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Ouvrez la cage aux oiseaux

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Il m’aura tout fait. La séduction, la manipulation, et maintenant la dépression. Pauvre mari lâchement abandonné par sa femme cruelle, pauvre père injustement séparé de ses enfants. Il est si seul, et je suis si loin, et il regrette tellement, il me supplie de revenir, on va tout recommencer, reprendre à zéro, donnons-nous une nouvelle chance mon amour, j’ai changé, je serai un bon mari et un bon père, tu m’aimeras et les enfants m’adoreront, tu verras.

Il pleure, il geint, il gémit, c’est de ma faute aussi, c’est moi qui suis partie, moi qui ai tout gâché, moi qui ne voulais plus. Parce que lui, il a travaillé dur pour que nous ne manquions de rien, alors que moi, à part m’occuper des enfants et de la maison, franchement…

Je tiens bon, je résiste, cette liberté chèrement acquise, je ne veux pas la perdre. Trop longtemps j’ai été l’oiseau prisonnier de sa cage dorée, couvant ses oisillons et chantant gaiement pour me convaincre que les barreaux nous protégeaient du danger.

Alors il supplie, il est malheureux, il a des problèmes et il est ruiné, bientôt il sera à la rue, puis il menace, il va se prendre un camion ou se jeter d’un pont, il n’en peut vraiment plus.

Et moi, naïve que je suis, j’ai pitié de lui, c’est quand même mon mari et le père de mes enfants. Je ne peux pas faire comme s’il n’avait jamais existé, je l’ai aimé après tout, j’ai aimé sa voix, sa douceur et ses promesses avant tout le reste, avant cette sale vie qu’il m’a imposée.

Je flanche. Je n’ai plus peur de lui. J’ai peur pour lui, je ne l’aime plus depuis longtemps mais je ne le déteste pas encore. Dans cet entre-deux, entre deux eaux, entre deux vies, entre deux cages.

Alors je craque, j’envoie de l’argent, je lui trouve un médecin et un avocat, je l’aide comme je peux, de loin. Il faut qu’il tienne, pas question d’être veuve avant d’être divorcée, parce que le deuil, les dettes et les remords, je ne veux de ça ni pour moi ni pour les enfants. Et moi, je m’oublie, parce que mon esprit tout entier est tourné vers lui, vers son présent, et j’en oublie mon avenir et notre passé, je mets de côté la vie que je veux me construire et dont il faut qu’il sorte. C’est comme un boulet à mes pieds, un boulet que je traîne, qui me plombe et me fera couler, j’en suis sûre. Je dois y rester attachée, encore et encore, pour m’en libérer enfin, pour l’envoyer bouler, pour de bon, lui sa vie et moi la mienne. Chacun sa route. Chacun son boulet.

Et plus je l’aide, plus il en demande, plus il geint et se lamente, et je coule avec lui, il m’attire vers le fond, et je me sens si lourde, moi qui suis pourtant si légère, oiseau déplumé avec un fil à la patte.

La cage est ouverte et je ne m’envole pas. Je suis l’oiseau guetté par le chat, maudit matou qui revient à petits pas et qui ronronne en se léchant les babines. Je suis la proie prise au piège, oiseau qui se fait plumer et se fera bientôt croquer. Sors, mon beau chat, de mon cœur généreux.

La minute de Flo

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