Cette position date du virage des années 1990-2000. Le contexte était celui d’une hostilité des Etats européens, où l’on a vu les frontières extérieures de l’Union se fermer tandis que celles de l’intérieur s’ouvraient. En témoignent divers accords internationaux. Nombre d’associations et de citoyens ont alors lancé des initiatives en réponse à ce projet sécuritaire. En Calabre, par exemple. La France a été gagnée au début des années 2010, un phénomène soutenu à la fois par des associations et par la volonté de l’Etat de dispatcher les populations, pour minimiser l’impression d’une présence importante dans certaines villes, en particulier frontalières comme Calais. Résultat ? Les centres d’accueil et d’orientation ont été implantés plutôt dans de petites villes et villages. Certes, une part de la population témoigne de l’hostilité, mais de nombreuses mobilisations en faveur de l’accueil se déploient aussi. Des activités sont organisées, des aides à la réalisation de démarches apportées.
Dans un contexte villageois, on s’approche de plus en plus de l’idée d’hospitalité. Les notions d’« asile », de « camps », de « centres », de « mise à l’écart »… s’éloignent. Les petites unités locales et sociales favorisent un meilleur accueil, offert tant par des individus que par le collectif, la communauté villageoise. D’autant que la présence de personnes venues de l’extérieur peut favoriser le maintien d’une école ou d’un autre service public. Des relations interpersonnelles plus qu’administratives anonymes se développent. On crée des liens immédiatement, comme dans n’importe quelle situation. Donc, oui, depuis 2015, beaucoup d’associations et de collectifs se sont créés pour organiser l’accueil, soit au sein de familles, soit en mettant des appartements à disposition. Cela a renforcé la sociabilité entre les populations locales qui se sont unies pour venir en aide aux exilés.
N’importe quelle personne en migration, y compris un jeune Français qui part un an en Australie, procède ainsi. On va spontanément où se trouvent des ressources, des gens. Dès lors, les personnes réfugiées se sont en effet souvent retrouvées dans des villages sans l’avoir voulu. Mais l’accueil y est généreux et solidaire. Cela leur fait du bien, tous le disent. Des liens sociaux se créent, qui rassurent, réconfortent dans des trajectoires compliquées. Malgré tout, certains veulent repartir, faute de trouver un emploi ou d’autres ressources nécessaires.
Les diasporas peuvent aussi manquer aux personnes exilées dirigées vers le milieu rural. Les gens sont très souvent seuls lors de leurs migrations. Certes, il existe des réseaux et des formes d’interconnaissance, mais les diasporas ne se montrent pas forcément solidaires. Les personnes s’en passent donc assez facilement.
Ils agissent au travers d’institutions ou d’associations reconnues par l’Etat, et rencontrent donc des limites à leur action. Par exemple ceux œuvrant en centres d’accueil des demandeurs d’asile se retrouvent coincés entre le fait d’aider les personnes de façon solidaire et la nécessité d’appliquer des règles y compris de renvoi hors des frontières. C’est très difficile pour eux. Leur position s’avère plus complexe que celle des bénévoles.