Depuis le 1er janvier 2021, les Caisses D’allocations familiales (CAF) jouent déjà un rôle dans le recouvrement des pensions alimentaires, sur demande de l’un des parents. Mais le gouvernement français a décidé d’aller plus loin, avec l’automatisation, au 1er mars 2022, du recours à l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (Aripa). Un dispositif dont seuls seront exclus les parents qui le refusent expressément et d’un commun accord. « La pension alimentaire est payée chaque mois par le parent qui doit la pension à l’Aripa,laquelle la reverse immédiatement au parent qui reçoit la pension. En cas de manquement du parent débiteur à ses obligations, l’agence engage une procédure de recouvrement de l’impayé auprès de lui et verse au parent créancier éligible l’allocation de soutien familial (ASF) », détaille le ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances « Il s’agit d’une évolution majeure par rapport au régime antérieur », estime Catherine Collombet, autrice d’une étude comparée de l’intermédiation dans le recouvrement des pensions alimentaires pour la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). « Depuis les années 1970, les organismes débiteurs de prestations familiales étaient chargés d’une assistance au recouvrement des impayés, mais ils n’intervenaient pas en l’absence d’impayés », rappelle-t-elle.
Son étude compare le projet français avec les expériences canadienne et britannique. Au Québec, un système universel de perception des pensions alimentaires a été mis en place dès 1995, « fruit d’une coalition entre les féministes, entendant mettre fin à toute forme de chantage du parent débiteur en échange du versement de la pension, et des milieux gouvernementaux cherchant à réduire le coût de l’assistance sociale ». Au Royaume-Uni, le cabinet conservateur a opté pour une logique inverse en misant, avec le Child Support Act (CSA) de 1991, sur « une logique de responsabilisation des pères ». Pour freiner, là aussi, les dépenses sociales et réduire le « nombre de parents isolés bénéficiant de l’Income Support », le principal minimum social britannique étant passé de 330 000 bénéficiaires en 1980 à 777 000 en 1989. Mais, de la mise en œuvre concrète du Child Support Act, en 1993, jusqu’à son abandon en 2012, le gouvernement anglais a enregistré de nombreuses déconvenues, principalement financières (3,8 milliards de livres sterling d’impayés). Il a donc préféré se rabattre sur un système privilégiant la recherche d’un accord entre les parents et la mise à la disposition d’outils pouvant servir d’intermédiation dans le paiement des pensions. Une perspective cependant découragée par la « perception de frais » comprise dans les interventions gouvernementales.
Une nuance de taille sépare cependant l’expérience française de celles menées au Québec comme au Royaume-Uni, pays où « rien n’assure une compensation, pour le parent gardien, en cas d’incapacité du parent non-gardien à s’acquitter d’une pension, ou de l’organisme public à la recouvrer », souligne Catherine Collombet : « La France se distingue par l’existence d’une prestation familiale dédiée, l’ASF, garantissant au parent créancier un montant minimal de pension même en cas de défaillance du débiteur ». La comparaison des trois dispositifs, conclut-elle, « met en évidence la plasticité du concept d’intermédiation. Selon son articulation avec le système social et fiscal, elle peut-être le corollaire d’une solidarité développée envers les familles monoparentales ou à l’inverse servir à limiter celle-ci en substituant aux dépenses sociales une responsabilisation accrue du parent non-gardien. »