Noël Noël, magie bienheureuse de la fête merveilleuse ! Le petit me montre sa liste de Noël trois fois par jour. « Ça c’est vraiment génial, je l’ai vu dans une pub, et puis Mehdi a le même ! » Il trépigne et je me résigne, oui mon coeur, je suis sûre que le Père Noël a reçu ta lettre. J’aime pas Noël. J’aime pas lister, organiser, calculer, acheter, cuisiner, manger, traîner, ranger, nettoyer.
J’aime pas les cadeaux. Plaisir d’offrir et faux sourires, achats bâclés et papiers déchirés, oh ! chic un pull moche, oh ! mais comme c’est original le dernier Goncourt, oh ! tiens, une boîte de chocolats c’est tellement surprenant !
J’aime pas les gens. Le cousin lointain et la tata qui sent sous les bras, le neveu morveux et la mamie aigrie, tous ces gens qui parlent en même temps en postillonnant, discours stériles et idées futiles.
Je rêve de silence et de solitude, loin du sapin en plastique et de la dinde trop cuite, très loin des idées rances dont ils ont l’habitude.
Alors cette année, c’est décidé, je laisse ma femme s’occuper des festivités, de toute façon j’ai un million de dossiers en retard.
Dossier numéro un. Florentine travaille tout le temps. La semaine, le week-end, le matin, le soir, la nuit parfois. Elle jongle entre un gros contrat, quatre petits contrats, et quelques heures éparpillées. Son jour de repos, c’est un dimanche toutes les trois semaines. Le reste du temps, c’est métro boulot métro boulot boulot. Florentine est épuisée mais elle ne peut pas s’arrêter. Parce que maman solo et compte à zéro. Je ne peux rien faire pour elle sinon l’écouter parler et la regarder pleurer.
« Pour ta sœur et son mari, on prend quoi ? Un coffret détente ? Ça leur ferait du bien un petit week-end en amoureux, non ? », me demande ma femme du fond du salon.
Dossier numéro deux. Florette ne mange plus. Pas faim, pas envie, pas l’argent. Je la regarde maigrir, elle fait semblant d’en rire. C’est pas mon boulot de m’occuper de ses kilos, mais si elle doit être hospitalisée qui va s’occuper des enfants ? Certainement pas le mari qu’elle a fui ni ses parents défaillants. Elle contrôle, elle sait la limite à ne pas dépasser, elle en a vu d’autres dit-elle d’un air blasé.
« Qui est allergique au gluten déjà ? Les fruits de mer, ça passe pour tout le monde ? Pour ton cousin végan ça va être un peu compliqué… t’es sûre que tu veux l’inviter ? », crie Sophie depuis la cuisine.
Dossier numéro trois. Floyd campe régulièrement dans mon bureau. Demande de RSA, de logement social, de CMU… et en attendant, débrouille et Restos du cœur… Pour Noël, il aura peut-être un nouveau duvet et un colis amélioré, en attendant j’offre le café, c’est ma tournée.
« Le petit veut une nouvelle console… et une peluche panda… et pour ta mère j’ai trouvé un joli collier… On offre quoi à mes parents ? J’ai pas d’idée, on fait une carte cadeau ? », s’enquiert ma douce depuis le jardin.
Je referme mes dossiers. A Noël ce sera carottes vapeur pour tout le monde et un bon pour un sourire, gribouillé à la hâte sur du papier recyclé. Pas envie, pas l’énergie, pas la magie.