482 millions d’euros. Voilà ce que mobilise le gouvernement wallon pour soutenir l’expérimentation du programme « Territoire zéro chômeur de longue durée » en Belgique, alors que cette région, déjà sinistrée par la pauvreté (18,2 % selon les dernières statistiques datant de 2019, contre 10 % en Flandre), affronte les conséquences dramatiques de la crise sanitaire et des récentes inondations. Selon la Fédération wallonne des centres publics d’action sociale (CPAS), le nombre de demandeurs du revenu d’intégration sociale devrait augmenter de 15 % à 30 % d’ici à la fin 2022, et le dispositif consiste justement à réaffecter les « coûts » du chômage (allocations, minima sociaux) au financement de la création d’emplois. Sans oublier l’accès au logement, à la formation et la réduction des lacunes dans les connaissances de base comme le français, les mathématiques ou le numérique. Le plan prévoit également de « renforcer l’action des centres d’insertion socioprofessionnelle qui assurent la formation de stagiaires éloignés de l’emploi », précise le quotidien belge L’Echo. « Ils recourent à une pédagogie spécifique pour permettre aux stagiaires d’acquérir des compétences générales et techniques, tout en bénéficiant d’un accompagnement social », insiste un rapport coordonné par les autorités wallonnes. L’initiative s’inscrit dans les objectifs du gouvernement d’atteindre 80 % de taux d’emploi d’ici à 2030, contre 69 % aujourd’hui, et d’offrir « des opportunités aux groupes qui sont les plus éloignés sur le marché du travail », notamment les peu diplômés, les plus de 60 ans et les malades de longue durée, espère le Parti socialiste, qui détient les ministères de l’Economie et du Travail.
Un chiffre global en trompe-l’oeil, critique cependant le Parti du travail de Belgique (PTB), situé à gauche du Parti socialiste. « C’est un fétiche [les 80 %, ndlr] qu’on ne partage pas du tout », explique Germain Mugemangango, porte-parole du PTB cité par la RTBF : « Cela voudrait dire mettre 600 000 personnes au travail alors qu’il y a 350 000 chômeurs. Il faudrait alors chercher chez les travailleurs malades. » Sans remettre en cause le dispositif « Zéro chômeur », le parti du travail de Belgique plaide pour une augmentation des salaires, la réduction du temps d’activité et une amélioration des conditions générales du travail, afin d’éviter la logique des « mini-jobs » à l’œuvre en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, qui « entraîne des contrats précaires ou à mi-temps », et une élévation du taux d’emploi fictif, puisqu’elle n’a pas entraîné d’augmentation significative du nombre d’heures travaillées.
Pour mémoire, en France, le ministère du Travail a tiré un bilan très positif de l’expérience, et a officialisé en décembre 2020 son extension à 50 nouveaux territoires. Selon un rapport de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les entreprises à but d’emploi (EBE), créées spécifiquement pour les chômeurs, ont permis de recruter majoritairement des femmes, des jeunes (plus de la moitié des bénéficiaires avaient moins de 42 ans) et des personnes peu diplômées, 28,3 % n’ayant aucun diplôme. Toujours selon la Dares, les conditions de vie des salariés en EBE ont été sensiblement améliorées, qu’il s’agisse de la santé, de l’insertion sociale, de la confiance en soi ou dans l’avenir. Les bénéficiaires se déclarent également moins nombreux à renoncer aux soins pour des raisons financières et voient faciliter leur accès au permis de conduire.