La scolarisation des élèves en situation de handicap s’est inscrite à l’agenda politique de ces dernières semaines. D’abord, à cause de la dénonciation par un candidat à l’élection présidentielle de « l’obsession de l’inclusion ». Ensuite, dans le contexte du projet de décret d’application de la loi « séparatisme », qui prévoit de durcir les conditions d’enseignement à domicile, mesure dénoncée comme illégale par le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Les relations entre les mondes du handicap et de l’école ont, il faut bien le reconnaître, fortement évolué lors des dernières décennies.
Le vocabulaire a tout d’abord connu des transformations importantes, qui en disent long sur les mutations du regard porté sur les personnes atteintes d’un handicap. On parlait au début du XXe siècle d’« arriérés » et d’« anormaux », avant que la notion d’enfance inadaptée s’impose à partir des années 1940. Cette dernière s’est peu à peu effacée et la direction chargée de cette question au ministère de l’Education nationale a été renommée en faveur de « l’adaptation et de l’éducation spécialisée » en 1969.
En termes de dispositifs, la ségrégation des élèves handicapés est longtemps demeurée la règle. La première tentative du ministère de l’Instruction publique pour scolariser ces enfants date de 1909 : des classes de perfectionnement sont alors ouvertes, sans que des critères de recrutement très nets soient établis. Dans les années 1960, une réflexion sur l’éducation spécialisée se met en place. La création en 1963 du certificat d’aptitude à l’éducation des enfants et adolescents déficients et inadaptés (CAEI), manifeste le projet de formation des instituteurs et institutrices spécialisés. La scolarisation des élèves repose alors essentiellement sur les associations d’éducation populaire, les mouvements d’éducation nouvelle et les fédérations de parents d’élèves. Mais dans le même temps, le dénombrement de ces enfants inadaptés continue d’être une difficulté pour les administrations, faute d’un recrutement suffisant de médecins scolaires et d’assistantes sociales.
La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées marque un véritable tournant à partir de 1975, en rendant obligatoire la scolarisation. Plusieurs formules sont dès lors mises en œuvre. Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) se développent, avec des partenaires médicaux, paramédicaux et éducatifs. Les classes d’intégration scolaire (Clis), créées en 1991, permettent la mise en place de plans spécifiques pour l’accompagnement de ces élèves. Elles voient le jour dans un contexte mondial où le droit à l’éducation sans discrimination est mis en valeur par l’ONU et l’Unesco, un droit réaffirmé dans la loi pour l’égalité des droits et des chances de 2005 et dans la loi de refondation de l’école de 2013. Un droit à défendre pour éviter que l’école soit un lieu d’exclusion.