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Le CDD « Tremplin » pour les travailleurs handicapés

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Aider les travailleurs en situation de handicap à construire leur avenir professionnel. Tel est l’objectif du CDD « Tremplin » dont l’expérimentation, menée depuis 2018, prendra fin le 31 décembre 2022. Conditions de mise en œuvre, durée, personnes et entreprises concernées… Un point sur ce dispositif.

La notion d’« intégration sociale » vise l’adaptation, le fait de rejoindre la « norme », le faire « partie de », tandis que celle d’« inclusion sociale » implique l’acceptation que quiconque est partie intégrante de la société, indépendamment de ses différences, de son état, de sa vulnérabilité, l’idée de laisser une personne seule et en difficulté n’étant pas acceptable socialement. L’inclusion, apparaissant alors plus ambitieuse dans la mesure où elle entend changer la société, a pris le pas sur l’intégration. Les personnes en situation de handicap épousent ce glissement contemporain. Le chemin a été long – et le demeure –, notamment en matière d’inclusion professionnelle. Des lois de 1924 – instaurant pour la première fois une obligation d’embauche des travailleurs handicapés –, de 1957, puis de 1987 – créant une obligation de résultat en termes d’embauche : le fameux « 6 % » – ont posé des jalons. Mais ce sont les lois du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, dans son volet « emploi » en créant entre autres les entreprises adaptées, et du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui ont donné des impulsions supplémentaires tendant à une inclusion des travailleurs en situation de handicap. La loi de 2018 a donné son feu vert à une expérimentation inédite : le contrat à durée déterminée « tremplin » (CDD « Tremplin »). Plusieurs textes normatifs subséquents ont précisé puis élargi le dispositif. Notre dossier pose un regard sur cette expérimentation singulière censée apporter une pierre supplémentaire à l’édifice de l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap. Se succéderont considérations relatives aux objectifs de ce contrat, à ses contours, à ses parties signataires, enfin à sa vie et à son suivi dans le temps.

I. Les objectifs du CDD « Tremplin »

A. Textes applicables

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel est le texte fondateur de l’expérimentation des CDD « Tremplin », notamment en son article 78, particulièrement détaillé.

Pour l’application de ce dispositif, plusieurs textes réglementaires sont intervenus depuis la promulgation de la loi :

• le décret n° 2018-990 du 14 novembre 2018 relatif à l’expérimentation par les entreprises adaptées d’un accompagnement des transitions professionnelles des travailleurs handicapés vers les autres employeurs, d’application de la loi « avenir professionnel » ;

• l’arrêté du 14 novembre 2018 portant approbation du cahier des charges « Expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles dans le cadre du contrat à durée déterminée “Tremplin” » ;

• l’arrêté du 23 novembre 2018, qui a publié une première liste d’entreprises habilitées à conclure un CDD « Tremplin » ;

• l’arrêté du 5 février 2020 revalorisant le montant de l’aide financière susceptible d’être attribuée aux entreprises adaptées de travail temporaire et aux entreprises adaptées autorisées à mettre en œuvre l’expérimentation des contrats à durée déterminée « Tremplin » ;

• l’arrêté du 17 avril 2020, complétant la liste établie par l’arrêté du 23 novembre 2018 ;

• en dernier lieu, l’arrêté du 16 juin 2021 actualisant la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail.

B. Éléments de définition

Le CDD « Tremplin » est un contrat de type spécifique destiné à favoriser la mobilité de personnes en situation de handicap vers des employeurs privés ou publics. Il permet d’expérimenter un accompagnement des transitions professionnelles, selon le triptyque « emploi-formation-accompagnement ». Il est conclu entre une entreprise adaptée volontaire et une personne en situation de handicap (voir infra).

Concrètement, dans le laps de temps accordé par le contrat en question, l’objectif est alors d’acquérir une expérience, une formation qualifiante, via, en outre, un accompagnement renforcé et individualisé tendant à la mise en place d’un projet professionnel auquel est associée, dans un esprit de co-construction, la personne atteinte d’une vulnérabilité avérée, dans la mesure de ses capacités. Les dimensions d’« encadrement » et de « parcours » de ce contrat se révèlent importantes, le dispositif étant orienté vers l’avenir, d’où le terme « tremplin ».

