte aggravant de crise sanitaire ? Comment la fonction de direction peut-elle agir pour protéger les professionnels ? Comment prévenir les risques de développement de la souffrance psychique dans les dynamiques d’équipe ?

D’un point de vue théorique, le stress au travail crée de la détresse humaine et entrave la performance économique des organisations. Il engendre de graves conséquences sur la santé mentale et physique des travailleurs, et son effet négatif est évident dans les “symptômes organisationnels”. Les principaux facteurs de stress mondialement connus sont : la frustration au travail, les problèmes relationnels, la rigidité des procédures(2), mais aussi le décalage entre les efforts fournis et la récompense(3). Le stress est donc susceptible de causer chez le salarié différents problèmes, face auxquels la prévention apparaît pour le manager comme la solution la plus efficace.

La question de la prévention des dysfonctionnements majeurs pouvant être source d’insatisfaction est de plus en plus débattue au sein des équipes. L’adéquation des orientations données par le manager avec les préoccupations des salariés est diversement appréciée par le personnel des établissements. En outre, pour certains managers, les préoccupations très égocentrées des salariés sont la cause de ces dysfonctionnements majeurs. Pour d’autres, le travail avec les équipes sur le projet d’établissement et la clarification des valeurs associatives constituent des moteurs de réussite permettant de prévenir ces problèmes.

Cette divergence d’opinions est accentuée lorsqu’il s’agit de la qualité de vie des salariés au travail. L’ambiance de travail apparaît parfois clivée, avec pour conséquence un manque de fédération entre équipes et entre structures lorsque le professionnalisme des salariés ne prend pas la distance nécessaire, ce qui empêche la recherche de pistes d’amélioration faisant droit aux demandes du personnel.

Divergences managériales

Ces positions foncièrement contradictoires témoignent de la divergence des techniques managériales. Ainsi, la technique de management employée est, pour certains managers, fondée sur la formation et la prise de responsabilités, avec l’existence de référents, de coordinateurs, de tuteurs de terrain, tandis que d’autres invoquent un management contributif avec accompagnement au changement.

De nombreux salariés de maisons d’accueil spécialisées se disent épuisés et stressés par le travail. Selon eux, les facteurs majeurs d’épuisement au travail sont, entre autres, le type de management, la spécificité des pathologies et troubles associés et le cadre de travail.

Les établissements sont confrontés à une progression de l’absentéisme. Ce phénomène est dû à un manque d’accompagnement technique et à un turn-over déstabilisant. Il peut aussi, selon les circonstances, être lié aux congés payés, aux formations non qualifiantes mais développées dans le milieu associatif, aux arrêts de travail et à la jeunesse du personnel, essentiellement féminin, donc susceptible de s’absenter pour un congé de maternité et de parentalité.

Les salariés jugent exécrables les conditions de travail actuelles des professionnels en maison d’accueil spécialisée. Ils les qualifient de peu gratifiantes et dégradées, lorsqu’elles ne sont pas franchement difficiles, mais elles sont néanmoins clarifiées et connues dès l’embauche (public peu dynamique, conditions de travail plus difficiles, horaires complexes, actes de nursing physiquement fatigants).

Dans cette logique, l’amélioration des conditions de travail et du bien-être des professionnels en maison d’accueil spécialisée passe par la qualification des professionnels dirigeants, la multiplication des formations spécifiques, le travail en réseau, le partenariat et l’accompagnement dans des projets novateurs. Le type de management que doit utiliser un directeur dans une MAS est participatif et démocratique, en association avec des sous-groupes aux compétences différenciées et avec l’écoute des équipes.

Tenir compte de l’opinion des salariés

Les facteurs sources d’insatisfaction, de souffrance psychique et de burn-out développés ci-dessus relèvent de l’ambiance au travail, des conditions de travail des professionnels, du type de management, de la spécificité des pathologies et troubles associés, et de l’environnement de travail. On peut dès lors apprécier l’importance, pour le directeur, d’impulser une dynamique managériale qui tient compte des opinions des salariés. Ainsi perçues, la violence, la coercition et la manipulation dans le style managérial auront beau se greffer fréquemment sur les mécanismes primaires du management, elles fausseront le jeu des acteurs sans toutefois le supprimer. C’est dans ce sens qu’abondent les sociologues Michel Crozier et Erhard Friedberg lorsqu’ils soutiennent que, dans le système humain, “la régulation ne s’opère ni par asservissement à un organe régulateur, ni par l’exercice d’une contrainte même consciente, ni non plus par les mécanismes automatiques d’ajustement mutuel. Elle s’opère par des mécanismes de jeux à travers lesquels les calculs rationnels ‘stratégiques’ des acteurs se trouvent intégrés en fonction d’un modèle ‘structuré’”(4). En clair, la dynamique managériale impulsée par le directeur de maison d’accueil spécialisée permet de prévenir les dysfonctionnements majeurs pouvant être source d’insatisfaction, de souffrance psychique et de burn-out. Toutefois, outre la prévention des facteurs susceptibles de compromettre le bien-être psychique des salariés, il serait intéressant d’aborder le sujet de la création des conditions favorables à la régulation de l’organisation. La mise en relation de ces deux thématiques permettrait alors de mieux cerner l’effet médiateur de la dynamique managériale impulsée par le directeur de maison d’accueil spécialisée. »

Notes

(1) E. Antelme – « Le travail, nouvelle frontière de l’économie sociale et solidaire », in Les nouvelles frontières de l’économie sociale solidaire – XXXIIIes Journées de l’Association d’économie sociale – S. Defalvard, M. Narcy (dir.), Presses universitaires de Louvain, 2013.

(2) « Bien choisir sa classe préparatoire » – Ed. L’Etudiant, 2009.

(3) J. Siegrist – « Adverse Health Effects of High-Effort/ Low-Reward Conditions », Journal of Occupational Health Psychology, 1996 – Cité par M. Loriol, « Les sociologues et le stress », in La nouvelle revue du travail n° 4, 2014 – https://journals.openedition.org/nrt/1498.

(4) M. Crozier et E. Friedberg – L’acteur et le système – Ed. Seuil, 1977.

Contact : thomaseyebe@yahoo.fr

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