Les femmes trinquent

« Le silence tue plus que l’alcool », « une mamie, ça ne boit pas », « une femme alcoolique, ce n’est pas une bonne mère. » Ces phrases, glanées dans le documentaire Alcool au féminin qui sera diffusé le 8 décembre sur France 2, témoignent de la honte, de la culpabilité et du déni entourant encore l’alcoolisme des femmes. Une addiction plus difficile à repérer que chez les hommes et qui, en France, toucherait 1,5 million d’entre elles et en tuerait 12 500 par an. La caméra de Marie-Christine Gambart leur a donné la parole chez elles ou dans le cabinet de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, la première psychiatre addictologue à avoir ouvert une consultation pour les femmes à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Des mots justes décrivent l’envie irrépressible de boire dans la journée, les bouteilles cachées dans les grosses pelotes de laine d’un tricot, le landau d’un bébé, le maquillage pour dissimuler un visage marqué, la famille qui se détourne, les conjoints qui partent, la solitude, le vide intérieur, la fatigue d’être soi… Selon la psychiatre, les agressions sexuelles surmultiplient le risque de « tomber » dans l’alcool. Michèle a plongé pour supporter la violence de son mari, lui-même alcoolique. Isabelle, elle, pensait échapper au fléau familial, mais les abus de son grand-père et de son cousin lorsqu’elle avait 13 ans ont eu raison de sa volonté, au point d’avaler du gel hydroalcoolique, qui contient de l’éthanol et ne coûte pas cher. « Quand on est vraiment au fond du trou, on se moque de son image. Ce qui compte, le matin, c’est d’aller chercher une bouteille au supermarché, on perd toute dignité. A quoi bon se regarder dans le miroir, on sait ce qu’il va nous renvoyer », raconte Sylvie, abstinente depuis neuf ans. Toutes ont cessé de boire. Mais comment apprendre à vivre sans alcool quand il est présent partout autour de soi et que l’on a vécu uniquement pour lui pendant des années ?