Le concept « d’aller vers » est plébiscité. Plus encore depuis que la crise sanitaire a montré son intérêt envers les populations les plus isolées. Mais le travail dans la rue ne date pas d’aujourd’hui. Les premières équipes de prévention spécialisée sont nées des conséquences de la guerre dans les années 1950. Depuis, des maraudes, composées pour la plupart de bénévoles, ont vu le jour et interviennent aussi sur le terrain. Leurs compétences sont différentes, mais les deux sont complémentaires. Et c’est bien ce que démontre le dossier, publié dans le dernier numéro de V.S.T. (Vie sociale et traitements). Quelles sont les pratiques ? Que faire quand des personnes sans abri ne formulent aucune demande et refusent d’être aidées ? Comment éviter que le travail de rue n’aboutisse au contrôle social des individus ? Il faut parfois un an d’approche, d’échanges pour qu’émerge une demande de la part de populations en errance. Sans droit au revenu de solidarité active, les jeunes de moins de 25 ans ne peuvent pas trouver un logement, et sans toit, pas de travail. Travailler dehors, c’est être en prise directe avec la réalité, aussi dure soit-elle, et aussi composer avec les paradoxes des politiques publiques. Celles-ci consentent, par exemple, à la distribution de matériel stérile aux usagers de drogues mais rechignent à financer des lieux où ils puissent consommer sans risques. Le travail de rue s’adapte au terrain pour répondre aux besoins, c’est l’une de ses caractéristiques. A Bruxelles, l’association Infirmiers de rue, créée il y a quinze ans pour assurer des soins médicaux, a orienté progressivement ses pratiques vers la réinsertion durable et l’autonomie des personnes sans abri ou mal logées. A Rennes, l’équipe de prévention spécialisée « Le Relais centre-ville », qui va à la rencontre de jeunes en voie de marginalisation, a été, quant à elle, obligée de jouer l’équilibriste pendant le premier confinement. Les liens avec leurs publics se sont renforcés, mais les inégalités sociales n’en demeurent pas moins vivaces et la prévention spécialisée invisibilisée.
« Le travail de rue », dossier coordonné par François Chobeaux, Jean-Luc Marchal et Henri Santiago-Sanz – V.S.T. n° 152 – Ed. érès, 16 €.