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Conséquences sociales du transfert d’entreprise ou d’association

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À la faveur de fusions ou de rachats, de nombreuses entreprises et associations du secteur des services à la personne et de l’aide à domicile voient leur forme juridique modifiée. Comment s’opèrent ces transferts d’entreprises et quelles incidences peuvent-ils avoir pour les salariés ? Explications.

Les formes juridiques des entreprises ou des associations peuvent être amenées à évoluer. Elles peuvent fusionner ou encore racheter d’autres structures en vue de s’agrandir et de se développer. Cette situation s’observe dans le secteur des services à la personne et de l’aide à domicile dans la mesure où de nombreuses entreprises et associations sont vendues chaque année, et plus encore dans la période actuelle.

Face à cette situation et afin d’éviter que les salariés ne voient leur contrat de travail rompu lors du rachat de l’entreprise qui les emploie, le législateur a mis en place un transfert automatique des contrats de travail entre employeurs successifs.

Le présent dossier s’attachera tout d’abord aux conditions de mise en place d’un transfert légal d’entreprise ou d’association. Il s’intéressera ensuite aux conséquences pratiques de ce transfert sur les salariés et sur les instances représentatives du personnel dans le secteur social et médico-social.

I. La mise en place d’un transfert légal

L’article L. 1224-1 du code du travail prévoit que : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

Le législateur énumère ainsi une liste de situations dans lesquelles les contrats de travail des salariés en cours au moment de la survenance de l’événement sont maintenus. Cet article est d’ordre public, ce qui signifie que les parties ne peuvent pas écarter son application d’un commun accord. Ce transfert des contrats de travail est appelé « transfert légal ».

L’application de ce principe légal nécessite la réunion de deux conditions cumulatives :

• l’existence d’une entité économique autonome chez le cédant (ancien employeur) ;

• le maintien de l’identité et la poursuite de l’activité de l’entité économique chez le cessionnaire (nouvel employeur).

A noter : L’employeur qui souhaite procéder à un transfert partiel ou total au sein de sa structure est tenu d’informer et de consulter préalablement le comité social et économique (CSE) (code du travail [C. trav.], art. L. 2312-8). Cette obligation pèse sur les entreprises et les associations employant plus de 50 salariés. A défaut d’information et de consultation, l’ancien employeur pourrait être condamné pour entrave aux institutions représentatives du personnel.

A. Le transfert d’une entité économique autonome

1. L’existence d’un transfert

Le code du travail fixe une liste non limitative d’actes de transfert. Le transfert peut ainsi résulter d’une succession, vente, fusion, transformation de fonds ou d’une mise en société. Toutefois, les juges sont venus étendre cette notion de transfert. A titre d’illustration, elle s’applique également en cas de reprise en gestion directe.

A noter : Le transfert légal ne concerne pas la création d’un groupement d’intérêt économique (Cass.. soc., 2 juillet 2008, n° 07-42049).

2. L’existence d’une entité économique autonome

Le législateur ne définit pas la notion juridique d’entité économique autonome. De jurisprudence constante, la Cour de cassation considère qu’une entité économique autonome est un « ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre » (Cass. soc., art. 7 juillet 1998, n° 96-21451).

L’existence d’une entité économique autonome repose donc sur la présence de trois critères cumulatifs :

• une activité économique autonome ;

• un personnel propre ;

• des moyens corporels et incorporels propres.

a) Activité économique autonome

Lors d’un transfert, les juges vérifient si l’entité transférée dispose d’une activité économique propre et poursuit un objectif propre. Ils recherchent ainsi si l’entité était autonome avant son transfert.