Cette expérimentation dépasse la seule obligation pour un employeur d’embaucher une proportion légalement fixée de personnes handicapées, en dotant celles-ci d’outils s’inscrivant dans l’avenir.

A noter : La loi de 2018 a apporté deux innovations importantes à l’inclusion des travailleurs handicapés : outre la mise en place des CDD « Tremplin », elle a créé les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT), celles-ci mettant à disposition un travailleur handicapé auprès d’un employeur public ou privé dans le cadre d’un contrat de mission intérimaire.

L’objectif de l’Etat est de former jusqu’à 60 % des travailleurs en situation de handicap en contrat d’intérim ou en CDD « Tremplin » dans les entreprises adaptées habilitées pour conduire ces expérimentations.

Elles sont ouvertes, sous réserves des conditions abordées ci-dessous, jusqu’au 31 décembre 2022.

II. Les contours du CDD « Tremplin »

A. Ses caractéristiques

Hormis ses spécificités, le CDD « Tremplin » obéit, d’une part, au droit commun des contrats de travail à durée déterminée (ex. : prise en compte dans le calcul des seuils des effectifs, durée de la période d’essai…) et, d’autre part, aux dispositions plus générales du code du travail régissant les droits et obligations des salariés (ex. : congés, santé et sécurité au travail…).

1. Contrat à durée déterminée

Le CDD « Tremplin » est un contrat de travail à durée déterminée conclu en application du 1° de l’article L. 1242-3 du code du travail (relatif aux CDD en général), qui dispose : « Outre les cas prévus à l’article L. 1242-2, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu : 1° Au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi ; […]. »

2. Durée du contrat

Les CDD « Tremplin » ont une durée minimale de 4 mois et une durée maximale de 24 mois, sauf cas dérogatoires.

Il est possible de renouveler un CDD « Tremplin » à plusieurs reprises dans la limite maximale de 24 mois. Cette durée maximale peut être prolongée dans deux cas :

• afin d’achever une action de formation professionnelle en cours àl’échéance du contrat, sans que la durée de la prolongation dépasse le terme de l’action de formation ;

• à titre exceptionnel, après avis de l’organisme ou de l’institution du service public de l’emploi (SPE) en charge du suivi du travailleur handicapé, pour les travailleurs handicapés âgés de 50 ans et plus dont les difficultés particulièrement importantes impliquent une prise en charge plus longue afin de favoriser la conservation ou le maintien en emploi. Le SPE examine la situation du salarié au regard de l’emploi, de la capacité contributive de l’employeur et des actions d’accompagnement et de formation qui ont été conduites.

3. Temps de travail hebdomadaire

La durée de travail hebdomadaire du salarié embauché sous ce statut ne peut être inférieure à 20 heures, sauf lorsque le contrat le prévoit pour mettre en œuvre des modalités d’accompagnement du projet professionnel adaptées à ses possibilités afin qu’il obtienne ou conserve un emploi. Cette durée peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire.

A noter : Par dérogation aux règles applicables au CDD en général, il n’existe pas pour ce CDD de prime de précarité, au sens de l’article L. 1243-8 du code du travail, à la fin de l’exécution du contrat.

4. Rémunération

Les minima légaux s’appliquent. La rémunération s’effectue ainsi sur la base du Smic. Cependant, s’il est plus favorable, le minimum conventionnel, conformément à l’article L. 5213-15 du code du travail, est retenu.

5. Suspension du contrat

Deux cas de suspension sont légalement prévus :

• d’une part, à la demande du salarié et en accord avec l’employeur, afin de lui permettre d’effectuer une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) ou une action concourant à son insertion professionnelle ;

• d’autre part, dans le but d’accomplir une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en CDD d’une durée au moins égale à 6 mois ou en contrat à durée indéterminée.

6. Rupture du contrat

Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du CDD prévues à l’article L. 1243-2 du code du travail, le contrat peut être rompu avant son terme, à l’initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l’article L. 6314-1 du même code.

