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Justice : prendre en charge les addictions pour prévenir la récidive

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Baptisé « Suivi justice thérapeutique », le dispositif permet à des multirécidivistes d’infractions, survenues sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, de voir leur date de jugement reportée de six ou de huit mois (photo d'illustration)

Crédit photo Quentin Falco / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Dans l’Oise, depuis 2019, le dispositif Suivi justice thérapeutique permet le report du jugement de personnes multirécidivistes placées en garde à vue pour des infractions commises sous l’emprise de substances. Objectif : conditionner l’aménagement d’une peine à un accompagnement médico-psycho-social.

« Il est très frustrant de voir plusieurs fois comparaître les mêmes personnes pour des faits commis en raison de problèmes d’addiction. J’avais le sentiment que les instances judiciaires n’étaient pas performantes en matière de prévention de la récidive », rapporte Jean-Baptiste Bladier, procureur de la République du tribunal judiciaire de Senlis (Oise). A l’initiative du magistrat, depuis 2019, sa juridiction et celle de Compiègne (Oise) expérimentent une méthode d’approche pluridisciplinaire pour lutter contre le phénomène.

Baptisé « Suivi justice thérapeutique », le dispositif permet à des multirécidivistes d’infractions, survenues sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, de voir leur date de jugement reportée de six ou de huit mois, durant lesquels ils bénéficient d’un accompagnement médico-psycho-social et judiciaire personnalisé. Avec, pour finalité, l’allègement de la peine prononcée ainsi qu’une préparation concrète à la réinsertion. « Il s’agit d’un contrat avec la mise en place d’une convention d’objectifs. En cas de refus du prévenu, le jugement est immédiat », explique Marianne Euvrard, chargée de mission et coordinatrice du Suivi justice thérapeutique pour l’Association d’enquête et de médiation (AEM), partenaire du tribunal de Senlis. La proposition d’engagement s’effectue entre la fin de la garde à vue et l’audience, sous certaines conditions : reconnaissance de responsabilité et volonté manifeste de s’en sortir.

Engagement sous contrôle

Si la personne adhère au cahier des charges, chaque semaine, des rendez-vous s’organisent avec Marianne Euvrard pour coordonner les démarches entreprises. En parallèle, se tiennent des entretiens réguliers avec des magistrats du parquet référents et volontaires : échanges sur l’infraction, le passage à l’acte, les difficultés liées à l’addiction et les représentations de la justice. Les prévenus doivent, par ailleurs, se soumettre à des examens biologiques réguliers.

« Le dispositif m’a permis d’éviter la prison. J’y ai déjà passé deux ans. Je suis multirécidiviste, reconnu coupable d’avoir conduit alcoolisé à de nombreuses reprises. En détention, j’ai dépensé beaucoup d’argent pour continuer à boire. Aujourd’hui, j’ai pris conscience de mon addiction et suis devenu abstinent. Chaque mois, je rencontre un médecin addictologue. En tant qu’auto-entrepreneur, l’accompagnement me permet d’être à jour sur le plan administratif, que je négligeais depuis plus d’un an. Sans cela, je serais à la rue », confie Laurent, bénéficiaire de cette prise en charge.

Aucune incarcération

Addictologues, centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), services municipaux, Pôle emploi… Si l’efficacité de l’expérimentation tient à la mise en place de multiples partenariats, elle est freinée par les représentations de la justice. « Les a priori des collaborateurs sont souvent semblables à ceux de nos bénéficiaires », déplore Marianne Euvrard.

Pour autant, en trois ans, 103 personnes (93 hommes et 10 femmes) ont profité de ce suivi spécifique. Sur les 89 mesures de justice clôturées, 28 n’ont pas abouti en raison de l’adhésion insuffisante des prévenus, de leur mise en détention ou de leur décès. Aucune peine d’incarcération n’a été retenue dans le cadre des 61 suivis menés à terme. Uniquement des peines de sursis.

Jugé le 25 novembre, Laurent a, quant a lui, écopé de trois mois d’emprisonnement, entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans et de 24 heures d’interdiction de conduite. « Notre démarche est artisanale. C’est une manière d’essayer d’améliorer la prise en charge judiciaire car la délinquance trouve aussi son origine dans des facteurs familiaux, économiques, psychologiques ou sociétaux », conclut Jean-Baptiste Bladier.

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