Dans l’hypothèse où l’activité de l’entreprise ou de l’association est totalement transférée, il n’y a pas de difficulté et ce premier critère est rempli. En revanche, lorsque la structure ne transfère pas la totalité de son activité, il convient de vérifier si l’activité transférée est bien autonome. Dans ce cas, il importe peu que l’activité soit importante ou non ou qu’elle soit principale, secondaire ou accessoire. Toutefois, si le transfert est partiel et que l’activité transférée est secondaire ou accessoire, il est impératif qu’elle soit détachable des autres activités de l’entreprise ou de l’association. En ce sens, il conviendra qu’elle dispose d’un secteur d’activité autonome clairement identifié. On prendra l’exemple d’une société qui cède son service informatique qui dispose d’une autonomie de gestion.

b) Personnel propre

De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que l’entité transférée doit disposer d’un personnel spécialement affecté pour être considérée comme autonome. En ce sens, les juges n’exigent pas que les salariés soient nombreux. On peut ainsi dénombrer un seul salarié dans l’entité. En revanche, il est important que le ou les salariés soient spécialement affectés à l’activité particulière faisant l’objet du transfert.

Cas du salarié « multiactivité »

Un salarié peut être amené à effectuer une « multiactivité », c’est-à-dire travailler à la fois au sein de l’activité transférée et au sein d’une autre activité non transférée. Dans cette hypothèse, si le salarié exerce son activité « pour l’essentiel » au sein de l’activité transférée, les juges considèrent que la totalité du contrat de travail est transférée (Cass. soc., 30 mars 2010, n° 08-42.065). A l’inverse, lorsque l’activité n’est pas réalisée pour l’essentiel pour l’activité transférée, les juges utilisent le principe de la divisibilité du contrat de travail.

A titre d’illustration, une salariée exerçait 40 % de son temps de travail pour le compte de l’activité transférée et 60 % pour le compte de l’activité non transférée. A l’issue du transfert, la salariée a donc poursuivi son activité pour le compte de la société initiale à hauteur de 60 % de son temps et a été transférée chez le cessionnaire pour les 40 % du temps de travail restant (Cass. soc., 2 mai 2001, n° 99-41960). Le transfert de son contrat a donc été partiel.

c. Moyens corporels et incorporels propres

La jurisprudence exige également que l’entité économique dispose de moyens corporels (des machines, un bâtiment, des outils, des stocks) et/ou incorporels propres (la clientèle, les brevets ou encore les marques ou noms commerciaux).

B. Le maintien de l’identité de l’entité économique transférée

Le transfert d’activité entraîne le transfert des contrats de travail uniquement si l’activité transférée se maintient auprès du nouvel employeur. Le maintien de l’identité s’analyse au niveau de l’activité mais également des conditions de fonctionnement. Ainsi la Cour de cassation estime que l’entité conserve son identité si le cessionnaire exerce la même activité que le cédant. De cette façon, si une entreprise de services à la personne achète une structure et décide de conserver l’activité initiale, il y aura automatiquement transfert des contrats de travail.

Les juges n’exigent toutefois pas que les activités soient totalement identiques. A titre d’illustration, un cessionnaire avait acheté un restaurant puis il avait décidé de s’intéresser à une clientèle différente en obtenant une licence de débit de boissons. La Cour de cassation a considéré qu’il existait bien un transfert légal et que le cessionnaire était tenu de reprendre les contrats de travail (Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-44309).

En revanche, lorsqu’un cédant possède une activité de vente de tissus et que le cessionnaire décide de transformer l’activité et d’ouvrir un commerce de prêt-à-porter, l’application de l’article L. 1224-1 est écartée (Cass. soc., 9 mai 1989, n° 85-43623).

De même, par 11 arrêts rendus le 12 septembre 2012, la Cour de cassation a pu retenir qu’une association qui reprend l’activité de ménage prise en charge précédemment par trois associations mais qui décide de proposer des prestations dans les domaines du portage des repas, de téléassistance ainsi que la prise en charge du centre local d’information et de coordination en gérontologie et du service d’aide et d’accompagnement à domicile ne maintient pas l’identité de l’activité transférée (Cass. soc., 12 septembre 2012, nos 11-13034 à 11-13047).

