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Quand les enfants roms « saturent » les structures d’accueil

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Quand les enfants roms « saturent » les structures d’accueil

Crédit photo Étienne Cassagne
Dans toute l’Europe, la communauté des gens du voyage voit ses enfants placés par les services de protection de l’enfance, sans pour autant avoir accès aux aides et aux services essentiels.

Le phénomène touche pratiquement tous les pays européens et ne cesse de prendre de l’ampleur. Ainsi les enfants d’origine roms, largement minoritaires au sein des populations européennes, occupent-ils l’essentiel des places disponibles dans les structures d’accueil : plus de 60 % en Bulgarie, alors qu’ils représentent moins de 10 % de la population, jusqu’à 80 % en Slovaquie. Et leur chiffre est en constante augmentation, comme l’illustre une analyse récente des données du gouvernement britannique effectuée par Joanna Kostka, maître de conférence en travail social et en sociologie à l’université de Lancaster, qui confirme que les enfants tsiganes ou roms sont surreprésentés dans les services de protection de l’enfance en Angleterre. « Les experts en travail social estiment que, entre 2009 et 2015, le nombre d’enfants roms placés en famille d’accueil a augmenté de 733 % », écrit-elle dans un article publié par le site « theconversation.com ». Selon elle, cette « saturation » est avant tout la conséquence d’un refus d’accès aux services essentiels, doublée d’une hostilité parfois manifeste envers cette communauté : « Les hauts fonctionnaires que j’ai interrogés en Slovaquie et en République tchèque ont exprimé explicitement des préjugés. »

Des siècles de discrimination

Les personnes interrogées ont affirmé que tous les Roms partagent des croyances, des valeurs et des comportements prévisibles et sont sujets à la violence, à la négligence, à la paresse, à la dépendance et à l’analphabétisme. « Ils considèrent la pauvreté de nombreuses familles roms comme un choix et une norme culturelle plutôt que le résultat de siècles d’oppression et de discrimination continue. » L’autrice cite par exemple les travaux de l’historienne britannique Becky Taylor, spécialiste des rapports entre l’expansion de l’Etat, la migration, l’idéologie de la violence qui les accompagne, et les intersections entre les structures nationales, impériales et internationales dans la régulation de cette même migration. Ainsi, dès leur arrivée en Grande-Bretagne au XVIe siècle, « les Tziganes ont été activement poursuivis pour leurs costumes et leur mode de vie nomade, considérés comme une menace pour la société britannique ».

Ailleurs, une loi égyptienne datant de 1530 visait à mettre fin à « la vie et à la compagnie vilaine, oisive et impie » des Tziganes en les obligeant à s’assimiler sous peine d’exil ou de condamnation à mort. Toujours au Royaume-Uni, une loi de 1824 sur le « vagabondage » a encore d’avantage « criminalisé le mode de vie des Gitans, l’assimilant à un comportement nuisible ». Joanna Kostka, qui a interrogé 137 professionnels de la protection de l’enfance dans le cadre d’une étude menée en Angleterre en 2018, note que « la moitié pensaient que les enfants tsiganes ou roms risquaient de subir des préjudices importants plus que tout autre enfant. Ils invoquent la négligence parentale plutôt que la pauvreté comme raisons d’engager des poursuites pour préserver les mineurs. »

Les Roms récemment arrivés au Royaume-Uni ont également souffert d’être étiquetés par les services sociaux comme difficiles à atteindre, à engager ou peu coopératifs. Si certains facteurs culturels compliquent indéniablement l’intégration des enfants roms – leur rapport différent à la temporalité constitue ainsi un sérieux frein à une scolarisation régulière –, d’autres acteurs associatifs font le lien entre la faible coopération des parents et des décennies, voire des siècles, de discrimination et de racisme subi de la part des fonctionnaires d’Etat.

Joanna Kostka pointe aussi les carences de travailleurs sociaux qui, souvent, « n’évaluent pas correctement les enfants roms et leurs familles, car ils se sentent mal équipés ou incapables de le faire », alors que « les évaluations sont essentielles pour comprendre l’expérience de l’enfant et le soutien dont la famille pourrait avoir besoin ».

… et d’ailleurs

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