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Enfermés

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Ce vendredi matin, le ciel est d’un bleu pur au-dessus du centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles, près de Calais. Le bâtiment en béton a été construit en 2003 sur l’emplacement d’une ancienne zone commerciale. Sur le parking, les vans blancs de la police aux frontières sont garés en quinconce. Ce sont les mêmes que l’on voit tourner près de la gare du centre-ville et interpeller les gens qui descendent des trains. Comble du cynisme, derrière les grillages, les barbelés et les caméras de surveillance, un « escape game » a vu le jour il y a un an. Son nom : Prison Island !

Un appel via l’interphone de la salle d’audience de l’annexe du tribunal de Boulogne, puis un second. Après un quart d’heure d’attente, un jeune policier en uniforme vient ouvrir la grille. Plusieurs fois par semaine, des personnes migrantes passent devant le juge des libertés et de la détention, qui scellera leur sort pour les semaines qui viennent. Ce jour-là, toutes ont vu leur rétention se prolonger de vingt-huit jours, à l’exception d’un gamin kurde qui clame sa minorité. Malgré une photo de son passeport avec la mention « 2004 » au titre de son année de naissance, rien n’y fait. L’audience est réalisée en visio à cause de la pandémie et la juge a du mal à apprécier son âge sur un écran d’une qualité toute relative. Il restera donc là, derrière les murs, en attendant que les autorités polonaises en possession de son passeport veuillent bien le restituer aux policiers français. Ainsi se déroulent les audiences, presque quotidiennement.

Pour les personnes qui y ont travaillé, les conditions de vie à l’intérieur du centre sont précaires. Kass, un Sénégalais d’une trentaine d’années, témoigne : des chambres remplies, un accès aux téléphones au bon vouloir des policiers et, pendant neuf ans, des lits qui n’étaient même pas dotés d’oreillers. Les bénévoles dépeignent des audiences souvent expédiées et un accès limité tant aux droits qu’aux traductions.

A cette frontière, l’enfermement est une arme comme une autre pour éloigner les personnes exilées. Selon le rapport annuel des associations qui interviennent en CRA – dont France terre d’asile, seule association à disposer de bureaux au sein du centre –, 868 personnes ont été retenues dans ce centre en 2020, en majorité parties d’Albanie. Depuis 2017, la France, en coopération avec Tirana, expulse en masse les ressortissants de ce pays demandeurs d’asile, dont le taux d’obtention du statut de réfugié est en revanche très faible. Plus de la moitié des personnes retenues ont été renvoyées vers leurs pays d’origine, hors de l’Europe, et les sans-papiers passent en moyenne deux semaines derrière ces murs. Et alors que les sauvetages en mer se sont accentués ces derniers mois, les personnes retenues amenées depuis les ports n’ont pas accès à des vêtements secs à leur arrivée. De-ci, de-là, les petits naufrages de l’humanité constatés à Calais s’égrènent les uns après les autres…

Une saison en migrations

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