A noter : De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que la suspension temporaire de l’activité ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail (Cass. soc., 28 mai 1997, n° 94-44644). Dans cet arrêt, l’activité avait été interrompue pendant 5 mois en raison de démarches administratives effectuées par le cessionnaire.

II. Les conséquences sociales du transfert

Ces modifications dans la situation juridique de l’employeur ont des conséquences sur le statut collectif et individuel des salariés, mais également sur les représentants du personnel.

A. Sur le statut individuel des salariés

1. L’obligation de reprendre les contrats de travail à l’identique

Lorsque les conditions posées par l’article L. 1224-1 du code du travail sont remplies, les contrats de travail des salariés sont transférés de plein droit au cessionnaire qui devient le nouvel employeur. Dans la mesure où ce transfert s’effectue de plein droit, il intervient indépendamment de la volonté des parties. De cette façon, si un des salariés refuse que son contrat se poursuive avec le nouvel employeur, il sera considéré comme démissionnaire à condition qu’il se soit exprimé de manière claire et non équivoque (Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-40325).

Le législateur comme les juridictions ne font pas de distinction selon la nature du contrat. Ainsi le transfert concerne les personnes en contrat à durée indéterminée, déterminée ou encore à temps partiel. Les juges considèrent également qu’il s’applique aux personnes en contrat d’apprentissage (Cass. soc., 4 mars 1982, n° 80-40256) et en contrat de qualification, devenu contrat de professionnalisation depuis 2004 (Cass. soc., 3 mars 1998, n° 95-42609).

De surcroît, ce principe s’applique à toutes les personnes qui possèdent un contrat de travail en cours au jour du transfert. De cette façon, les salariés en période d’essai, en préavis ou dont le contrat est suspendu pour maladie sont également transférés (voir notamment Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-43016).

A noter : Le législateur et les juridictions n’obligent pas l’employeur à informer individuellement les salariés du transfert. Ils ne peuvent donc pas demander la réparation du préjudice lié à l’absence d’information.

En outre, les contrats de travail doivent être maintenus dans les mêmes conditions (Cass. soc., 24 janvier 1990, n° 86-41497) : le cessionnaire ne peut pas imposer de période d’essai (Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-43016) et il est également tenu de maintenir l’ancienneté acquise chez le cédant (Cass. soc., 18 décembre 1991, n° 88-43550) ou encore la rémunération.

A noter : Il n’est pas interdit de procéder à des modifications du contrat de travail. En revanche, le nouvel employeur devra impérativement recueillir le consentement préalable du salarié (Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-40447). La Cour de cassation considère que le fait d’imposer une modification du contrat de travail au salarié justifie une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié (Cass. soc., 14 juin 2017, n° 16-12177). En l’espèce, le nouvel employeur avait imposé au salarié une modification de sa rémunération.

2. L’interdiction de procéder à des licenciements

a) Licenciements prononcés par l’ancien employeur (cédant)

De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que les licenciements prononcés « à l’occasion du transfert » sont privés d’effet (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-41651). En d’autres termes, les licenciements prononcés par le cédant en vue de faire obstacle à l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail sont interdits. Le cédant est toutefois en droit de prononcer des licenciements qui reposent sur une cause réelle et sérieuse et qui sont étrangers au transfert d’entreprise.

Selon la Cour de cassation, lorsque le licenciement est prononcé avant le transfert et qu’il est privé d’effet, le salarié dispose de deux options (Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-41651) :

• il peut tout d’abord demander sa réintégration et ainsi la poursuite de son contrat chez le cessionnaire. Dans ce cas, il est en droit de demander le paiement des salaires qu’il n’a pas perçus entre la date du transfert et la date de sa réintégration ;

• si le repreneur n’a pas proposé au salarié de le reprendre avant la fin de son préavis, ce dernier peut intenter une action en justice contre le cédant pour obtenir des dommages et intérêts afin de réparer le préjudice subi en raison de la rupture de son contrat.