B. Son financement

Le CDD « Tremplin » est un contrat aidé par l’Etat. L’Etat accompagne financièrement la mise en place et la vie du contrat.

Cette aide est versée à l’entreprise pour chaque bénéficiaire recruté sur la base :

• d’un montant annuel socle fixé à 10 751 € (contre 10 646 € en 2020) par poste de travail occupé à temps plein, le montant étant réduit si le poste est à temps partiel ;

• d’un montant modulé de 0 % à 10 %, fixé par le préfet, du montant socle, selon les résultats atteints au regard des caractéristiques des bénéficiaires, des actions et des moyens d’accompagnement et des résultats constatés à la sortie de l’entreprise adaptée.

Cependant, l’aide peut être minorée dans certains cas (ex. : lors de périodes indemnisées par l’assurance maladie…).

III. Les parties au contrat

A. Les personnes en situation de handicap

Le CDD « Tremplin » est destiné aux personnes ayant obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), attribuée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Cette reconnaissance concerne, d’une part, toutes les personnes âgées de 16 ans et plus dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont réduites du fait d’un handicap physique, sensoriel, mental ou psychique, et, d’autre part, les personnes ayant une maladie chronique ou un problème de santé susceptible d’avoir des répercussions néfastes au travail (code du travail [C. trav.], art. L. 5213-1 et s.).

Ces personnes peuvent être recrutées en fonction de deux voies distinctes (C. trav., art. L. 5213-13-1) :

• sur proposition du service public de l’emploi (Pôle emploi, Cap emploi, mission locale) ;

• ou par voie directe.

Parmi les personnes bénéficiaires d’une RQTH et pouvant prétendre à un CDD « Tremplin » figurent :

• les personnes sans emploi depuis une durée d’au moins 12 mois continue ou discontinue dans les 18 derniers mois ;

• les bénéficiaires de minima sociaux (allocation de solidarité spécifique [ASS], allocation supplémentaire d’invalidité [ASI], allocation pour demandeur d’asile [ADA], allocation aux adultes handicapés [AAH], revenu de solidarité active [RSA], allocation temporaire d’attente [ATA]…) ;

• les personnes licenciées pour inaptitude avec un projet professionnel hors entreprise adaptée ;

• les personnes courant le risque de perte d’emploi en raison du handicap ;

• les personnes sortant de centre de rééducation professionnelle (CRP), d’une entreprise adaptée avec un projet de transition professionnelle vers d’autres employeurs que l’entreprise adaptée…

B. Les entreprises adaptées

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances a instauré les entreprises adaptées (EA), appelées auparavant « ateliers protégés », pour promouvoir l’emploi de personnes handicapées en milieu ordinaire.

Ce sont ces EA qui s’inscrivent dans l’expérimentation du CDD « Tremplin ». Toute entreprise, quel que soit son statut juridique, peut prétendre, sur la base du volontariat, à devenir « entreprise adaptée ».

Pour participer à l’expérimentation, les EA volontaires doivent poser leur candidature afin d’être habilitées et répondre à un cahier des charges précis (voir infra).

Une fois une liste de structures sélectionnées établie au niveau ministériel, les entreprises lauréates concluent un contrat d’objectifs et de moyens avec l’Etat lui reconnaissant la qualité d’entreprise adaptée habilitée, et s’engagent à respecter les conditions déterminées par le cahier des charges national de l’expérimentation – tous ces aspects sont envisagés dans les arrêtés successifs précités (voir page 17).

A noter : Deux sessions d’appels à candidatures ont été mises en place :

• un premier appel pour la période 2018 à 2019, en vue de sélectionner les projets des entreprises candidates ;

• un second appel pour la période 2020 à 2022, pour prendre en compte les retours d’expériences de la première session.

La liste des entreprises retenues est à chaque fois arrêtée par le ministre du Travail pour chaque période couverte par l’appel à candidatures.

La liste des entreprises adaptées pouvant conclure un CDD « Tremplin » a été mise à jour par un arrêté publié du 16 juin 2021, à la suite des propositions du comité de suivi de l’expérimentation présentées le 8 janvier 2021.

