« Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. » Ces quelques mots, tirés du serment d’Hippocrate, sont d’une importance capitale pour comprendre comment l’on soigne les personnes sans papiers à Calais, Grande-Synthe et sur tout le littoral. Sur les campements, où les conditions de vie sont précaires, où le froid est mordant, où l’humidité s’infiltre sans pitié dans les vêtements, les blessures sont courantes. Les personnes exilées vivent jusque dans leur chair l’attente à la frontière et, souvent, leurs tentatives de passage avortées laissent des marques sur leurs corps. Des pieds écorchés par la longue marche, des mains ouvertes par les barbelés, des genoux brûlés par les chutes des camions à bord desquels ils sont nombreux à tenter de vouloir monter chaque jour.
Cette semaine, ils étaient une petite dizaine de bénévoles de la Croix-Rouge française à venir installer leur clinique mobile sur l’un des lieux de vie que compte la ville. Adrien, Lisa, Françoise, tant de visages qui ont autant de petites attentions envers ceux qui bénéficient ce jour-là de leur aide médicale. A l’intérieur de la camionnette, trouvant un peu de chaleur, les personnes sont auscultées, écoutées, conseillées. Les petits bobos sont soignés, les mains des infirmières bénévoles posées doucement, leurs regards réconfortants. Dehors, quelques thermos de thé chaud sont posés sur une table. En plein mois de janvier, les températures à Calais flirtent souvent avec le négatif. Adrien, le chef d’équipe de la clinique mobile, fait même office de traducteur en arabe. Il a auparavant travaillé au Soudan et au Darfour, il maîtrise. Un homme venu se réchauffer s’étonne de son niveau de connaissance de cette langue, les rires permettent le temps d’un instant une petite pause.
Quand les plaies sont trop grandes ou que la situation devient grave, la Croix-Rouge renvoie vers la permanence d’accès aux soins de la santé (Pass) du centre hospitalier de Calais, et vers les urgences dans les cas extrêmes. Il fut un temps où l’association Utopia 56 faisait même la navette entre les lieux de vie et la Pass pour les personnes qui ne pouvaient s’y rendre. La Pass, le service de l’hôpital dirigé par le docteur El Mouden, accueille quelques jours par semaine les réfugiés pour des consultations. Le serment d’Hippocrate, toujours. Toujours, le devoir de soigner quels que soient l’origine, la situation administrative, la langue ou encore le genre. Et toujours en toile de fond, l’aide médicale d’Etat que plusieurs hommes et femmes politiques souhaiteraient voir supprimer en cas de victoire à l’élection présidentielle. Pourtant, pour les personnes qui survivent sur les campements du Calaisis, cette aide est plus que nécessaire : elle est vitale.