A Strasbourg, Toulouse, Marseille, Rennes, Lille, Lyon, Paris, mais aussi Nîmes, Le Creusot, Saint-Etienne. En poste ou encore étudiants, soutenus tant par les syndicats que par les instituts de formation en travail social, des milliers de travailleurs sociaux ont hissé les banderoles partout en France le 7 décembre dernier. Une mobilisation d’ampleur inédite. Historique.
Sur les réseaux sociaux, transpirent la ferme intention de ne pas rester invisibles plus longtemps, la fierté d’exercer ces métiers et un immense ras-le-bol, aiguisé par les obligations de reporting à outrance auxquelles éducateurs spécialisés, assistants sociaux ou chefs de service sont soumis. Sans oublier la peur de ne plus délivrer le meilleur pour les personnes accompagnées. Rien de neuf, en somme. Tout comme ne sont pas nouvelles les revendications des manifestants, qui composent depuis des mois une musique lancinante. Obsédante. Leurs doléances n’ont que peu évolué dans le temps : des augmentations salariales d’au moins 183 € pour tous afin d’en finir avec les iniquités du Ségur de la santé ; la reconnaissance de leur travail ; mais aussi un écho médiatique à leur colère. Des attentes pour le moins légitimes.
Intervenants à domicile, aides-soignants, assistants familiaux… Nombreuses sont surtout les femmes, les hommes aussi, à survivre avec de petits salaires leur interdisant un niveau de vie décent. Leur pouvoir d’achat, ce mix entre les revenus disponibles et l’augmentation des coûts des biens de consommation, y compris des plus indispensables, baisse mécaniquement. Et ce, d’autant plus que le taux d’inflation en France est sous-évalué. Ne serait-ce que parce qu’il n’intègre pas le coût des logements dès lors que les résidents sont propriétaires. La part des revenus consacrés au logement a pourtant bondi de 10 % à 23 % entre 1960 et 2015. Ce qui pèse lourdement dans les dépenses contraintes des ménages, qui ont plus que doublé en quatre décennies, passant de 15 % à 32 % entre 1960 et 2018.
Voilà pour les moyennes. Mais, derrière, se cachent des réalités plus inégalitaires encore. Car plus on est pauvre, plus ces dépenses représentent une part importante des revenus, diminuant d’autant le reste à vivre – les « revenus arbitrables », selon les termes de l’économiste Florence Jany-Catrice. Devant les adhérents de l’Association des journalistes de l’information sociale, elle estimait, ce même 7 décembre, que la société française avait perdu son « horizon égalitaire ».