Les forfaits en heures et en jours sont de plus en plus sollicités dans le secteur social et médico-social dans la mesure où ils permettent de faciliter la gestion du temps de travail, en particulier celui des encadrants. Les conditions de mise en place et d’exécution sont toutefois très réglementées par le code du travail et par certaines conventions collectives.
Dans le secteur social et médico-social, le personnel peut être amené à effectuer régulièrement des heures supplémentaires. Face à cette situation, l’employeur et le salarié peuvent décider de conclure une convention de forfait en heures. L’objectif est ainsi de prédéterminer un nombre d’heures supplémentaires dans le contrat de travail. Le forfait peut être prévu sur la semaine, sur le mois ou même sur l’année (code du travail [C. trav.], art. L. 3121-54). La réglementation est alors différente en fonction de la périodicité.
La conclusion d’une convention de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois requiert, d’une part, l’accord du salarié et, d’autre part, l’établissement d’une convention de forfait par écrit (C. trav., art. L. 3121-55). L’écrit doit définir précisément le nombre d’heures insérées dans le forfait. A titre d’illustration, la Cour de cassation a récemment précisé que la seule référence à la durée hebdomadaire maximale dans le contrat de travail sans détermination du nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération convenue ne constitue pas une convention de forfait (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-27448).
A noter : En cas de différend entre l’employeur et le salarié, il incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’une convention de forfait d’en apporter la preuve (voir notamment Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45512). Lorsque la charge de la preuve incombe à l’employeur, ce dernier peut se prévaloir de l’absence d’écrit pour arguer de l’inexistence d’une convention de forfait (voir notamment Cass. soc., 4 novembre 2015, n° 14-10419).
Ce type de dispositif peut être proposé à tous les salariés de l’entreprise ou de l’association quel que soit leur poste. Il est ainsi possible de proposer à un salarié qui occupe le poste d’assistant administratif un contrat de 38 heures par semaine. De même, un employeur peut conclure avec une assistante de vie un contrat de 39 heures hebdomadaires.
Cette organisation du temps de travail ne doit pas être désavantageuse pour le salarié. Les heures accomplies au-delà de 35 heures sur la semaine doivent donc être majorées, car elles constituent des heures supplémentaires. De cette façon, la rémunération du salarié doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans la structure augmentée des majorations prévues pour les heures supplémentaires (C. trav., art. L. 3121-57). A défaut, le salarié est en droit de solliciter la différence entre la rémunération due et les sommes versées.
A noter : Si le salarié effectue des heures supplémentaires au-delà du forfait, les heures doivent également être payées et majorées. A contrario, lorsque le salarié n’accomplit pas toutes les heures supplémentaires prévues dans son forfait, le salaire forfaitaire doit toutefois être maintenu (voir notamment Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45787). Dans ces conditions, si une aide-soignante est embauchée avec un contrat de 38 heures par semaine et qu’au cours d’une semaine elle n’effectue que 35 heures, elle devra quand même être payée 38 heures. De surcroît, si elle réalise 40 heures une autre semaine, elle devra être rémunérée pour les 3 heures supplémentaires forfaitaires et pour les 2 heures supplémentaires hors forfait. L’ensemble des heures supplémentaires devront être majorées dans les conditions en vigueur au sein de la structure.
Par ailleurs, les salariés qui bénéficient du dispositif de forfait en heures sur la semaine ou le mois sont soumis aux mêmes dispositions légales que l’ensemble des salariés concernant la durée du travail. En ce sens, les heures supplémentaires sont imputées sur le contingent annuel d’heures supplémentaires. Les salariés peuvent donc prétendre à des contreparties en repos en cas de dépassement au cours de l’année.
Comme pour les conventions de forfait sur la semaine ou sur le mois, les conventions de forfait en heures sur l’année nécessitent l’accord du salarié et la mise en place d’une convention de forfait par écrit (C. trav., art. L. 3121-55). En outre, les heures supplémentaires doivent être majorées (C. trav., art. L. 3121-57).
