Si le travail abîme les corps, il use aussi l’esprit. Un phénomène qui n’épargne pas les salariés du secteur médico-social. Harcèlement, dépression, burn-out, suicides… Dans le dernier numéro de sa revue, l’Association nationale des assistants de service social (Anas) rappelle ainsi que 20 % des troubles psychiques liés à l’emploi leur sont imputés. En cause, la dégradation progressive de leurs conditions de travail. « Sans nul doute, tous les métiers sont à risque. Cependant, souvent, ceux qui ont pour mission de soutenir les autres dans les actes de soins, dans les accompagnements sociaux, dans les activités à visée thérapeutique, le sont bien davantage », souligne Marc Campeggi. Ancien directeur d’établissement spécialisé dans la protection de l’enfance, il alerte sur les nouvelles organisations, les injonctions paradoxales, l’absence de moyens, les pressions exercées par des managers dont les exigences sont de plus en plus guidées par des objectifs de rentabilité financière où la reconnaissance n’existe pas. La personne accompagnée devient un chiffre dans un tableau Excel. Le temps consacré à la relation humaine, au cœur du travail social, s’amenuise. Plus que jamais, les professionnels témoignent d’une perte de sens dans leurs missions. Certains craquent, d’autres quittent le secteur ou s’installent en libéral. Comme chez les soignants, la crise sanitaire semble encore avoir renforcé le mal-être : l’urgence est devenue normale, permanente, et la part des salariés en souffrance augmente. Les différentes contributions qui émaillent le numéro font écho aux manifestations et aux revendications qui se déploient chez les travailleurs sociaux ces dernières semaines. En introduction, un hommage est rendu à Audrey Adam, conseillère en économie sociale et familiale, tuée par balle le 12 mai 2021 au domicile d’un homme de 83 ans chez qui elle travaillait régulièrement. Une mort qui n’a fait l’objet que de quelques entrefilets dans la presse nationale et d’aucune déclaration officielle. A l’image de tous les travailleurs sociaux, Audrey Adam est restée invisible.
« Quand le travail (même social) fait souffrir » – « Revue française de service social » n° 283 – Ed. Anas, 15 €.