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Aides à domicile : la révolution salariale pour tous !

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Lors de son allocution du 9 novembre, le chef de l’Etat a assuré que « d’ici au 1er janvier, les professions du soin et de l’aide à domicile auront vu leurs salaires revalorisés ». Mais, selon l’auteur, les discours sont éloignés de la réalité et les inégalités criantes entre les professionnels.

« L’état n’a pas permis l’augmentation de tous les salaires des professionnels du domicile, contrairement à ce qu’il a fait pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : les accords du Ségur de la santé ont acté une hausse de salaire, prise en charge par les pouvoirs publics, de 183 € net par mois pour les personnels des Ehpad publics et privés associatifs, et de 160 € net pour les Ehpad privés. Pour les métiers du domicile, l’Etat a agréé l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui permet l’augmentation de 13 % à 15 % des salaires des 220 000 collaborateurs du secteur associatif, financée par les deniers publics. Mais les 160 000 aides à domicile du secteur privé, couverts par la branche professionnelle des services à la personne, ont été laissés sur le bord de la route.

Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, l’Etat a de nouveau raté l’occasion de permettre la revalorisation des salaires des aides à domicile du privé. Pour solvabiliser les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), le PLFSS pour 2022 a instauré un tarif national plancher de 22 € pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Il s’agit d’une avancée indéniable, demandée par les acteurs et les experts depuis des années. Ce tarif socle mettra fin aux inégalités territoriales, puisque les conseils départementaux fixaient jusqu’à présent librement les tarifs de référence pour l’APA et la PCH. Le PLFSS prévoit également une dotation complémentaire “qualité” de 3 € pour les Saad réalisant des prestations améliorant la qualité du service rendu à l’usager : accompagner des personnes dont le profil de prise en charge présente des spécificités, intervenir sur une grande amplitude horaire, suivre des bénéficiaires dans des territoires reculés…

Ainsi le gouvernement revendique-t-il une tarification de 25 €, soit le coût de revient horaire d’une prestation à domicile. Mais, en réalité, les Saad privés seront écartés de cette dotation bonus. Non seulement son versement est soumis à la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom) avec le département, qui peut refuser de contractualiser, mais, d’autre part, l’Etat a provisionné seulement 60 millions d’euros pour 2022, une paille au regard des besoins considérables.

Fuite des talents

Les Saad privés se trouvent donc confrontés à une fuite de leurs talents vers les Ehpad et, depuis le 1er octobre, avec l’entrée en vigueur de l’avenant 43, vers les associations, où les salaires sont désormais plus élevés. Pour juguler ce qui risque de devenir rapidement une hémorragie, les Saad privés doivent impérativement trouver des ressources complémentaires afin d’aligner les salaires de leurs auxiliaires de vie sur ceux du secteur associatif. Soit ceux-ci bénéficient, comme les Ehpad ou les associations, de financements publics complémentaires, soit ils augmentent – faute de mieux – le reste à charge des allocataires de l’APA-PCH.

Aussi, lorsque Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’autonomie, lance, lors de la présentation du PLFSS 2022, que “le dialogue social peut donc s’ouvrir pour utiliser l’augmentation du financement de l’intervention horaire, avec la mise en place du tarif national à 22 €, à la revalorisation des salaires” des aides à domicile du secteur privé, elle est en pleine opération de communication. Car elle sait mieux que quiconque que pour parvenir à une autonomie de qualité pour nos aînés et nos concitoyens en situation de handicap, il faut des ressources.

Des ressources à consacrer à l’augmentation des plans d’aide, car il ne sert à rien d’augmenter la prise en charge horaire par un tarif national si, dans le même temps, les plafonds des plans d’aide n’évoluent pas. Plus d’heures à domicile permettra un accompagnement de plus grande qualité, une meilleure rémunération pour les auxiliaires de vie et davantage de répit pour les proches aidants. Des ressources pour favoriser l’accès aux services d’aide au plus grand nombre de personnes vulnérables. Cela par une meilleure maîtrise des restes à charge. Des ressources, enfin, pour financer la revalorisation salariale des professionnels du domicile du secteur privé. Les Saad privés ne peuvent qu’envisager une hausse de leurs prix de 17 % pour aligner les salaires de leurs employés sur le niveau de ceux du secteur associatif.

Toutefois, en dépit du principe de liberté tarifaire, l’évolution annuelle des prix des prestations des Saad privés est plafonnée par un taux d’augmentation défini par un arrêté pris par les ministres chargés de l’économie et des finances et des personnes âgées et de l’autonomie (CASF, art. L. 347-1). Et ce taux d’augmentation, pourtant censé refléter la prise en compte de l’évolution des salaires et des coûts de fonctionnement des structures, ne fluctue qu’avec modération. Pour l’exercice 2021, l’arrêté d’encadrement des prix a fixé à 3,8 % le taux maximal d’augmentation, et, pour l’exercice 2020, à 1,42 %. Pour 2022, la seule augmentation des coûts structurels des Saad privés s’élèvent à 9,4 %. Or le principe même de l’encadrement des prix n’a pas de sens pour les Saad.

S’affranchir de l’encadrement des tarifs

La Fédésap (Fédération française des services à la personne et de proximité) demande à l’Etat que les Saad privés s’affranchissent, au moins pour l’exercice 2022, de l’arrêté d’encadrement des tarifs. L’enjeu est à la fois d’assurer la continuité de la prise en charge des personnes vulnérables, et, dans un contexte où il est de plus en plus difficile de recruter, de fidéliser les salariés.

Depuis le début du quinquennat, même si des avancées importantes ont été obtenues, comme la création de la 5e branche de la sécurité sociale, le tarif national plancher, des efforts pour les revalorisations salariales…, la politique de l’autonomie a trop fait l’objet de demi-mesures, d’ajustements, en bref d’un manque d’ambition, qui s’est illustré par le report à au moins cinq reprises de la “grande loi” sur l’autonomie.

Les objectifs de la prochaine majorité présidentielle pour une grande loi sur l’autonomie qui anticipe les conséquences du vieillissement sur notre société devront être les suivants :

• refondre le système de prise en charge de l’autonomie en créant une prestation universelle autonomie sur les mêmes principes que la branche “santé” ;

• mettre en place un “Ségur de l’autonomie” et arrêter de prendre des mesures financières au fil de l’eau, avec des visées électoralistes conduisant à privilégier certaines catégories de personnels plutôt que d’autres ;

• disposer d’une offre homogène sur tout le territoire et anticiper le développement d’une infrastructure capable de répondre au choc démographique de 2030, avec notamment la fin du numerus clausus généré par les appels à projets pour la demande d’une autorisation ;

• s’engager à revaloriser annuellement le tarif national socle APA et PCH pour prendre en compte l’augmentation annuelle des coûts ;

• financer sur le long terme la 5e branche pour éviter les arbitrages d’opportunité en faveur d’Ehpad, avec les lits “vides” et des Saad générant des files d’attente.

Au 1er novembre, nous constatons déjà des écarts de prise en charge de plus de 5 € de l’heure entre Saad dits “privés” et Saad associatifs pour des services identiques. Voilà l’héritage que cette mesure gouvernementale risque de laisser : un secteur avec certains salariés plus reconnus que d’autres. »

Contact : jjourdan@fedesap.org

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