Si le repreneur informe le salarié avant la fin de son préavis de son souhait de reprendre son contrat sans en modifier le contenu, le salarié est obligé de poursuivre son contrat de travail (Cass. soc., 11 mars 2003, n° 01-41842).

A noter : Un salarié pourrait solliciter la condamnation solidaire de l’ancien et du nouvel employeur lorsque ces derniers se sont accordés afin de faire échec à l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation estime qu’il existe une « collusion frauduleuse » des deux employeurs (voir notamment Cass. soc., 7 mars 2001, n° 99-40976).

b) Licenciements prononcés par le nouvel employeur (cessionnaire)

A l’issue du transfert, le nouvel employeur est en droit de procéder à des licenciements dans les conditions de droit commun sous réserve qu’ils soient justifiés. Il peut ainsi prononcer des licenciements pour motif personnel sans lien avec le transfert. En ce sens, le cessionnaire est en droit de sanctionner un salarié pour des faits commis avant le transfert à condition que ces faits ne soient pas prescrits à l’égard du cédant comme du cessionnaire. On rappellera que l’engagement de poursuites disciplinaires doit intervenir dans un délai de 2 mois à compter de la connaissance des faits fautifs (C. trav., art. L. 1332-4). Le nouvel employeur a également la possibilité de procéder à des licenciements pour motif économique à condition toutefois de respecter les conditions légales inhérentes à ce type de licenciement.

A noter : Lorsque les licenciements sont prononcés après le transfert et sans collusion frauduleuse avec l’ancien employeur, le nouvel employeur est tenu de payer les indemnités de licenciement en prenant en compte l’ancienneté globale des salariés, c’est-à-dire en incluant l’ancienneté acquise auprès de l’ancien employeur, ainsi que l’éventuelle indemnité compensatrice de préavis.

3. Les créances salariales

Conformément à l’article L. 1224-2 du code du travail, le nouvel employeur est tenu à l’égard des salariés dont les contrats de travail sont maintenus aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur au moment du transfert. Ce transfert des créances est automatique sauf si le changement d’employeur est intervenu à la suite d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou si la substitution d’employeur est intervenue sans la conclusion d’une convention préalable entre eux.

A titre d’illustration, le nouvel employeur peut être sollicité par les salariés pour le paiement des salaires et de l’indemnité de congés payés dus au moment du transfert mais non payés. Les salariés peuvent également solliciter le paiement de l’indemnité pour travail dissimulé (Cass. soc., 11 mai 2016, n° 14-17496) ou encore des primes nées à l’issue du transfert mais calculées en fonction des périodes de travail réalisées auprès de l’ancien employeur (Cass. soc., 11 mars 1992, n° 88-43447).

Sauf convention contraire, il incombe ensuite à l’ancien employeur de rembourser les sommes versées par le nouvel employeur (C. trav., art. L. 1224-2). L’ancien employeur a donc toujours la charge des sommes dues mais c’est au cessionnaire de se retourner contre le cédant et non aux salariés. Ces derniers peuvent toutefois, s’ils le souhaitent, agir directement contre l’ancien employeur.

B. Sur le statut collectif des salariés

1. Les accords collectifs en vigueur auprès de l’ancien employeur

Avant qu’intervienne le transfert dans les conditions prévues par l’article L. 1224-1 du code du travail, les salariés pouvaient bénéficier de l’application d’une convention collective de branche, d’un accord d’entreprise sur l’aménagement du temps de travail ou encore le travail de nuit. Que deviennent ces conventions et accords après le transfert ?

Par principe, en cas de transfert d’entreprise ou d’association en raison d’une fusion, d’une cession ou encore d’une scission, les accords collectifs applicables auprès de l’ancien employeur sont mis en cause (C. trav., art. L. 2261-14).

