Retour d’expériences

Tout a commencé en mars 2020. Presque deux ans plus tard, la pandémie de Covid-19 sévit toujours. Mais que restera-t-il de cette histoire collective, de cet événement sidérant, de ce virus mortel ? Onze chercheurs ont recueilli les témoignages de 58 professionnels du secteur éducatif, sanitaire, social et médico-social venus au secours des plus fragiles. Leur objectif : effectuer un travail de mémoire pour que les expériences, les innovations, les valeurs déployées à ce moment-là soient consignées. « Par-delà les discours politiques, journalistiques et philosophiques souvent surplombants et à visée performative sur le “monde d’après”, il s’est agi, à travers l’enquête scientifique collective, de mettre au jour ce que la crise sanitaire a fait advenir comme usages sociaux et surgir comme représentation du monde, mais aussi de soi et des autres », souligne le collectif. Dans son enquête menée dans les quartiers populaires, l’anthropologue Agnès Pottier note que les travailleurs de première ligne n’ont pas eu l’impression d’aller « au front » mais plutôt de contribuer à « l’effort de guerre ». Sans surprise, la peur a été le premier sentiment. Puis la solidarité s’est installée, trans­gres­sant parfois les directives institutionnelles, bouleversant l’ordre établi… Antoine Agraz, ancien éducateur en institut médico-éducatif, aujourd’hui maître de conférences, a demandé à quatre professionnels du secteur social et médico-social accompagnant des personnes en grandes difficultés psychiques, sociales, psychologiques ou en situation de handicap comment ils avaient fait face, sur quoi ils s’étaient appuyés pour tenir ? Tous leurs récits soulignent l’absence de consignes claires des autorités et les décisions très tardives des agences régionales de santé, qui les ont obligés à improviser. La solidarité, le soutien inconditionnel, la capacité d’adaptation, la relation à l’autre ont joué à plein. Comme le sens retrouvé du métier. La reconnaissance de cet engagement, les transformations de l’organisation du travail, l’écoute des professionnels n’ont pas suivi.