A l’inverse, les conventions de forfait en heures sur l’année s’adressent à un public plus restreint. Elles peuvent être conclues uniquement avec (C. trav., art. L. 3121-56) :
• les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
• les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Un employeur ne peut donc pas conclure de convention de forfait en heures sur l’année avec une assistante administrative, cette dernière ne disposant pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son temps de travail. En revanche, une convention pourrait être conclue avec un responsable de secteur qui disposerait d’une autonomie dans l’exercice de ses fonctions.
En outre, la mise en place de ce dispositif sur l’année n’est possible que si elle est prévue par un accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche (C. trav., art. L. 3121-63).
Par ailleurs, contrairement aux salariés en forfait en heures sur la semaine ou sur le mois, les salariés ayant conclu une convention de forfait en heures sur l’année ne sont pas concernés par le contingent annuel d’heures supplémentaires (C. trav., art. D. 3121-14-1). Ils ne peuvent donc prétendre à une contrepartie en repos (Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-16466).
Conformément aux dispositions légales, la conclusion d’une convention de forfait repose sur deux conditions cumulatives.
En premier lieu, les conventions de forfait en jours sur l’année sont mises en place par accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par accord de branche (C. trav., art. L. 3121-63). En d’autres termes, il est nécessaire que l’entreprise ou l’association signe un accord sur le forfait jours ou que la convention collective de branche prévoie des dispositions spécifiques sur ce dispositif.
Le code du travail revient de façon très précise sur le contenu de l’accord collectif. Il doit ainsi prévoir (C. trav., art. L. 3121-64) :
• les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
• la période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ;
• le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours s’agissant du forfait en jours ;
• les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
• les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait ;
• les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
• les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation activité professionnelle-vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
• les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Les trois dernières dispositions ont été incluses par la loi « travail » du 8 août 2016. Les accords conclus avant l’entrée en vigueur de cette loi qui ne reprennent pas ces mentions sont toujours applicables dès lors que l’employeur :
• établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ;
• s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
• organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ;
• définit et communique les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion.
En second lieu, l’employeur et le salarié doivent conclure une convention individuelle de forfait par écrit (C. trav., art. L. 3121-55). Un employeur ne peut donc pas imposer unilatéralement au salarié la mise en place d’une convention de forfait. La convention individuelle de forfait doit préciser le nombre de jours travaillés et ne peut faire une simple référence à l’accord collectif (voir notamment Cass. soc., 12 février 2015, n° 13-17516). A défaut, la convention de forfait est réputée nulle (voir notamment Cass. soc., 12 mars 2014, n° 12-29141).
Les conventions de forfait en jours peuvent être conclues avec (C. trav., art. L. 3121-58) :
• les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
• les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
En conséquence, pour pouvoir bénéficier d’un dispositif de forfait en jours, les salariés doivent être libres dans l’organisation de leur emploi du temps. Un salarié qui ne dispose d’aucune liberté pour organiser son travail ne peut donc pas relever du dispositif du forfait jours (voir notamment Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43876). Avant de conclure une convention de forfait, il convient donc d’être particulièrement vigilant sur les fonctions du salarié comme pour les conventions de forfait en heures sur l’année.
A noter : Une convention annuelle de forfait en jours ou en heures sans accord collectif ou sans convention individuelle n’est pas valable. Par conséquent, le salarié est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires à condition d’en prouver l’existence.
Le nombre de jours travaillés dans l’année est fixé par l’accord collectif qui met en place le dispositif. Il ne peut pas excéder 218 jours (C. trav., art. L. 3121-64).
A noter : Le nombre de jours de forfait peut être inférieur à 218 jours. Dans cette hypothèse, on ne considère pas que le salarié est à temps partiel (Cass. soc., 27 mars 2019, n° 16-23800).
Néanmoins, en accord avec son employeur, le salarié est en droit de renoncer à une partie de ses jours de repos. Le législateur encadre très strictement cette renonciation. En premier lieu, elle doit être établie par écrit et n’est valable que pour l’année en cours. A ce titre, la renonciation ne peut être reconduite tacitement et doit faire l’objet d’un nouvel accord écrit chaque année. En second lieu, elle doit faire l’objet d’une contrepartie financière. La majoration de salaire ne peut être inférieure à 10 % (C. trav., art. L. 3121-59).
