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Les bons parents

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C’est quoi des bons parents ? Apparemment, c’est pas les miens. C’est pas qu’ils m’aiment pas. C’est qu’ils m’aiment mal. Parce que je suis pas leur priorité. Ou plutôt si, je suis leur priorité, mais pas toujours. Parfois. Souvent. Je sais pas trop.

Mais je peux pas leur en vouloir. Ils font comme ils peuvent. Comme ils ont appris. Ou pas. Peut-être qu’ils n’ont pas eu la chance d’aller à l’école des bons parents. Ma mère, par exemple. Elle est partie, mais elle m’a pas abandonné. C’est juste qu’elle devait aussi s’occuper de quelqu’un d’autre. De sa propre mère, qui était loin. Elle arrivait pas à choisir. Son fils, sa mère. Le jeune enfant ou la vieille femme. Plouf, plouf, ce sera toi que je choisirai, mais comme les services sociaux ne veulent pas, ce sera toi ! Et voilà, elle est partie. Parce qu’à défaut d’être une bonne mère, elle a voulu être une bonne fille.

Mon père, lui, il boit. C’est un alcoolo, un ivrogne, un pochtron. Mais avant tout, c’est mon papa. C’est celui qui m’amène faire du vélo le dimanche, qui me fait écouter plein de musique à pleins tubes, qui me laisse piocher dans sa réserve de BD pas toutes de mon âge… Bref, c’est mon papa un peu bourré un peu bourru. Les éducs, ils disent que c’est pas raisonnable, que c’est dangereux de rouler sans casque sur la route, que le voisinage se plaint du bruit, que j’ai pas d’éducation, ou trop, ou pas assez, enfin je sais plus… Mais il m’aime, mon père, je le sais. Et je l’aime, mais je suis pas sûr qu’il le sache.

Au fond, mes parents sont pas si mal, comparés à d’autres. Ils crient un peu parfois, ils m’oublient un peu souvent, mais ils sont pas pires que les voisins qui tapent leurs enfants ou que mon tonton qui fait des trucs avec ma cousine.

Chez eux, c’est plutôt pizza-bière-télé que soupe-eau minérale-lecture calme, l’école et la douche ne sont pas obligatoires et les fins de mois difficiles commencent dès que le dernier vient de s’achever. Entre les copains et les huissiers, y a toujours du monde à la maison, et si je connais pas tout le monde, au moins tout le monde nous reconnaît.

Ils sont pas si mal, mes parents… Mais ils sont pas terribles quand même. Trop ceci et pas assez cela. Dans l’excès et dans le manque. Parce que les câlins et les cadeaux ne remplacent pas le sacro-saint cadre.

« Parents défaillants », « carences éducatives », « manque de repères », « extrême précarité », « instabilité psycho-affective ». Tous ces mots compliqués écrits dans les rapports que les « TS »(1) écrivent et lisent entre eux, c’est pas ça ma vie. Ce sont leurs mots, pas les miens.

Ma vraie vie, c’est de l’amour, en trop et en pas assez, qui rend joyeux et malheureux. L’amour à côté de la plaque, un peu de travers et complètement à l’envers, et sans roue de secours parce qu’ils ont pas eu les bons cours.

Ma vraie vie, c’est les cadeaux de ma mère et la bière de mon père, les larmes de la nuit et la morve du matin.

Notes

(1) Travailleurs sociaux ? Tribuns suicidaires ? Tartarins simplets ?

La minute de Flo

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