IV. Vie et suivi du CDD « Tremplin »

A. Un bilan annuel de l’exécution du contrat

L’entreprise adaptée participant à l’expérimentation doit transmettre un bilan annuel d’activité présentant, pour les salariés embauchés, les actions mises en œuvre et leurs résultats à l’issue du parcours dans la structure.

Ce document précise les réalisations concrètes en matière de suivi, d’accompagnement et d’encadrement professionnel des personnes, notamment :

• les moyens affectés à la réalisation de ces actions ;

• le profil et les caractéristiques des personnes embauchées ;

• la nature, l’objet et la durée des actions de suivi individualisé et d’accompagnement professionnel des personnes ;

• les propositions éventuelles en matière d’action sociale à l’adresse des personnes concernées ;

• les propositions d’orientation professionnelle, de formation et d’emploi faites aux personnes ainsi que les suites qui leur ont été données ;

• les résultats concernant l’accès et le retour à l’emploi des personnes.

B. Le contrôle par l’autorité administrative

Il incombe au préfet de région de contrôler l’exécution de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens. L’entreprise adaptée est tenue de lui fournir, à sa demande, toutes les données permettant d’attester de la bonne exécution de l’avenant, de la réalité des actions d’accompagnement et de formation, et leurs résultats.

En cas de non-respect des dispositions de l’avenant par l’entreprise adaptée, le préfet l’informe par lettre recommandée de l’éventualité d’une résiliation de celui-ci. L’entreprise dispose d’un délai de 1 mois pour faire connaître ses observations.

A noter : Lorsque l’aide financière versée par l’Etat a été obtenue à la suite de fausses déclarations, à divers stades de la procédure – lors de la candidature, de la signature du contrat d’objectifs et de moyens… –, le préfet est compétent pour résilier l’avenant, après avoir observé une procédure invitant notamment l’entreprise adaptée à apporter ses observations. Les sommes indûment perçues ouvrent droit pour l’Etat au reversement.

En cas de résiliation de l’avenant, les contrats de travail en cours se poursuivent jusqu’à leur terme. Cependant, l’entreprise ne bénéficie d’aucune aide financière pour la période qui reste à s’écouler avant le terme des contrats visés.

Évaluation de l’expérimentation du CDD « Tremplin »

L’évaluation précise de l’expérimentation des CDD « Tremplin » par un comité scientifique doit donner lieu à la remise au ministre du Travail d’un rapport intermédiaire au plus tard 12 mois avant le terme de l’expérimentation, soit fin décembre 2022. A cette date, un rapport final sera présenté par le gouvernement au Parlement, destiné à évaluer l’impact sur l’accès à l’emploi des travailleurs reconnus handicapés, sur les formations suivies ainsi que les conséquences sur les finances publiques.

A l’été 2021, 321 entreprises adaptées étaient identifiées dans cette liste, selon le site officiel de l’administration, service-public.fr.

Quelques aspects procéduraux

Le cahier des charges national de l’expérimentation précise le cadre d’intervention – le territoire national –, les modalités de mise en œuvre et de financement ainsi que les conditions d’évaluation de l’expérimentation. En outre, ce cahier des charges comprend le dossier de candidature à déposer auprès de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) compétente. Ce document est accessible sur le site du ministère du Travail.

Les candidatures sont instruites par le préfet de région selon les critères et les modalités du cahier des charges. Le représentant de l’Etat rend un avis qu’il transmet à la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et au comité de suivi de l’expérimentation. Ledit comité procède à l’examen des dossiers de candidature et des avis formulés par le préfet, et adresse au ministre du Travail des propositions en vue de l’établissement de la liste des entreprises retenues.

Cette liste est arrêtée au titre de chaque période couverte par l’appel à candidatures.

Un avenant au contrat d’objectif triennal signé par les entreprises adaptées est conclu pour la mise en œuvre des CDD « Tremplin ». Il détermine notamment le nombre de postes aidés, les modalités et moyens d’accompagnement, d’encadrement et de formation professionnelle des bénéficiaires, les engagements en termes de moyens, d’accès et de retour à l’emploi, les indicateurs des résultats et les modalités de suivi et d’évaluation de l’expérimentation.

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