L’embauche ou la rupture du contrat de travail d’un salarié en cours d’année a des répercussions sur le décompte des jours travaillés. Le législateur ne fixe aucune règle sur cette situation particulière et laisse aux accords collectifs le soin de préciser la procédure à suivre (C. trav., art. L. 3121-64).
Par ailleurs, s’agissant des absences, seules peuvent être récupérées les heures perdues par suite d’une interruption collective de travail résultant (C. trav., art. L. 3121-50) :
• de causes accidentelles, d’intempéries ou en cas de force majeure ;
• d’opérations d’inventaire ;
• du chômage de 1 jour ou de 2 jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d’un jour précédant les congés annuels.
De cette façon, les autres absences résultant par exemple de la maternité ou de la maladie sont à déduire du plafond des jours travaillés et ne peuvent être récupérées. Elles ne peuvent donc être considérées comme un jour non travaillé dans le décompte du nombre de jours travaillés par le salarié au cours de l’année.
Les salariés qui ont conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis à l’ensemble les dispositions du code du travail sur la durée du travail. En effet, ils sont exclus des dispositions relatives à la durée quotidienne maximale de 10 heures, aux durées hebdomadaires maximales de travail de 48 heures sur la semaine et de 44 heures sur 12 semaines, mais également de celles relatives à la durée hebdomadaire de 35 heures (C. trav., art. L. 3121-62). Ils ne peuvent donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
En revanche, ces salariés sont soumis aux dispositions relatives au repos quotidien de 11 heures, au repos hebdomadaire de 24 heures, aux congés payés, ainsi qu’aux jours fériés et chômés.
Les conventions de forfait en jours offrent une flexibilité relativement à la durée du travail. Toutefois, l’employeur reste soumis à des obligations particulières, notamment sur la charge de travail. Il doit ainsi s’assurer que la charge de travail est « raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail » (C. trav., art. L. 3121-60). La Cour de cassation veille à ce que l’accord collectif garantisse le respect d’horaires de travail et de charge de travail raisonnables (voir notamment Cass. soc., 17 janvier 2018, n° 16-15124).
De surcroît, l’employeur est tenu de récapituler chaque année le nombre de journées ou demi-journées accomplies par le salarié. Ces décomptes de jours travaillés doivent être tenus à la disposition de l’inspecteur du travail pendant une durée de 3 ans (C. trav., art. D. 3171-16). A défaut de présentation de ces décomptes, l’employeur encourt une amende de 3e classe, soit 450 €.
En outre, l’employeur doit recevoir chaque année les salariés en entretien individuel afin d’aborder notamment la charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle mais également la rémunération (C. trav., art. L. 3121-64 et L. 3121-65).
Enfin, l’employeur a l’obligation de consulter chaque année le comité social et économique (CSE) sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail (C. trav., art. L. 2312-8). L’absence de consultation annuelle sur ce thème est constitutive d’une entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel. Le fait d’entraver le fonctionnement du CSE est puni d’une amende de 7 500 € (C. trav., art. L. 2317-1).
Convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010
Cette convention collective nationale prévoit des dispositions particulières pour les forfaits jours (art. 65 et suivants). Elle reprend les conditions fixées par les dispositions légales. Elle fixe notamment un entretien annuel obligatoire avec le supérieur hiérarchique, un contrôle du nombre et des dates des jours travaillés et encadre l’amplitude et la charge de travail.
Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012
La branche des entreprises de services à la personne ne prévoit pas de dispositions particulières concernant le forfait jours. Une entreprise relevant de cette convention collective et qui souhaiterait recourir à ce dispositif devrait ainsi négocier un accord d’entreprise ou d’établissement sur ce thème avant de pouvoir le mettre en place.
Convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soin, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1955
La convention de branche ne revient pas de façon précise sur le dispositif du forfait jours. Dans ce secteur d’activité, il conviendra donc également de conclure un accord d’entreprise ou d’établissement avant de mettre en place le forfait jours.
Convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002
Il n’y a pas non plus de dispositions spécifiques au forfait jours dans la convention collective nationale de l’hospitalisation privée. Les structures qui relevant de cette convention et souhaitant mettre en place ce mécanisme doivent conclure un accord d’entreprise ou d’établissement spécifique en respectant le contenu minimal fixé par le code du travail.