En d’autres termes, les accords collectifs continuent de produire effet soit jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel accord, soit, à défaut d’un tel accord, pendant un délai de survie de 1 an à compter de l’expiration du délai de préavis (de 3 mois, sauf disposition expresse).

A noter : Si la structure qui reprend l’activité est soumise à la même convention collective de branche que l’ancienne structure, les salariés restent soumis aux mêmes dispositions conventionnelles.

A titre d’exemple, cela sera le cas pour une association d’aide à domicile qui procèderait au rachat d’une association de même type. La convention de branche étendue applicable demeurerait celle de la branche de l’aide à domicile.

a) Survie provisoire des anciennes dispositions

Au cours de la période de survie, les salariés transférés bénéficient des accords collectifs applicables auprès de l’ancien employeur mais également des accords collectifs applicables auprès du nouvel employeur.

Il existe ainsi une situation de concours qui s’applique uniquement aux salariés transférés. Ces derniers peuvent donc se prévaloir des dispositions les plus favorables entre les différents textes.

Cette période de survie ne s’applique que dans l’hypothèse où aucun accord de substitution n’a été conclu.

A l’expiration du délai de préavis et du délai de survie (qui dure par principe 15 mois), les accords collectifs mis en cause cessent de produire effet. Les salariés transférés ne peuvent donc se prévaloir que des accords collectifs en vigueur auprès du nouvel employeur. Ce dernier peut toutefois maintenir certaines dispositions conventionnelles de la structure absorbée par le biais d’un engagement unilatéral.

b) Négociation d’un accord de substitution postérieurement au transfert

« Une nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise concernée, à la demande d’une des parties intéressées, dans les 3 mois suivant la mise en cause, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles stipulations » (C. trav., art. L. 2261-14).

Après le transfert, si aucun accord n’a été pris par anticipation, le nouvel employeur doit tenter de négocier un accord de substitution avec les organisations syndicales représentatives de la structure d’accueil. La négociation doit nécessairement intervenir avec les syndicats (Cass. soc., 9 octobre 2001, n° 99-43661) ou avec les représentants du personnel (Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-42709).

Conformément aux dispositions légales, cet accord peut prévoir soit d’adapter les dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit d’élaborer de nouvelles dispositions. La Cour de cassation n’oblige pas les négociateurs à prévoir des dispositions plus favorables que celles mises en cause. De surcroît, elle ne subordonne pas la validité du nouvel accord à la reprise de tous les thèmes traités par les accords mis en cause.

Ce nouvel accord est conclu dans les conditions classiques de la négociation collective. Il entre en vigueur dès qu’il est conclu et déposé conformément aux dispositions légales. Les mesures visant à adapter les dispositions conventionnelles nouvellement applicables concernent seulement les salariés transférés. En revanche, les nouvelles dispositions peuvent se limiter aux salariés transférés ou concerner l’ensemble des salariés de la structure d’accueil. Il convient dans cette seconde hypothèse que l’accord de substitution le précise expressément.

c) Négociation anticipée d’accord de transition ou d’adaptation

Dès lors qu’il est envisagé de faire évoluer la structure juridique d’une entreprise ou d’une association dans le cadre par exemple d’une fusion, d’une cession ou encore d’une scission et que cette évolution entraîne la mise en cause des accords collectifs, les employeurs successifs peuvent conclure plusieurs types d’accords.

Ils peuvent tout d’abord négocier et conclure un accord de transition avec les organisations syndicales de salariés représentatives de la structure qui emploie les salariés dont les contrats de travail peuvent être transférés (structure d’origine). Cette convention ne peut pas durer plus de 3 ans et a pour objectif d’accompagner la transition des salariés transférés vers le statut de la structure d’accueil. Elle entre en vigueur à la date du transfert et s’applique à l’exception des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords applicables dans la structure d’accueil (C. trav., art. L. 2261-14-2). Dans cette hypothèse, l’accord ne concerne donc que les salariés transférés.

