Il y a douze mois, l’année 2021 avait commencé un peu comme elle vient de se terminer.
Le 29 décembre 2020, à Grande-Synthe, Akam, réfugié kurde d’Irak, voyait sa tente – son seul bien – découpée au couteau lors de l’expulsion du campement où il survivait. Quelques jours plus tard, la ville de Calais se réveillait sous un épais manteau de neige et Nemat, qui dormait sur un terrain vague près de l’hôpital, se réveillait transi de froid dans sa couverture de survie.
Ce 30 décembre 2021, les mêmes scènes, ou presque, se rejouent à la frontière. A Calais, sur le campement dit de « Old Lidl », où survivent quelques centaines de personnes, CRS et gendarmes interviennent au petit matin pour procéder à l’expulsion et, comme à leur habitude, à la saisie des tentes. Cette fois-ci, les personnes exilées ne se laissent pas faire, tentent de récupérer leurs habitations de fortune et les effets personnels restés à l’intérieur. Les forces de l’ordre s’y opposent, de violents affrontements éclatent. La préfecture annonce 15 policiers blessés. Les associations, elles, transportent en urgence trois personnes exilées à l’hôpital et constatent la saisie d’une trentaine de tentes. Quelques jours plus tard, le 2 janvier, les autorités reviennent en nombre. Une centaine de CRS sont déployés et les exilés, encore une fois, se voient interdire la récupération de leurs affaires. A force de charges et de gaz lacrymogènes, ils sont repoussés quelques centaines de mètres plus loin, sans proposition de relogement, malgré l’engagement de l’Etat lors de la médiation menée en octobre par Didier Leschi, patron de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).
Cette année, ces scènes ont été plus que courantes à Calais et Grande-Synthe. Les bénévoles de Human Rights Observers, qui suivent les expulsions et en documentent tous les aspects, ont décompté en 2021 plus de 1 200 évacuations pour la seule ville de Calais, soit en moyenne trois par jour. Associatifs et exilés parlent eux-mêmes d’un « harcèlement permanent », conséquence de la politique actuelle de l’Etat : la volonté de ne voir se former « aucun point de fixation ».
Pour les personnes solidaires mobilisées sur le littoral, l’espoir de voir la situation s’améliorer est faible. Et, dans les esprits, la peur de voir arriver au pouvoir un candidat à l’élection présidentielle farouchement opposé à un accueil digne des personnes migrantes s’intensifie. Le départ, en décembre dernier, de Choose Love, une fondation britannique qui finançait près de la moitié des associations présentes à l’Auberge des migrants, plonge également le milieu associatif calaisien dans l’incertitude pour 2022. Pour tous, la seule lumière en ces temps troubles reste la mobilisation totale de dizaines de bénévoles, chaque jour, chaque semaine, chaque mois.