Les 62 places du lieu Le Passage (44 pour les adultes, 18 pour les mineurs non accompagnés) ont vite trouvé leurs bénéficiaires. Ouvert seulement depuis le 1er novembre, le nouveau centre d’hébergement d’urgence pour les personnes sans abri géré par l’Armée du salut s’est installé dans le quartier de Sécheron, à Genève, ses trois étages en bois plantés dans une ancienne friche appartenant au canton, fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Un projet imaginé il y a dix ans déjà pour remplacer l’Accueil de nuit, un baraquement de 39 places vieux de près de 70 ans et qui tombait en ruines. Sur place, les résidents peuvent profiter d’un petit déjeuner, d’un dîner et, sur une durée de séjour fixée à 30 nuits maximum, bénéficier d’une écoute et d’un suivi social grâce à une équipe de 45 collaborateurs et un budget annuel de 3,75 millions d’euros, essentiellement pris en charge par la municipalité. « Le Passage accueille dignement toute personne sans domicile à Genève, dans une optique de sécurisation et de restauration physique et psychique, tout en favorisant la possibilité d’une amélioration durable des conditions de vie », résume l’Armée du salut, qui a déjà ouvert près de 6 500 établissements sociaux dans le monde, dont 36 implantés en Suisse.
Publiée en septembre dernier, une étude réalisée par l’université de Genève et commandée par la ville évalue à environ 730 le nombre de personnes obligées de dormir dehors ou de passer la nuit dans une structure d’urgence comme Le Passage, alors que les capacités d’accueil totales de la ville ne dépassaient pas les 545 personnes en mars 2021. Un chiffre que les auteurs de l’étude manient cependant avec prudence, tant le profil des hommes et des femmes sans abri de la ville présente des spécificités, comparé à ceux des autres métropoles suisses. Ainsi, près de neuf personnes sur dix ne bénéficient pas d’un statut de résidence. La proportion de personnes migrantes parmi les SDF diffère aussi à Genève. « Ailleurs, le sans-abrisme touche un public plus local. En Suisse alémanique, par exemple, on trouve beaucoup de personnes qui ont eu une rupture dans leur vie », explique Thomas Vogel, consultant indépendant qui a participé à l’enquête, cité par la Radio-télévision suisse romande.
A Genève, « l’offre est conséquente mais peu pérenne », constate le rapport, du fait d’un dispositif conjoncturel qui « varie en fonction des financements disponibles, de la période de l’année et de la météo. Cela a un impact fort sur l’accueil de certains publics, notamment les hommes seuls. » La municipalité a donc dû accorder une aide financière d’urgence à l’association Le CauSe, qui gère un dispositif hôtelier permettant de loger plus de 150 personnes dans quatre établissements, pour une durée de 30 nuits, avec, comme au Passage, un accompagnement social. Les auteurs pointent également les transformations durables des modalités d’accès au logement d’urgence à cause de la crise sanitaire, « de plus en plus de structures basculant vers un accueil 24 heures sur 24 mais offrant une rotation des places bien moindre ». Autre carence relevée par l’université de Genève, le « faible nombre de structures (hors des structures d’hébergement) qui offrent un repas le soir » ou « qui rendent accessibles des prestations d’hygiène » : « D’une manière générale, nous avons constaté qu’il n’y a que très peu de lieux qui offrent un accueil de jour permettant aux personnes sans abri d’avoir un moment de répit dans la journée. » Et les rares structures existantes ont, là aussi, dû « restreindre leurs modalités d’accueil suite aux mesures sanitaires liées au Covid ».