Ils se retrouvent parqués dans des campements de fortune, où les forces de l’ordre les dépouillent souvent de leurs effets personnels, évacuation après évacuation. Ils sont présentés sur toutes les chaînes d’information en continu sous forme de « caravanes » fuyant leur pays, comme s’il s’agissait d’envahisseurs des temps modernes. Certains pouvoirs politiques, comme aux frontières est de l’Union européenne, les instrumentalisent, voulant les transformer en arme géopolitique. Eux, ce sont ces hommes, ces femmes, ces enfants qui ont traversé le monde, et parfois durant des années, pour trouver un lieu de survie. Ces personnes exilées, y compris en France, côtoient le pire.
Mais aussi le meilleur : la solidarité des habitants, l’accompagnement de professionnels compétents, le souhait de collectivités locales de leur réserver l’accueil le plus approprié possible. Cela se vérifie tout particulièrement dans les petites villes et les agglomérations moyennes, mais aussi dans les campagnes où, depuis une dizaine d’années, des structures collectives, des individus et des familles offrent aux personnes exilées un lieu où se poser, se reconstruire. Selon l’anthropologue Michel Agier (page 10), le milieu rural offre même la plus grande hospitalité. Y compris pour les mineurs non accompagnés, qui bénéficient souvent des réseaux de sociabilité des familles qui les reçoivent (page 11).
Les relations interpersonnelles se développent. Les accueillis sont reconnus dans leur individualité, non résumable à un numéro de dossier administratif. Leur intégration s’en trouve facilitée, les préjugés à leur égard amoindris. Mais, comme les autres résidents, ils affrontent des difficultés en matière d’accès à la formation, à l’emploi, aux soins, faute d’infrastructures de proximité et de moyens de transport pour les rejoindre (page 8). Là comme ailleurs, le rôle des travailleurs sociaux demeure fondamental pour permettre une insertion durable dans la société française. En témoigne la sociologue Camille Gardesse. Dans notre podcast SMS de la semaine, elle décrit les spécificités liées au milieu rural.
Pourtant, ces conditions d’intervention ne sont pas justement reconnues. Pire, cela diminue mécaniquement les budgets puisque, souvent, les dotations des services n’intègrent pas les temps de trajet, et donc les spécificités liées à l’isolement. Une aberration alors que ce même isolement requiert d’accorder des délais supplémentaires aux arrivants. Adeline Andrieu, cheffe de service d’un centre provisoire d’hébergement en Corrèze, ne dit pas autre chose : « Le temps prévu est inadapté, pas les territoires. »