Au cœur de l’exil

C’est une immersion poignante au sein de l’équipe mobile précarité et psychiatrie (EMPP) de l’accueil de jour de Chambéry, en Auvergne-Rhône-Alpes, que nous propose le documentaire « Avec les mots des autres ». Sans aucune voix off, le film nous emmène à la rencontre d’hommes et de femmes exilés, ainsi que des infirmières et de la psychiatre qui les accompagnent sur leur chemin de reconstruction. Séance après séance, on découvre les symptômes auxquels sont confrontés les patients : sensations d’étouffement, cauchemars, réveils nocturnes… Ces symptômes constituent aux yeux des professionnels une porte d’entrée pour « comprendre la douleur », explique Antoine Dubos, le réalisateur. « Face à la violence de l’injonction à “se raconter” des institutions, les infirmières et la psychiatre de l’EMPP opposent l’écoute », observe-t-il. Parallèlement, se dessine l’enjeu de l’interprétariat. Les interprètes jouent en effet un rôle clé lors de ces consultations pour exprimer les paroles et les ressentis des demandeurs d’asile qui, très souvent, ne maîtrisent pas la langue française. « Loin de n’être qu’une “machine à traduire”, il [l’interprète] vient véritablement incarner cette parole, et tel un acteur, en proposer une interprétation, analyse Antoine Dubos. En prenant en charge la parole du patient, il partage également avec lui une partie de son histoire. Il en est le témoin. » Ce n’est pas la première fois que le documentariste met en images l’exil. En 2017, il sortait « L’Attente », filmé dans un centre de transit pour les demandeurs d’asile à Lyon. Un an plus tard, il a suivi le parcours de mineurs isolés étrangers dans « Exils adolescents ». D’une durée d’environ 1 h 15, « Avec les mots des autres » est réalisé en partenariat avec l’Orspere-Samdarra (Observatoire santé mentale, vulnérabilités et sociétés), la Société des Apaches, le laboratoire Icar (Université Lyon 2, CNRS), l’Ecole normale supérieure de Lyon et Lyon Capitale TV.