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Sortir les tiers dignes de confiance de leur isolement

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Dans l’Ain, où les tiers dignes de confiance sont encore peu nombreux, le département vient de lancer sa première initiative pour les accompagner.

« Livrés à eux-mêmes », « isolés » … Face aux difficultés rencontrées par les tiers dignes de confiance et aux évolutions législatives, le conseil départemental de l’Ain a accordé en septembre dernier, pour la première fois, un financement à une association pour se pencher sur cette question. Créés en 2019, Les Enfants de Bohême, qui réunissent une psychologue, une juriste et une assistante sociale, vont ainsi être chargés d’intervenir auprès des accueillants, en complémentarité des services de la protection de l’enfance, mais aussi en remplacement de certaines mesures quand celles-ci ne relèvent pas de l’intervention de travailleurs sociaux. « Pour le moment, nous sommes uniquement positionnées sur le soutien moral et technique aux tiers dignes de confiance, explique la juriste Eva Landry. Nous n’avons pas à rendre compte du développement de l’enfant et nous ne sommes pas non plus mandatées pour venir en médiation des liens avec les parents. » Prérogatives de ces professionnelles : clarifier la place de chacun, l’étendue des actes d’autorité parentale que peut accomplir le tiers digne de confiance et répondre à tout questionnement sur leur statut.

Au-delà du soutien à ces tiers, leur action va également consister à sensibiliser et à former les professionnels. « Je pense qu’ils sont assez frileux par rapport à cette solution, à cause des conflits familiaux qu’elle pourrait occasionner, mais aussi parce qu’ils sont en difficulté pour bien comprendre ce statut et ses enjeux. Quand on ne se sent pas en sécurité dans ses savoirs, il est compliqué de pouvoir ensuite faire une telle proposition pour l’enfant », assure Eva Landry. Un constat partagé par Leïna Chaïbi. « En tant qu’assistante sociale, je n’avais jamais rencontré de tiers de confiance. Je savais que c’était une pratique mais j’ignorais ce qu’il y avait derrière », raconte-t-elle. Cette professionnelle mène l’enquête dans l’Ain depuis fin 2020 dans le cadre de son master de recherche. Résultat ? Dans le département, seuls 2,58 % des enfants placés, soit un peu plus de 70 mineurs, seraient actuellement confiés à des tiers – des grands-parents pour beaucoup, mais aussi des oncles et tantes, des fratries, des beaux-parents, etc.

Encore trop de freins

L’intervenante est en première ligne pour comprendre les obstacles qui jalonnent leur route. Depuis plusieurs années, elle est elle-même tiers digne de confiance de la nièce de son compagnon. « Le fonctionnement de la société n’est pas prévu pour cela. Nous ne rentrons dans aucune case, déplore-t-elle. Ce statut s’est insinué délicatement dans le paysage de la protection de l’enfance sans réellement prendre une place. » Il faut dire que les freins sont nombreux : absence de congés « parentaux », enfants non reconnus par les impôts ou dans les quotients de la caisse d’allocations familiales (CAF), obligation de requérir l’accord du juge des enfants pour toute démarche non usuelle lorsque le parent est absent… Seule une allocation – au montant variable selon les départements – est prévue pour leur venir en aide. « C’est une politique pensée sous l’angle de la protection de l’enfance mais qui n’a pas du tout été transposée aux autres politiques de la famille, au code du travail, aux prestations connexes », insiste Leïna Chaïbi, qui vient de créer Les A Parents, sa propre association d’entraide entre tiers.

Pour Les Enfants de Bohême, lorsque la situation est vouée à perdurer, il s’agirait d’accompagner les tiers vers un changement de statut, avec une demande de délégation de l’exercice de l’autorité parentale. Mais, selon Leïna Chaïbi, une telle solution exigerait en parallèle « un vrai engagement politique ». Car, d’après elle, dans l’Ain, une telle requête pourrait fait perdre le statut de tiers digne de confiance, et donc l’aide financière y afférente. « C’est à l’appréciation de chaque département, souligne-t-elle. Cette délégation permet d’entrer dans le droit commun mais, dans de nombreux cas, cela ne compense pas la perte d’allocation. Il va falloir harmoniser les pratiques pour que cela soit tenable pour les familles. » Un préalable : collecter des données nationales fiables.

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