La législation pénale au Rwanda « envisage une certaine réinsertion et rééducation des anciens prisonniers, mais cela reste théorique. Les personnes libérées rentrent tout simplement chez elles sans autre suivi, comme si de rien n’était », constate le journal d’opposition The Rwandan, qui publie un long plaidoyer pour une meilleure prise en charge des détenus comme des jeunes délinquants, dans un pays où tout reste à construire. « L’accompagnement social est rarement efficace aux moments clés du parcours pénitentiaire : lors de la présentation en justice, au moment de la décision d’aménagement de peine ou encore à la sortie de prison. Cette impasse juridique et institutionnelle a pour conséquence l’augmentation progressive des cas de récidive », ajoute le journal installé à l’étranger, la presse d’opposition ayant été progressivement éliminée à l’intérieur des frontières du Rwanda.
Officiellement, le régime du président Paul Kagamé, au pouvoir depuis la fin du génocide de 1994, dispose bien de quelques structures, à l’image de celle installée sur l’île d’Iwawa, présentée par les autorités comme un centre de désintoxication et de réinsertion, notamment par le biais de la formation à de nouveaux métiers. Mais de nombreux témoignages, recueillis par des organisations non gouvernementales (ONG) étrangères ou par l’Agence France Presse, font état de mauvais traitements et autres châtiments corporels visant d’anciens détenus ou toxicomanes, mais également des mendiants, des enfants des rues ou des petits délinquants, et même de simples récalcitrants à la dictature rwandaise. Les autorités ont ainsi reconnu en 2013 avoir envoyé sur l’île près de 300 soldats accusés de désertion afin de les « rééduquer ».
Human Rights Watch demande également au pouvoir rwandais de fermer purement et simplement le centre de Gikondo situé à Kigali, et censé réinsérer les jeunes délinquants. En réalité, y sont enfermés dans des conditions jugées indignes tous ceux suspectés de comportements « déviants » (prostitution, toxicomanie, mendicité, et même commerce informel), et la quasi-totalité des détenus interrogés ont témoigné de tabassages récurrents, par les gardes ou les autres détenus. D’autres structures, comme le centre de Nyagatare, promettent de réduire la récidive des jeunes délinquants en permettant à ces derniers de reprendre un cursus scolaire. Mais les mécanismes de contrôle demeurent précaires, et le décalage immense entre le discours officiel et les constats des ONG. Human Rights Watch ou Amnesty International dénoncent ainsi chaque année la disparition progressive des libertés publiques comme la répression qui s’intensifie envers les médias et les partis d’opposition au Rwanda.
Pour justifier ces atteintes aux droits de l’Homme, le régime de Paul Kagamé rappelle sans cesse la tragédie du génocide qui a tué, selon les chiffres du gouvernement, plus d’un million de Rwandais en 1994, principalement issus de la minorité tutsi. De même qu’il insiste sur la situation dramatique des prisons rwandaises post-génocide : en 1995, plus de 99 % de la masse des prisonniers était composée de génocidaires présumés, un chiffre retombé à 37,5 % en 2015, selon les dernières statistiques officielles. Mais là aussi, la fiabilité des assertions gouvernementales demeure sujette à caution, les autorités ayant conçu une loi qualifiant de quasi « génocidaire » toute personne dénonçant les crimes commis par le Front patriotique rwandais (FPR), le parti au pouvoir au Rwanda Rwanda depuis la fin du génocide.