De surcroît, ils peuvent négocier et conclure un accord d’adaptation avec les organisations syndicales de salariés représentatives au sein de la structure d’origine mais également au sein de la structure d’accueil. Cette convention a pour objectif d’harmoniser la situation de l’ensemble des salariés de la structure d’accueil (les salariés transférés et les salariés de la structure d’accueil). Elle entre en vigueur à la date du transfert et le législateur ne prévoit pas de durée maximale contrairement à l’accord de transition (C. trav., art. L. 2261-14-3). Dans cette hypothèse, l’accord concerne donc l’ensemble des salariés de la structure d’accueil, c’est-à-dire ceux qui ont été transférés et ceux qui étaient déjà présents dans la structure d’accueil.

A noter : Les conditions de validité des accords de transition et d’adaptation sont les conditions de droit commun. Afin d’apprécier les taux de représentativité, il convient de se placer dans le périmètre de la structure d’accueil pour les accords de transition et dans le périmètre de chaque structure pour les accords d’adaptation (C. trav., art. L. 2261-14-4).

2. Les usages et les engagements unilatéraux

En pratique, certaines structures mettent en place des avantages pour leurs salariés sans que cela ne relève de la loi ou d’un accord collectif. Que deviennent ces avantages, tels que le versement d’une prime de 13e mois ou encore d’une indemnité de trajet à l’issue du transfert ?

Le code du travail ne précise pas le sort des usages et engagements unilatéraux après un transfert d’entreprise. La question a donc été posée à la Cour de cassation qui retient de jurisprudence constante que les usages, les engagements unilatéraux et les accords atypiques se transmettent au nouvel employeur.

Néanmoins, le nouvel employeur est en droit de dénoncer ces avantages acquis auprès de l’ancien employeur. La validité d’une dénonciation suppose, d’une part, d’informer les représentants du personnel, les salariés individuellement et, d’autre part, de respecter un délai de préavis raisonnable afin de laisser la possibilité éventuellement de négocier.

C. Sur les représentants du personnel

Le transfert d’une entreprise ou d’une association produit des conséquences sur les représentants du personnel : les délégués syndicaux ou les représentants du comité social et économique.

1. Les délégués syndicaux et les représentants de la section syndicale

Le mandat du délégué syndical ou du représentant de la section syndicale subsiste lorsqu’une structure fait l’objet d’un transfert à condition que cette dernière conserve son autonomie juridique (C. trav., art. L. 2142-1-2 ; C. trav., art. L. 2143-10).

La représentativité des syndicats est établie pour toute la durée du cycle électoral (4 ans en principe). Elle ne change donc ni dans l’ancienne structure, ni dans la nouvelle structure jusqu’aux élections suivantes. De cette façon, la représentativité des syndicats peut disparaître lors du transfert (Cass. soc., 19 février 2014, n° 13-20069).

2. Les représentants du CSE

Comme pour les mandats des délégués syndicaux et des représentants de la section syndicale, les mandats des représentants du CSE sont également maintenus lorsque la structure transférée conserve son autonomie juridique (C. trav., art. L. 2314-35).

En revanche, si l’entreprise ou l’association transférée devient un établissement distinct chez le repreneur, ou si le transfert concerne un ou plusieurs établissements distincts qui conservent ce caractère chez le repreneur, le mandat des représentants du CSE se poursuit jusqu’à son terme. On précisera que le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements ou, à défaut, les membres de la délégation du personnel du CSE peuvent décider de réduire ou de proroger la durée des mandats pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise ou l’association d’accueil (C. trav., art. L. 2314-35).

Dès lors qu’un comité social et économique survit à l’issue d’un transfert, il conserve son budget ainsi que son patrimoine qui peut se composer de biens mobiliers et immobiliers.

A noter : Lorsque, à l’issue des dernières élections, un procès-verbal de carence a été établi conformément aux dispositions légales, il reste valable au sein de la structure d’accueil dès lors que l’entité transférée conserve son autonomie. Le nouvel employeur est ainsi en droit de se prévaloir de ce procès-verbal notamment dans le cadre d’une procédure d’inaptitude (voir notamment Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-28478).

3. Les membres du comité de groupe

Lorsqu’une entreprise ou une association qui appartenait à un groupe au sens du droit social est transférée et cesse d’appartenir à ce groupe dans la mesure où elle n’a plus de lien avec la société dominante, elle cesse également immédiatement d’être prise en compte pour la composition du comité de groupe. Dans cette hypothèse, il convient d’informer préalablement et de façon motivée le comité de groupe (C. trav., art. L. 2331-2).

En outre, toutes les entreprises ou les associations qui intègrent le groupe doivent être intégrées au sein du comité de groupe lors de son renouvellement (C. trav., art. L. 2331-2).

Le transfert d’activité entre des structures relevant du droit privé et des structures relevant du droit public

Lorsqu’une entité économique qui emploie des salariés de droit privé transfère son activité à une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, cette dernière doit proposer aux salariés transférés un contrat de droit public à durée déterminée ou indéterminée en fonction de la nature de leur contrat initial (C. trav., art. L. 1224-3). Les contrats proposés doivent reprendre les clauses substantielles des contrats de travail des salariés transférés et notamment les spécificités liées à la rémunération. Les salariés sont en droit de refuser les contrats proposés. Dans cette hypothèse, leur contrat de travail prend fin de plein droit.

A contrario, lorsque l’activité d’une personne morale de droit public qui emploie des agents non titulaires de droit public est reprise par une structure de droit privée ou un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, ce dernier est tenu de proposer aux agents un contrat de droit privé qui reprend les clauses substantielles des précédents contrats. En cas de refus, les contrats initiaux prennent fin de plein droit (C. trav., art. L. 1224-3-1).

La garantie de la rémunération

En l’absence d’accord de substitution à l’expiration du délai de survie, les salariés transférés bénéficient d’une « garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat, ne peut être inférieure à la rémunération versée en application de la convention ou de l’accord mis en cause lors des 12 derniers mois » (C. trav., art. L. 2261-14).

La garantie de rémunération est obligatoire et peut alors prendre plusieurs formes.

Il est conseillé de prévoir le versement d’une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était due en vertu des accords collectifs mis en cause et la rémunération résultant des nouveaux accords collectifs applicables.

La conclusion d’un accord de substitution fait obstacle à l’application de la garantie de maintien de rémunération.

A noter : Le législateur a prévu des dispositions spécifiques concernant le maintien de la rémunération lorsque l’accord mis en cause était à durée déterminée. Si le terme de l’accord en l’absence de mise en cause est postérieur à la date à laquelle la convention ou l’accord cesse de produire ses effets (délai de survie), le maintien de la rémunération s’applique jusqu’au terme de l’accord. En revanche, si le terme de l’accord est antérieur à la fin de la période de survie, il n’y a pas de maintien de la rémunération (C. trav., art. L. 2261-14).

Les contrats de travail des représentants du personnel

Par principe, l’article L. 1224-1 du code du travail s’applique à tous les salariés de l’entreprise ou de l’association transférée. Les contrats de travail des salariés protégés(1) se poursuivent donc automatiquement auprès du nouvel employeur.

Néanmoins, lorsque le transfert n’est pas total mais seulement partiel, le transfert des contrats de travail des salariés protégés est soumis à l’autorisation préalable de l’inspection du travail (C. trav., art. L. 2421-9). L’inspecteur du travail veille alors à ce que les salariés protégés transférés ne fassent pas l’objet d’une discrimination. Si l’inspecteur refuse le transfert, l’employeur est tenu de proposer au salarié un emploi similaire avec une rémunération équivalente.

Notes

(1) Sont protégés les délégués syndicaux, les membres élus du comité social et économique (CSE) ou encore les représentants syndicaux au CSE (C. trav., art. L. 2414-1).

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